Chapitre 4: Murthak

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Ma maitrise des ombres est inexistante, et pourtant ce soir, je sens que je vais réussir, je le dois. Je me concentre, assis en tailleur sur mon lit et imagine alors les ombres projetées par la bougie en face de moi se mouvoir à ma guise. Mais rien. J'émet un râle de frustration et me redresse, enfile mes chaussures et dépose ma cape sur mon épaule. J'ai besoin d'un verre.

Je me dématérialise dans la rue qui fait face à la taverne du Sanglier D'or et grimace en voyant que j'ai les pieds dans du crottin de cheval. Je relève la tête vers la porte en bois gondolée, et y entre en tapant mes semelles contre le mur pour les décrotter. L'ambiance est encore festive ce soir, la musique est forte et entrainante, et les choppes débordent d'alcool dans les mains d'hommes ivres, qui chantent à tue-tête une chanson aux paroles évocatrices. Je salue les tenanciers et m'installe seul à une table. Une jeune serveuse au cheveux bruns s'approche de moi en ondulant ses hanches. Son corset fait généreusement remonter sa poitrine. Elle m'adresse un clin d'œil intéressé que je lui rends avec appétit en posant mes yeux sur sa gorge. Mère Nature est parfois très généreuse avec certaine femmes, tout comme elle l'est avec moi pour me les amener.

Elle me ramène une pinte et se penche assez pour que je lorgne la naissance de sa poitrine. Je lève un sourcil et lui fait du charme. Je bois cul sec en ne la quittant pas des yeux, puis soudain l'attrape sur mes genoux et elle glousse.

— J'adore vos yeux Monseigneur, me dit-elle, ses joues s'empourprant.

— Attendez de voir le reste ma chère, je lui murmure langoureusement en lui mordillant le lobe de l'oreille.

Ses cheveux sentent le miel. Ce n'est pas l'odeur que je préfère mais au moins elle est propre. Elle me serre plusieurs pintes et je lui laisse un pourboire généreux avant de ressortir de la taverne, légèrement ivre. Je vais dans la ruelle arrière où elle me rejoint, et évente son visage cramoisie en s'aérant de sa main en me voyant approcher. Je la surplombe, me saisit rapidement de ses lèvres que je mords alors qu'elle gémit et je saisie sa poitrine à pleine main. Ni une ni deux, je me retrouve en elle et la culbute sur un tonneau de vin vide laissé à l'abandon. Elle étouffe ses gémissement en pinçant ses lèvres, puis quand je termine, redescend sa jupe et replace ses cheveux, le visage pourpre. Je la salue en reprenant mon souffle, puis nous reprenons nos chemins comme si rien ne s'était passé.

Je regagne tranquillement le palais quand des ombres m'encerclent. Mon cœur vacille et je sens que je vais m'évanouir, mais je m'efforce de reprendre le contrôle. Je lève mes deux mains et je fais mes glisser mes doigts sur le mur sur lequel menace l'obscurité et celle-ci se recroqueville. Ce sont mes ombres, ce sont celles que j'ai provoqués sans m'en apercevoir, et que par ce fait, je n'ai pas congédié. Ce ne sont pas celle de mon père. Un soulagement intense me soulève le cœur, et je dématérialise à nouveau dans ma chambre.

Une culbute et un peu d'alcool, c'était ce dont j'avais besoin. Et cette jeune serveuse était délicieuse, quoi qu'elle manquait un peu de souplesse. J'appelle une femme de chambre pour qu'elle me prépare un bain et je m'y plonge. Malgré moi, et ma phobie du feu, je me contrains à allumer des bougies tout autour de moi et je laisse danser l'ombre de ma silhouette sur le mur au chancèlement des flammes. Je me concentre à nouveau, et cette fois-ci, j'arrive à les détacher et à faire surgir une griffe du dos de mon ombre, celle-ci glisse hors de la baignoire et d'un coup, éteint toute les bougies. La panique me comprime quand je me retrouve dans l'obscurité la plus totale. Je cherche à tâtons ma serviette et l'enroule autour de ma taille avant de manquer de tomber de la baignoire. Je veux allumer ma lampe à huile, mais ne la trouve pas. Non, je n'utiliserais pas le sort de feu. Je m'y refuse. Pourtant affronter le noir abyssale de ma salle de bain n'est pas moins effrayant. La panique fait émaner de mon Flux des arcs électrique, qui m'éclaire légèrement. Je trouve ma lampe à huile et l'allume. Je suis soulagé. Je sors de la salle de bain et me jette sur mon lit en posant la lampe sur ma table de chevet. Quand le feu est emprisonné par du verre, il me parait inoffensif.

La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant