Chapitre 2: Amila

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Le mariage de Kleya approche, et je me console de la présence de Violetta et Nina à mes côtés. Violetta a repris un peu de poids ces derniers jours, et son visage arbore désormais cette teinte dorée et hâlée, typique des habitants de notre Royaume. Nous arpentons les jardins, et ne croisons mère que lorsque nous dînons. Elle ne nous adresse aucun mot, et comme d'habitude, notre présence l'insupporte. C'est à se demander pourquoi elle a fait autant d'enfants.

Le mariage de Kleya signifie également l'arrivée de nos autres sœurs Merila et Isabela, et de leur époux respectifs, le Duc de Kishen et le Seigneur du Vale. Bien que ces hommes ne soient pas aussi cruels que le Seigneur de guerre de Violetta, ou que le Général Jankic, il est difficile d'ignorer que le Duc en est à sa troisième épouses.

Kleya est folle de joie en les revoyant et le trio ne cesse de se pavaner dans notre maison, comme si elle n'appartenait qu'à elles. Nous avons toujours été deux clans dans notre sororité, et ces trois-là ensemble valent presque autant que ma mère dans leur froideur et leur cruauté.

Nous mangeons toutes ensembles, attablées comme autrefois, mais le sourire carnassier de mes sœurs sur moi me déstabilise.

— Alors comme ça, la petite Amila a enfin été promise ! clame Merila, de sa voix fluette.

— A qui appartient donc cet âme charitable qui veut bien d'elle ? demande Isabela avec moquerie.

— Le Général Jankic, il paraitrait que sa seconde épouse ne l'ait pas satisfait, elle est morte mystérieusement, leur répond Kleya avec suffisance, je me demande si c'est le sort qu'il réserve à notre petite sœur adorée.

Je grimace et menace de leur répondre, mais la main de Violetta sur la mienne m'apaise. Je sais qu'elle me conseille de ne pas me laisser provoquer.

— Et toi Vi' ? Comment se passe tes amours ? demande alors Isabela, en ricanant dans son verre de vin.

Violetta la toise avec mépris, puis adopte une posture que j'ai souvent imitée mais jamais égalée, pleine de confiance et de détachement.

— Je compte les jours jusqu'à ce que la goutte qui menace de lui faire amputer une jambe, ne finisse par l'emporter, dit-elle avec une légèreté qui me glace le sang.

Mes trois autres sœurs éclatent d'un rire sonore, et Violetta affiche un rictus satisfait. Nina et moi nous regardons avec des yeux ronds. Je suis épatée de voir comme ma grande sœur se sort de ces situations ne visant qu'à l'humilier. Les époux de mes sœurs nous scrutent avec discrétions, mais je sais qu'ils nous jugent derrière leurs verres levés à leurs lèvres.

Je contemple depuis le balcon de ma chambre la grande île suspendue au-dessus de la vallée qui s'étend au-delà de Palisya. Elle est maintenue par une magie ancienne existante bien avant la magie du Flux. C'est sur cette île qu'est construit l'immense palais Royal. Je suis songeuse en pensant que dans quelques années, j'y passerais ma vie, prisonnière d'un mariage sans amour et à la merci d'un vieil homme cruel dont j'ignore encore le prénom.

On frappe à ma porte et Violetta entre, suivi de Nina. Je me retourne vers elles et leur sourit. Elles s'approchent toutes les deux et regardent à leur tour l'Isle Elisandre.

— Est-ce que ça te fait peur ? me demande Nina.

— Non, j'avoue à demi-mot.

Je ne sais pas si la peur est vraiment le sentiment qui qualifie ce que je ressens. Je suis inquiète, mais étrangement la peur n'est pas l'élément principale qui découle en moi. J'ai l'impression que quelque chose empêchera ce mariage de se produire. Je suis certainement encore dans le déni.

La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant