«Je crois que tu redeviens la Sally que tu étais. »
J'étais revenue "chez moi" depuis deux semaines, déjà. "Ma chambre" m'apparaissait toujours aussi inconnue. J'avais la sensation d'être dans la chambre d'une étrangère. Et pourtant des photos de mes "amis" et moi arpentaient l'ensemble des murs. J'avais beau fixer ces souvenirs qui appartenaient à la fille que j'étais dans le passé rien ne me revenait. Des photos à la plage, des photos dans des montagnes russes, des photos dans mon jardin, des photos devant mon lycée... Et pourtant tout ces visages m'étaient totalement inconnus, tout comme le mien d'ailleurs. On arpentait un sourire éblouissant. Comment avais-je pu oublier tout ces bons moments ? Comment avais-je pu oublier 17 ans de ma vie ? Je secouai la tête, à chaque fois que j'en venais à penser comme ça j'étais prise d'une angoisse abominable.
-Ma chérie ?
Je sursautai, ma mère se tenait dans l'encadrement de ma porte. Je me souvenais encore de sa crise d'hystérie quand elle avait passé la porte de l'hôpital, elle était devenue totalement folle, et depuis elle vivait dans un déni permanent. Pour elle j'étais toujours la même. Pourtant, face à son visage, je ne ressentais aucun sentiment d'amour ou autre.
-Oui ? Demandai-je enfin.
Elle s'approcha de moi avec un délicat sourire. Je me demandai si j'étais proche d'elle avant mon accident, elle semblait si aimante que le contraire m'étonnerait.
-Ton père et moi même aimerions te parler. Annonça t-elle.
Je lui lançai un faible sourire avant de la suivre hors de ma chambre. La porte de ma soeur Cloé était fermée. Nous nous parlions tout les soirs, elle me racontait en long et en large tout un tas de petits anecdotes de notre passé familial, nos vacances, nos bêtises etc. Je prenais en note chacune de ces informations, j'avais l'impression d'apprendre mon passé. Petit à petit je me construisais des souvenirs basé sur des histoires. J'essayai d'imaginer les scènes. J'essayai de me forger une carapace, de remplir ma coquille vide.
Mon père se tenait dans le salon, il me regarda en souriant.-Tu vas bien aujourd'hui Lily ?
J'hochai la tête. Mes parents ne me voyaient pas beaucoup. Je passais des heures dans ma chambre, je l'inspectai de fond en comble. Puis je dormais, des heures et des heures. Ma vie n'avait aucun sens, et même si le docteur me répétait de prendre cela comme une renaissance, une nouvelle page, et de recommencer à vivre, comment pouvais-je faire cela alors que tout le monde me connaissait déjà.
-Ton père et moi avons eu une idée, et nous aimerions avoir ton avis ma chérie. Commença ma mère en posant sa main sur celle de mon père.
-Oui, nous pensons que ce serait bien que tu retournes au lycée. Acheva celui-ci.Je manquai de m'étouffer. Au lycée ? Le docteur Robbinson avait procédé à une multitudes de tests qui montraient que mes aptitudes scolaires n'avaient pas été endommagées, en outre j'étais capable de lire, d'écrire, de calculer des équations et toutes ces choses, sans pour autant pouvoir me souvenir de quand et comment je les avais apprise, et plus je fouillais dans mémoire pour m'en souvenir plus cela m'échapper.
-Je ne sais pas si c'est une bonne idée Paul... Papa. Me repris-je sous les yeux exorbités de ma mère qui manqua de recracher son thé.
-Retrouver ton quotidien te fera du bien mon coeur. Murmura mon père, son visage était tendu.
-Tu aimes l'école ! S'exclama ma mère.
-J'aimais... Je marmonnai dans ma barbe.Ma mère soupira.
-Arrête de marmonner, tu sais bien que je ne supporte pas quand tu fais ça Sally !
-Non je ne le sais pas ! Vois-tu, je ne sais strictement rien de ce qui t'agace ! Criais-je, un peu plus fort que je ne l'aurais voulu. Je ne sais pas ce que j'aime, je ne sais pas qui j'étais ! Alors non, je ne sais rien, maman. Dis-je en appuyant sur le "maman"
-Comment oses-tu... Commença ma mère.
------- Catherine. L'arrêta mon père d'un revers de main.