chapitre 20

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- Est-ce que tu vas me dire où tu m'emmène ? demandé-je alors qu'Aaron m'incite à monter dans sa voiture.

- Là où tu pourras sortir ce que tu as sur le cœur, gamine, répond-t-il sans même m'adresser un regard.

Il claque la porte derrière moi et contourne le véhicule pour y monter à son tour.

- Et pitié, quand vas-tu arrêter de m'appeler gamine ? demandé-je une nouvelle fois, lassée.

Il esquisse un sourire.

- Quand tu seras morte, dit-il. Je t'appellerai le cadavre de la gamine !

Je lève les yeux au ciel et croise les bras.

- T'es vraiment chiant... dis-je en soufflant.

Il ne répond pas et démarre la voiture. Il s'engage sur la route et roule comme si je n'étais pas là.

Je fronce les sourcils et fixe mon regard sur le bandage à mon poignet droit. J'ai été tellement idiote. Mourir n'arrangera ni mon deuil, ni ma douleur. Ça va juste m'éteindre et faire du mal à ceux que j'aime.

Aaron a raison. Le suicide est un choix égoïste. J'ai été égoïste, ne serait-ce que d'y penser. Je ne recommencerai plus. Car au fond, je tiens à la vie... Et je suis reconnaissante d'avoir survécu. Du moins pour l'instant...

Peut-être que je pourrais aller mieux ? Peut-être que je pourrais sortir de mes problèmes alimentaires, de la culpabilité qui me ronge un peu plus chaque jour, de la colère qui me brûle et me tue ? Peut-être même que je pourrais reprendre mes études, qui sait ?

Avant l'accident, je rêvais d'être journaliste de guerre. Le danger, la responsabilité, l'adrénaline, tout ça m'excitait au plus haut point. Mais maintenant, après avoir vu les corps de mes parents, je ne pense plus en être capable. Ou plutôt je sais pertinemment que j'en serai incapable.

J'aimais beaucoup le sport aussi. J'étais plutôt musclée, quoi que tout de même déjà un peu trop mince. On s'est beaucoup moqué de moi, quand j'étais petite. On me traitait de crayon de papier et de planche à pain, ou même d'anorexique.

Puis j'ai commencé la boxe à douze ans. J'étais douée, mon professeur avait vu en moi un grand potentiel. J'ai continué sans relâche jusqu'à mes dix-sept ans. Jusqu'à la mort de mes parents.

Par la suite, j'ai tout laissé tomber. Je n'allais plus au sport, ni au soirée, ni au lycée et je ne traînais plus avec mes mauvaises fréquentations, je ne buvais plus ne serait-ce qu'une seule goutte alcool, et je n'ai pas manger le temps de deux semaines avant de finir à l'hôpital.

Puis l'enfer a continué, j'ai sombré dans ma culpabilité qui, je le sais maintenant, c'est transformé en... Trouble du comportement alimentaire. Je crois. Du moins, c'est ce que l'on m'a dit.

C'est sûrement pour cette raison que mes yeux s'ouvrent en grand, ronds comme des soucoupes, lorsque la voiture d'Aaron s'arrête devant une salle de boxe, sûrement d'ailleurs la plus immense qu'il m'ait été donné de voir.

- Qu'est-ce qu'on fait là ? demandé-je, surprise.

Le garçon esquisse un sourire, qui fait ressortir ça fossette gauche que je n'avais d'ailleurs jamais remarqué, puis sort du véhicule sans un mot.

Je le suis, silencieuse, les sourcils froncés et l'appréhension rongeant mes veines.

Il se dirige d'un pas calme vers la salle, puis ouvre la porte en plexiglas.

- Après toi, gamine, dit-il d'un air faussement gentleman.

Je lève les yeux au ciel mais obéi quand même et m'engouffre dans le bâtiment. Il n'y a aucun bruit, comme si la salle était complètement déserte. Par ailleurs, c'est complètement le cas.

Angelina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant