Chapitre 43: Murthak

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— Ulrich, Les Rois sont là, Edmond est arrivé, et Olivia également, j'informe mon Roi, dont le visage s'affaisse à cette annonce.

— Et comment est-elle ? Est-ce qu'elle sourit ?

Je lève un sourcil, et ravale un rire qui me chatouille la poitrine. Son stress est tellement palpable qu'il m'envahit.

— Je n'ai pas pu la voir, personne n'a pu jusqu'à maintenant, je lui dis, en mimant le linceul devant le visage de la princesse avec mes mains.

— Ah oui, c'est vrai...

Il se regarde dans le grand miroir. Sa tenue de Roi est parfaite, toute d'Or, de Bronze et de Bordeau. Sa longue traine de soie pourpre est habilement tissée de feuilles d'or. Il ne lui manque plus que sa couronne, encore posée sur son coussin velours.

— La cérémonie est dans combien de temps ? me demande-t-il d'une voix sourde.

— Dans deux heures, le temps de terminer la préparation de la Princesse.

Il se tourne vers moi et ses yeux gris m'assènent son anxiété. Je tousse pour exprimer ma gêne.

— Je vais me marier... souffle-t-il, et je le rattrape avant qu'il ne tombe. Ses jambes ont cédé sous le poids de son angoisse.

— A l'une des plus belles et des plus intelligentes femmes de ce Royaume, je précise, en l'aidant à s'assoir sur une chaise, tout en évitant de marcher sur sa longue cape.

— Je ne suis pas à la hauteur Murth, je ne le serai jamais... Je vais devoir lui faire des enfants, engendrer ma descendance... Ses mains tremblent quand il les met sur son visage.

Je m'agenouille devant lui avec révérence, et je prends la posture la plus sérieuse et solennelle dont je suis capable face à lui.

— Majesté, vous êtes l'homme le plus humble, le plus intelligent, le plus pragmatique et rusé que je connaisse. Notre future Reine aura une vie comblée à vos côtés, tout comme la mienne l'est déjà à vous servir.

— Relève toi imbécile ! Je t'ai déjà dit, pas de ça entre nous. Je suis peut-être Roi, tu es peut-être mon Mage Royal, mais tu es avant tout mon ami, mon frère. Je te considère comme mon égal. Il pose sa main sur mon épaule et ses yeux brillent d'une lueur émotive. J'affiche un sourire en coin et me redresse.

— Olivia et toi ferez un couple détonant, j'esquisse un sourire malicieux, et Ulrich se lève à son tour.

— Qu'est-ce qu'il a ton bracelet ?

Mes yeux se posent sur mon poignet, et une des émeraudes scintillent. Mon cœur loupe un battement.

— Amila !

Je sors de la pièce en courant, abandonnant sans explication mon pauvre Roi angoissé, à la recherche de mon apprentie. Je redescend dans la Grande Salle, et je ne la vois pas. Je parcours avec panique chaque recoins de la réception, et la chaleur monte dans ma poitrine, pesant un poids lourd et inconfortable. Dans ma précipitation, je percute Morbus, et manque de tomber à plat ventre. Mon Flux me redresse, et je prends une profonde inspiration.

— Ne pouvez-vous donc pas regarder où vous allez ! gronde-t-il en brossant sa barbe.

— Morbus, avez-vous Myriam ? je lui demande, haletant, sans prendre le temps de m'excuser.

— La dernière fois que je l'ai vu elle était avec l'autre mage...

Mateus. Je reprends ma course à la hâte, en cherchant cet idiot. Son costume bleu se distingue dans la foule, et je suis frappé par la peur quand je vois qu'Amila n'est pas à son bras. Il est en pleine discussion avec son Seigneur, mais je dois les interrompre.

— Mat' ! Je l'appelle, et ses yeux turquoise se lève vers moi, surpris.

Je me fraie un chemin, esquivant avec de grandes enjambées les personnes qui n'hésitent pas à me bousculer, et arrive à sa hauteur.

— Ou est Amila ? je lui demande en un souffle, la voix basse pour qu'il soit le seul à l'entendre.

— Oh, elle est avec... Il cherche quelqu'un du regard, mais son visage se décompose quand il ne trouve pas. Elle était avec Ma Dame, mais je vois que ce n'est plus le cas...

— On doit la retrouver, maintenant.

Je suis affolé, et mon cœur bats dans mes tempes avec fureur, alors que je regarde mon bracelet. Il ne s'allume plus, étrange. Est-elle vraiment en danger ? Ou notre Flux s'est rompu ? Je lâche des juron à voix basse en maudissant de crétin de Mateus qui n'est même pas fichu de garder un œil sur elle. C'est pourtant loin d'être tâche ingrate.

Je monte sur le balcon, mais je ne la vois pas. Mon cœur se serre en m'apercevant que je n'ai pas non plus croisé mon père. S'il est avec elle, c'est fini. Il va s'immiscer dans sa tête, et elle ne sait pas encore ériger de barrière. Mon sang est presque comme de la lave en fusion dans mes veines. Mateus et moi décidons de nous séparer pour la retrouver, et je grince des dents devant l'immensité du palais, et de toutes les zones à arpenter pour espérer tomber sur elle.

Je cours dans un des vastes couloir de l'Aile Nord, mes chaussures crissant sur le carrelage brillant. Une silhouette longiligne surgit d'un recoin, et je m'arrête net avant de la heurter. Une étrange femme, d'une beauté glaciale me toise avec un sourire en coin. Elle a de longs cheveux d'argent et des yeux violet. Sa peau est lisse et pâle. Elle s'approche de moi d'un pas lent et mesuré, alors que je reprends péniblement ma respiration. D'instinct, j'érige une barrière autour de moi. C'est la femme qui accompagne mon père. J'ignore qui elle est, mais elle ne m'a pas l'air d'être une alliée. Je m'en méfie comme de la peste.

— Voici donc le fils de Jared, dit-elle d'une voix mature et sensuelle. Elle tourne autour de moi en me caressant l'épaule. Je trésaille.

— Qui êtes-vous ? je l'interroge avec froideur.

— Pourquoi tant de méfiance ? Suis-je une menace pour vous ? sa voix est d'une douceur fosse et je grimace.

— Je n'ai pas de temps à vous accorder, je crache, et reprend ma route.

— Vous cherchez la jeune femme... Je me fige, et mon cœur tambourine le long de ma carotide.

— Ce que je cherche ne vous regarde en rien, je siffle entre mes dents serrer.

— Intrigante, magnifique et délicieuse jeune femme qui vous met en émoi Murthak... Elle arrive sur moi avec une vitesse irréelle et j'ai un mouvement de recul alors qu'elle me coince entre elle et le mur.

— Restez loin de moi où je vous le ferai regretter.

Elle rit, et se rapproche davantage, si bien que sa poitrine est contre mon torse, et je sens son souffle chaud sur ma bouche.

— Vous êtes tout de même plus beau que votre père... Elle m'embrasse, et me mord la lèvre avec une telle force que j'en saigne. Je la repousse sans magie, et elle éclate de rire.

J'essuie ma lèvre ensanglantée alors qu'elle lèche le sang déposé la sienne, et me regarde de haut en bas, avant de poser ses yeux violets sur moi.

— Mais vous êtes moins puissant... Elle tourne les talons et s'éloigne de moi.

Je reste contre le mur, mon pouls, dans un rythme effréné, devient douloureux, et je tape du poing contre la pierre en grognant. J'ignore qui est cette femme, mais elle ne m'inspire rien de bon. J'ai encore le gout de cuivre de mon sang dans la bouche, mais je ne suis obsédé que par une seule chose, retrouver Amila. Les émeraudes de mon bracelet s'allume de plus belle, et un cri de douleur résonne dans l'Aile ou je suis. J'accours dans tarder, en priant pour que ce ne soit pas elle. 

La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant