Chapitre 42: Amila

0 0 0
                                    


Nous restons tous dans le hall, et nous nous disposons de chaque côté de la pièce. Des chevaliers ouvrent la marche, accompagnés d'un Elichias un peu trop joyeux. Mateus nous rejoins, essoufflé, et passe une main dans ses cheveux pour les replacer. Murthak lui lance un regard sévère, alors qu'il se tient droit à mes côtés, sans me toucher. Je prends machinalement le bras de Mateus, et il le presse contre ma poitrine. Il me fait un sourire à tomber, et nous recentrons notre attention sur l'arrivée du Roi Edmond. Les courtisans ouvrent la marche, et les Princesses Sherila et Lalyna, avancent en se tenant le bras, rayonnantes. Les suit le Prince Damian, et une boule se forme dans mon estomac en le voyant. Mais ce n'est rien comparé à la nausée qui me fustige en voyant le Général Jankic de l'autre côté de la pièce, droit comme un piquer en accueillant son Roi.

La Princesse Olivia apparait soudainement, le visage couvert d'un linceul blanc. La tradition veut qu'on ne voit pas la futur Reine avant le Roi le jour de son mariage. Seules ses dames de compagnies peuvent la voir, et uniquement pour la maquiller et la coiffer. Sa robe est étonnamment simple, en comparaison des tenues de sa famille. Elle n'est pas encore dans sa robe de mariée. Elle précède ses parents, le Roi Edmond, d'une grande prestance et d'un charme insoutenable, et sa mère la Reine Katrina, une beauté froide et distante, mais non moins gracieuse. D'autres courtisans ferment la marche, les bras chargés d'affaires. Nous nous inclinons à leur passage, et mon cœur est plein de chaleur en observant la silhouette fluette et élégante de la Princesse. C'est Morbus qui les accueillent et les mène vers leurs appartements, à l'opposé de ceux de Leogarth. Nous regagnons à notre tour la salle de réception, et je prends un verre de vin pétillant, qui me fait légèrement tourner la tête. Une nouvelle fois, Murthak disparait, et je suis seule avec Mateus. Sa présence me rassure, mais je n'ai malheureusement rien à lui dire. Je m'imagine l'emmener dans mes appartements pour passer du bon temps, et nous occuper pour éviter la cohue.

— Je suis heureuse vous revoir Myriam !

Je me retourne et vois Dame Diken me sourire, un verre à la main. Je lui rend son sourire avec bienveillance.

— Le plaisir est partagé, Ma Dame, vous avez vraiment belle allure.

— Et ce grâce à vous, mon Mage ne vous importune pas j'espère ? Elle pose un regard taquin sur Mateus qui rougit.

— La compagnie de Mateus me comble joie, je glisse avec douceur.

— M'en voilà enchantée. J'ai vu votre oncle tout à l'heure, mais je n'ai pas pu lui parler, mon mari à la langue bien pendue, ils n'ont fait que parler de sa maudite forêt et des créatures qu'elle abrite.

Mon oncle... mon cœur se soulève, mais je suis soulagée qu'elle ne lui ai parlé de moi. Je dois trouver une parade pour que cela ne se produise pas.

— Si vous pouviez éviter de parler à Jared Vankarten de sa nièce, Ma Dame, ils ne sont pas en très bon terme, dit alors Mateus en venant à mon secours.

— Oh, je l'ignorais, cet homme a donc la fâcheuse manie de se mettre toute sa famille à dos.

— Apparemment, je confirme, en ravalant un soupire de libération.

— Mateus, pourquoi n'iriez-vous pas discuter un peu avec votre Seigneur ? Myriam et moi pourrons discuter un peu, entre femme.

Mateus hésite, mais je le rassure en hochant la tête. Si nous restons dans la même pièce, cela devrait bien se passer.

Il s'éloigne de moi, non sans laisser un vide dans mon bras, et rejoins Aaron Diken dans le coin de la pièce, discutant avec des nobles dont j'ignore l'identité.

— Votre cousin semble stressé, mais ce n'est pas tous les jours qu'on mari son Roi. Elle me parle en saluant les personnes qui passent près de nous. Je l'imite avec manière.

— Sa Majesté Ulrich n'est pas en reste pour ce qui est de l'appréhension. Mais je sais qu'à la vue de la Princesse, il en sera tout autre, je souligne, et portant ma coupe à les lèvres pour en boire une infime gorgée de nectar.

— En effet, on ne fait que venter la beauté de son Excellence. Ces femmes andrasiennes nous font de l'ombre ! Elle plaisante, et je ris avec elle, plus nerveusement que je l'aurais espérer.

— En parlant d'Andrasien, je vais vous présenter !

Elle m'attrape le bras, et je sens un vent de panique inonder mon corps, quand elle nous rapproche dangereusement de mes parents.

— Duc Rovergale ! Dame Rovergale !

Je me décompose, et mes jambes me supplient de les sortir de cette situation. Je déglutis, mais m'efforce de faire bonne figure. Ils ne me reconnaissent pas, ils ne me reconnaissent pas, je tente de me rassurer, en voyant leur visage se tourner vers nous.

— Dame Diken ! La voix grave de mon père resonne jusque dans mon âme. C'est un plaisir de vous voir enfin en bonne santé !

— Oh Iris, je me faisais un sang d'encre, je suis heureuse que vous soyez remise ! Je suis subjuguée par l'hypocrisie de ma mère, et de son ton mielleux, que je ne l'ai jamais vu employer avec nous.

— Je vous présente Myriam Vankarten, une jeune femme brillante qui m'a sauvé la vie, en compagnie bien sûr de son cousin et de mon mage.

Mon père me sourit tout en ignorant qui je suis. Ses yeux me déshabillent et se glissent habilement dans mon décolleté, je trésaille et camouffle un haut le cœur. Quant à ma mère, son visage est indéchiffrable, mais elle sourit avec politesse à mon encontre. Ma mère ne m'a jamais souri, même quand je me suis mariée. Je les salue en inclinant la tête, mais je supplie intérieurement Murthak ou Mateus de venir me tirer de là.

— Oh, c'est votre dernière fille que je vois là-bas ? Dame Diken désigne Nina, qui glousse en compagnie de jeunes hommes qui tente de la charmer. Je retiens ma colère. Ils lorgnent ma petite sœur comme si elle était un bout de viande.

— Oh oui, Nina ! L'appelle mon père. Elle se retourne et vient nous rejoindre.

La vue de son magnifique petit visage, son nez en trompette, ses lèvres charnues roses, et ses grands yeux bleus profond, me brise le cœur en millions d'atomes. J'ai envie de la prendre dans mes bras, et de lui dire que je vais bien, que je suis là. Mais elle ne me reconnait pas non plus. On nous présente et je m'incline devant elle, tout en ravalant la boule qui se fait douloureuse dans ma gorge. Je retiens fermement mes larmes de couler.

— Votre avant-dernière fille n'est pas présente au mariage ? demande Dame Diken. Mon cœur se fait lourd quand ils m'évoquent, sans savoir que je me tiens face à eux.

— Non, D'après le Général, son époux, elle serait souffrante, mais cette fille n'est qu'une empotée, elle a dû manger quelque chose d'avariée, rétorque ma mère en grimaçant. C'est tout ce que je suis pour elle, une grimace. Et le Général ment donc sur ma situation, voilà ce qui est intéressant. Personne en sait que je ne suis plus sur l'Isle.

— Vous savez, nous avons enfin trouver à qui nous allions offrir la main de notre petite dernière, annonce ma mère avec une fierté qui me glace le sang.

— Ah oui ? Qui-est-ce ? demande Dame Diken avec curiosité. Je fulmine intérieurement, et jouer la comédie est en train de vider toute mon énergie.

— Le Prince Javier Bendaroll, il cherche à se marier depuis des années maintenant.

Un cri retentie en mon antre, et je camoufle ma rage par une toux, alors que les larmes montent à mes paupières. J'ai besoin d'air, mes poumons se compriment.

— Pardonnez-moi, je dois m'absenter quelques minutes.

Je m'éclipse dans la précipitions, et gravie les marches quatre à quatre, la respiration haletante. Je laisse échapper un sanglot, tout en luttant pour ne pas m'effondrer. Ma Nina va épouser un fils Bendaroll, et je suis impuissante. A quoi bon avoir tous ses pouvoirs si je ne peux même pas les utiliser pour protéger ceux que j'aime ? Et Violetta ? Combien de temps avant qu'elle ne meurt sous les coups de son mari ?

Je regarde mes mains, et elles tremblent. J'arpente une suite de longs couloirs puis j'ouvre la première porte qui se présente à moi, et me met à pleurer toutes les larmes de mon corps.

— Qui est là ? 

La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant