Chapitre 41: Murthak

0 0 0
                                    


— Tu as vu Amila ? je demande à Mateus, en me penchant à son oreille.

— Non, pas encore, je la cherche depuis tout à l'heure, m'informe-t-il.

Je fronce les sourcils et balaye la salle rapidement, avant de regarder les balcons qui nous surplombent.

— Elle doit encore être la haut, je vais aller la chercher.

Je me prépare à monter, mais Mateus me retient par le bras.

— Ton père est là, je l'ai vu, et en charmante compagnie, me dit-il avec gravité.

— Oui, je le sais, fais en sorte qu'Amila ne le croise pas, comme je te l'ai dit. Et s'il s'approche de vous, détourne son attention pour qu'elle puisse s'éclipser.

— Tu penses qu'il pourra déceler ce qu'elle est ?

— C'est bien ce qui me pousse à redoubler de prudence, je lui avoue.

Je me dirige vers le hall, prêt à monter chercher Amila, Mateus sur mes talons, quand je me fige. Mon cœur se soulève d'un bond et se bloque dans ma trachée. Le mutisme qui s'empare de moi en cet instant est d'une puissance telle que je doute pouvoir reparler un jour.

Amila est en haut de l'escalier. Sa beauté est irréelle. Sa robe violette épouse la forme de son corps jusqu'à sa taille, et s'étale en une jupe imposante et majestueuse. Son décolleté a de quoi détourner le regard de tous les hommes, et c'est pourtant avec un respect empreint d'admiration que je le contemple. De ma vie, je n'avais jamais vu une femme aussi belle. Ses cheveux noir corbeau relevés en un chignon sauvage dégage son port de tête d'une distinction unique. Je doute même que la princesse Olivia puisse égaler pareille beauté. Je reste bouche bée alors qu'elle descend lentement les marches, pas après pas, en soutenant son jupon d'une main et se tenant à la rambarde de l'autre. Mateus, aussi admiratif que moi, s'approche et lui tends son bras, qu'elle saisit avec un sourire timide qui pourrait incinérer mon cœur. J'envie soudainement cet homme qui l'accompagne avec fierté, mais la peur qu'on la remarque me fait frissonner. Elle est certainement la femme la plus belle de toute l'assemblée, et son physique séraphique attirera forcément l'attention. Elle pose un regard intense sur moi, et me regarde des pieds à la tête avant d'hocher la sienne comme pour souligner mon élégance. Je lui rends avec un sourire que j'espère charmeur, mais je sens que je perds peu à peu la raison. A trop la regarder, je pourrai devenir fou. Mateus et elle partent vers la salle de réception, et je les suis de près.

Ce que je redoutais le plus se produit. Quand Mateus, dans son costume bleu clair, et Amila, dans sa somptueuse robe violette pénètrent dans la pièce, tous les regards les jaugent avec curiosité et admiration. Je reste en retrait, et fusille de mes prunelles chaque homme qui la lorgne d'un peu trop près.

Je me penche à l'épaule de son cavalier et serre les dents.

— Je crois que pour la discrétion on repassera, je lui glisse, tout en réfrénant mon angoisse.

— On aurait peut-être dû l'enlaidir avec un modifieur, me souffle-t-il à demi-mot.

— C'est malheureusement trop tard...

Je remarque le regard de mon père sur celle qui se fait passer pour sa nièce auprès de la noblesse, et dont il ignore l'existence. Je m'éloigne d'elle pour ne pas le pousser à l'aborder en me voyant en sa compagnie, non sans lancer un dernier regard de connivence à Mateus. Je traverse la salle avec rapidité, me glissant entre les invités tout en évitant de les bousculer. Je remonte vers l'aile Est, parcourant les marches quatre à quatre, et toque à la porte de la chambre du Roi.

La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant