Angelina

chapitre 21

Au bout de quelques minutes, Aaron ressort des vestiaires, les mains bandées et un sourire supérieur aux lèvres.

- Bon alors, gamine, on va commencer, dit-il en montant sur le ring. Tu sais frapper un peu ?

Je hausse les épaules et reste silencieuse. Il me prend pour une débutante... Ou pour une conne. J'avoue que j'hésite là.

- D'accord, merci pour cette réponse constructive mon ange, rit-il en m'observant d'un air dédaigneux.

Il m'énerve , mais il m'énerve...

- La prochaine fois que tu m'appelles comme ça, je ferai en sorte que plus aucun son ne s'échappe de ta gorge pour le reste de ta misérable et pathétique vie, répondis-je avec mon sourire le plus hypocrite.

Il rit d'une manière franche avant de s'approcher de moi.

- Tant de colère dans un si petit être, c'est amusant, dit-il sans cesser de rire.

Je vais commettre un meurtre je crois. Comment peut-il passer de gars super cool qui veut aider les autres et qui donne de super conseils au plus grand des connards avec un humour à la limite de la provocation ? C'en est frustrant !

- Si on t'apprenait à mettre un coup de poing déjà ? pense-t-il à voix haute, son corps arrivé à un petit mètre de moi.

Je suis peut-être un petit peu impulsive, mais le fait qu'il me provoque ouvertement me mets tellement en rage que je ne répond plus de mes actes.

Mon poing par dans un mouvement à la fois rapide et puissant pour venir s'écraser sur le visage d'Aaron. Sa tête tourne brusquement et il manque même de tomber. Mais bon, il ne faut pas se leurrer, il doit faire le double de mon poids et le triple de ma masse musculaire. Je suis même pas sûr de lui avoir fait mal.

N'empêche, il ne l'a vraiment pas vu venir. Sa tête tourne très lentement vers moi, ses lèvres légèrement entrouverte, une mine surprise ou même choquée sur son visage bronzé.

Tout d'un coup, il attrape mon bras resté suspendu dans les airs et attire d'un geste brusque mon corps vers le sien. Il attrape mes épaules et me tiens fortement. Autrement dit, je ne peux plus bouger. J'aurais peut-être pas dû le frapper...

Ma mâchoire se contracte tandis que je ne cède pas à son regard noir.

- Je n'ai pas dit que ça avait commencé, gamine, souffle-t-il de sa voix rauque.

Je le fusille à mon tour du regard et répond sèchement.

- Je ne suis les ordres de personnes et encore moins les tiens, abruti. C'est moi qui décide quand ça commence.

J'essaie de dégager mes épaules de sa poigne mais, peine perdue, il est bien plus fort que moi.

Je disais quoi déjà ? La technique vaut parfois plus que la force ?

Le plus rapidement que je le peux, ma jambe rentre en contact avec ses côtes. Il ferme les yeux et sa mâchoire se crispe, ainsi que tous ses muscles. J'en profite pour baisser la tête et tourner sur moi même une fois, le forçant à me lâcher, puis je lui envoie un coup de coude dans le plexus.

Je m'éloigne de lui et dresse ma garde, les sourcils froncés et l'adrénaline brûlant mes veines. Ça m'avait manqué tout ça. Au moment même où mon poing a touché son visage, je me suis sentie irrémédiablement mieux.

Contre toute attente, un rire s'échappe des lèvres d'Aaron.

- Jayden m'avait dit que tu étais douée, mais le voir en vrai me surprend, je l'avoue, rit-il.

Une seconde. Il était au courant ? Il savait que je n'étais pas débutante ? Quelle idiote je fais ! Je baisse ma garde et croise les bras.

- Pourquoi est-ce qu'il t'aurait dit ce que je faisais ? demandé-je sans vraiment être intéressée par la réponse. C'est dingue ça, on a plus de vie privée ?

Aaron se contente de sourire puis dresse sa garde.

- Vas-y, gamine, montre-moi ce que tu as dans le ventre ! rit-il.

Ça peut sembler gentil de sa part vu comme ça mais je sais que c'est faux. C'est de la pure provocation. Et bon Dieu ce qu'il m'énerve !

Je lève les poings et cherche une faille dans la défense de mon adversaire. Puisqu'il semble me sous-estimer, je vais lui montrer de quoi je suis capable. Du moins ce dont je me souviens.

D'un mouvement léger et rapide, j'approche mon corps du sien avant de me baisser dans le but de lui faire une balayette.

Sauf que sans que je m'y attende, il bloque mon mouvement et me pousse au sol.

- Trop lente ! me provoque-t-il.

Je vais lui faire ravaler son sourire à cet abruti. Je m'approche de nouveau de lui et feinte une droite avant d'exécuter un demi-tour et de lui envoyer mon coude dans les côtes.

Il tente d'esquiver le coup au dernier moment mais il n'y parvient pas. Il se mord la joue mais ne dit rien.

- Trop lent ! m'exclamé-je en riant, reprenant ses mots.

Il écarte mon coude et me repousse doucement. Trop doucement. Il me ménage.

Je commence à lui tourner autour, tel un chat sauvage cherchant à attaquer là où ça fait mal sans pour autant se blesser à son tour. Tout est une question de stratégie. La vie en elle-même est une question de stratégie.

On continue ainsi pendant de longues minutes. J'attaque, il repousse, j'attaque, il repousse et ainsi de suite. Je n'arrive pas à trouver son point faible.

Malheureusement pour lui, comme tout être humain, il a une faille. Il suffit juste de la trouver et de savoir comment l'atteindre.

Quant à moi, je suis épuisée, je tiens à peine sur mes jambes et ma tête tourne un peu trop. Le manque de nourriture entraîne le manque d'énergie, c'est bien connu.

Un vertige me prend tout à coup et je manque de tomber en arrière, rattrapant in extremis le filet derrière moi.

- Houla, assieds-toi, Ange, murmure Aaron. Tu as assez fait d'effort pour aujourd'hui je crois.

Je hoche la tête et ferme les yeux, sentant le monde tourner autour de moi. Hors de question d'être faible une nouvelle fois. C'est décidé, je veux reprendre le combat. Ça m'a manqué.

En revanche pour ça, il faut que je reprenne de la force, de la masse musculaire, et surtout de l'énergie.

Mais détrompez-vous. On ne se sort pas des TCA uniquement par la force de la volonté. Je le sais parce que j'ai tenté. Je n'y arrive tout simplement pas. La nourriture est devenue mon pire ennemi. À moins que mon pire ennemi ne soit moi-même ? C'est sûrement le cas.

- Aller, on rentre, mon ange, dit Aaron.

Les yeux toujours fermés, je marmonne amèrement :

- C'est Angelina, pas Ange, et encore moins ton ange. Je n'appartiens à personne, pas même à ce monde.

Je l'entends rigoler légèrement puis je me sens soulever dans les airs. J'ouvre brusquement les yeux, bien que ma tête me tourne encore un peu trop et pousse un petit crit en me voyant perchée dans les bras du meilleur ami de mon frère.

Est-ce que c'est le bon moment pour dire que j'ai le vertige ?

Je m'accroche du plus fort que je peux au bras de cet imbécile d'Aaron en me mordant la lèvre pour éviter d'hurler. Ho, pitié, je veux rentrer chez moi...