La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'Ombres

Chapitre 32: Amila

Le sort est encore loin mais je le sens. J'ignore pourquoi je peux le ressentir. Je doute que les Mara n'aient le moindre liens avec les Nymphes, mais dans tous les cas, sa trace est perceptible, et mes sens sont en alertes. Murthak et Mateus marchent à mes côtés, sans doute par peur que je me volatilise à nouveau. J'ai besoin d'en savoir plus sur leur passé commun, mais chaque chose en son temps.

Nous remontons le lit de la rivière comme nous l'a indiqué Hivik, et mon cœur bat à cent à l'heure. Jamais je n'aurais imaginé devoir affronter une autre créature sournoise et magique, et j'ignore même ce que nous donnerons en échange. Je commence à envisager de lui proposer le collier que m'a offert Violetta, même si cela me fend le cœur. La vie d'une femme est en jeu, et cela vaut bien un collier. Les deux mages sont silencieux à côté de moi, et m'observent avec attention. Je sens les émanations de la perturbation s'intensifier à nouveau, nous sommes sur la bonne piste. Je me mets à presser le pas, et voire à courir, quand des chants étranges et envoutant parviennent à mes oreilles. Je me fige, et un Flux chaud et rassurant m'encercle. Je regarde Murthak, il me protège à nouveau avec sa barrière. Une légère odeur de caramel me confirme qu'il s'agit bien du sien. Le parfum de son flux ne m'évoque que de la douceur et de la sécurité. Je n'ai plus peur.

Les chants sont de plus en plus forts, et une silhouette lumineuse émerge de l'autre côté de la berge. Une femme complétement nue, aux cheveux d'argent, essore ses cheveux. Ses yeux d'or papillonnent en nous voyant. Elle est magnifique, surhumaine. Elle s'approche de nous, ondulant ses hanches à chaque pas. Elle traverse l'eau avec une telle aisance qu'on pourrait presque penser qu'elle ne la sent pas. Les chants émanent d'elle, pourtant sa bouche est fermée, dans un étrange sourire enjôleur. Mateus et Murthak ont les yeux écarquillés devant la beauté de la créature, et je dois moi-même avouer qu'elle ne me laisse pas indifférente, mais je me ressaisie.

— Un présent ?

Sa voix douce et mélodieuse caresse mes oreilles, et je frémis. Elle résonne en moi, me rend presque euphorique. Je résiste, et je sens la main de Murthak se poser sur mon épaule. Il résiste également. Mateus ferme les yeux pour ne pas céder.

— Madame, nous sollicitons votre aide, je tente en m'inclinant devant elle.

Elle me regarde, son corps blanc scintille, et elle est irréelle. Elle glousse et tournoie dans l'eau de la rivière.

— Un présent ? répète-t-elle.

J'ôte mon collier, et le lui tend. Elle glousse à nouveau.

— Vous avez ensorcelé un bracelet, et nous souhaiterions que vous retiriez votre sort, et je vous offre ce présent en échange.

— Un présent ? Elle montre alors Murthak du doigt et ce dernier pâli.

— Il n'est pas un présent, je tempère, en calmant la panique qui se dessine dans mon estomac.

— Un présent ?

Je regarde Murthak et il secoue la tête avec stupeur et terreur. Je comprends ce qu'elle veut, et il l'a compris aussi.

— Je vous offre mon collier, c'est tout ce que nous pouvons vous donner, j'insiste en secouant le bijou devant elle. Elle glousse à nouveau et tourne sur elle-même avec une grâce irréelle. Je serre les dents.

— Qu'est-ce qu'elle veut ? me demande Mateus à voix basse.

— Elle veut le sceptre, lui indique Murthak, avant que je ne puisse répondre quoi que soit.

— Alors donne lui ! Tu n'as pas besoin d'un sceptre !

Murthak recule d'un pas et continue de secouer la tête avec un refus persistant.