chapitre 14

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Je garde le silence tout le long du trajet, inquiète pour mon frère, Eden et Ayem. Ma jambe tremble tout autant que mes mains et mon ventre ainsi que mes bras me brûlent. Toutes les coupures que je me suis infligée me punissent un peu plus à chaque seconde de tout le mal que j'ai causé.

J'ai la gorge tellement serrée qu'on pourrait la croire étranglée de barbelés et les yeux qui piquent des larmes que j'ai versé.

Aaron, lui, reste concentré sur la route, fermé comme une huître.

Bipolaire.

Ses mains sont tellement crispées sur le volant que les jointures sont devenus blanches, et son corps est raide, un peu comme si il était mort. Ses sourcils sont froncés, si bien que je le devine stressé ou en colère. Ou les deux.

Il roule vite, un peu trop à mon goût, ce qui accentue mes tremblements.

Le cri. Le choc. Le bruit. Le silence. L'odeur nauséabonde du sang. Les sirènes. Les gyrophares. Trou noir.

Je secoue la tête pour me sortir ces images de la tête, ce qui m'apporte un regard interrogateur de la part d'Aaron.

- Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il comme si j'étais sénile.

Je lève les yeux au ciel et ne réponds pas. Il m'énerve ! Il me parle n'importe comment, ensuite il dit qu'il est là pour moi, et puis redevient un abruti !

- Je me disais qu'en secouant la tête, tu paraîtrait un peu moins con, dis-je d'un ton cynique. Mais il faut croire que je me suis trompée !

Je l'entends expirer bruyamment, signe qu'il se contient.

- Et c'est en quel honneur, cette vanne à deux balles ? demande-t-il, la mâchoire serrée.

Je m'enfonce dans mon siège et hausse les épaules avec un petit sourire.

- En l'honneur que rien que ta présence m'agace, répondis-je en toute honnêteté.

Un rire à glacer le sang s'échappe de sa gorge. Soudain, la voiture par d'un coup sec vers le côté, me faisant pousser un cri de détresse. Putain je vais mourir. Je ferme les yeux et tout mon corps se crispe lorsque la voiture s'arrête brusquement.

J'ouvre une paupières, mes bras resserrés autour de moi, tendue comme un piquet et observe ce qu'il se passe autour de moi.

L'automobile est parfaitement garée sur le côté de la route, aucune mort, pas d'accident... Et Aaron qui fulmine.

Il se tourne vers moi :

- D'accord, gamine, je fais des efforts là ! dit-il, apparemment très en colère. J'essaie de t'aider, mais t'es une vraie teigne ! Je ne sais pas ce que je t'ai fais pour que tu me déteste autant mais ça devient fatiguant !

Je reprends contenance et lève les sourcils. C'est l'hôpital qui se fout de la charité à ce prix là !

- Tu ne sais pas ce que tu as fait ? répétai-je, ahuri. Tu veux que je te fasse une liste ?

Il fronce les sourcils, comme en totale incompréhension.

- Bien je commence, continuai-je. Premièrement, tu me hurle tout le temps dessus, ensuite, tu me regarde comme si j'avais tué ta mère, après, tu es un putain d'impulsif, la voiture en est témoin, encore...

- C'est bon j'ai compris, me coupe-t-il froidement. T'es vraiment susceptible...

D'accord. On garde son calme. Pas de meurtre. J'inspire un grand coup.

- Je ne suis pas susceptible, dis-je d'un ton à la fois calme et hystérique. C'est simplement toi, qui est insupportable depuis le début !

Il détourne le regard, croisant les bras, faisant ressortir ses tatouages. Je me demande ce qu'ils veulent dirent d'ailleurs. Ses yeux se ferment un instant tandis que sa pomme d'Adam monte puis descends lorsqu'il déglutit.

- Je ne cherche pas à te mener la vie dur, Angelina, murmure-t-il de sa voix rauque. Je veux juste que... Je sais pas. Jayden va mal. Tu vas mal. Et... Ça me mets la haine de savoir que tu te mutile...

- Je ne me mutile p...

- Ta gueule.

Je pince mes lèvres, agacée.

- Arrête de me prendre pour un idiot, gamine, reprend-t-il. J'ai vu tes marques. J'ai vu ce que tu t'inflige. Je sais ce que c'est... Je comprends ce que tu ressens...

Une larme roule sur ma joue et ma gorge se serre. Je vais mal.
Ma tête se tourne automatiquement et brusquement vers lui.

- Non, tu ne sais pas, murmurai-je. T'as pas le droit de prétendre savoir ce que je ressens. Tu n'as aucune idée de ce qui se passe dans ma tête...

Ma voix monte de plus en plus dans les aigus, passant du murmure à la folie.

- Tu n'as aucune idée de ce que je ressens, de ce que j'ai vécu ! Ma culpabilité me tue de jours en jours, me consumant lentement, me faisant mourir à petit feu. Je souffre, mais je vois aussi mon grand frère souffrir sans que je ne puisse rien faire ! Je ne peux pas m'arrêter, je sais que j'ai besoin d'aide mais j'y arrive pas, j'y arrive pas ! J'y arrive plus...

J'éclate en sanglots, laissant ma peine inonder mes joues, autorisant mon cœur à saigner un peu plus, renversant les digues que je m'efforce de construire un peu plus chaque jour.

En larmes, je continue quand même, comme si ça en devenait vital, d'exprimer à Aaron ce que je ressens.

- Je pleure, tout le temps, parce qu'à cause de moi et de mon comportement de merde, j'ai tué mes parents ! hurlai-je de plus belle. J'ai détruit notre famille, obligé mon frère à devenir responsable du jour au lendemain et par ma faute, il a dû s'occuper de moi avant même d'avoir pu faire son propre deuil !

Il reste là, sans bouger, à me regarder vider mon sac sans rien dire, me laissant exploser comme une idiote dans une voiture garée à côté d'une route. Comment j'ai fait pour en arriver là ? Mais j'ai tellement de colère et de haine contre moi-même que je ne peux plus m'arrêter.

- Tu ne sais pas ce que je ressens, Aaron Evans, simplement parce que tu ne sais pas ce que c'est que de te sentir coupable de la mort des êtres qui t'ont donné la vie...

Et je me tais. J'ai dis ce que j'avais sur le cœur. À une personne que je déteste strictement. Je détourne mon regard du sien resté inexpressif, et baisse la tête, devenant une statue.

- Alors je vais te soulager d'un poids, dit-il soudainement. Que tu ailles à cette fête ou pas...

Je lève un peu les yeux vers les siens, qui me fuient inexplicablement.

- Tes parents se serraient quand même fait tués, continue-t-il. Et toi aussi tu étais sensé mourir. C'est pour ça que tu es là...

Angelina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant