chapitre 4

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Je marche dans la rue, à la faible lumière des réverbères. Cela doit bien faire quatre heures que je suis partie de la charmante et accueillante demeure de ce cher Aaron Evans.

Et comme je suis si brillamment impulsive, je n'ai pas pris mon téléphone, qui est en ce moment même sûrement encore branché dans ma nouvelle chambre !

Et bien sûr, avec mon merveilleux sens de l'orientation, je sais parfaitement où je suis ! Notez l'ironie.

Les bras croisés, cherchant mon chemin, j'arpente seule les rues désertes d'une ville dont je ne connais rien. Très prudent. La prochaine fois, j'y réfléchirai peut être un peu avant de déguerpir tel une voleuse.

De plus, marcher pendant des heures avec l'estomac totalement vide depuis deux jours n'est pas l'idée du siècle !

Je m'arrête, épuisée, et colle mon dos à un mur de pierre froid avant de me laisser glisser au sol en soupirant.

J'ai la tête qui tourne et l'affreuse sensation d'être incapable de tenir debout. Je ferme les yeux, profitant du silence et de la fraîcheur agréable du soir.

Comment vais-je faire pour rentrer, désormais ? Personne ne sait où je suis, même moi je n'en ai aucune idée !

Des bruits de pas et de rires me font froncer les sourcils. J'ouvre les yeux et observe un groupe de cinq garçons, à peine plus vieux que moi, rire et marcher le long de la rue en zigzag. Je les soupçonne légèrement d'être ivres !

Ils ne semblent pas me remarquer, à mon plus grand plaisir. Un peu intimidée, et, je l'avoue, totalement apeurée, je me recroqueville sur moi-même, priant intérieurement pour qu'il ne m'arrive rien.

C'est promis, je ne sors plus jamais sans mon téléphone !

La boule au ventre, la gorge serrée et le corps tremblant, mes yeux suivent leur route quand un des garçons, le plus bourré d'après ce que je vois, s'arrête en titubant et se tourne vers moi.

- Heeeee, Mademoiiiselle ! dit-il d'un air sot. Vous êtes belle, hein ! Vous êtes un aaaange gardien ?

Je me relève aussitôt, l'adrénaline parcourant mes veines à une allure fénomenale. À tout mouvement brusques, je suis prête à partir en courant.

Un des amis du garçon s'arrête à son tour et me regarde d'un air vague.

- Maiiiiiis t'as raison, Jeeeff ! dit-il en riant. C'est un petit aaaange ! Diiis, tu exauce les vœux, madame l'annnnge ?

Pétrifiée, je ne répond rien.

- Moiiii je veux un Papa ! dit le premier garçon. Je veux juste un Papaaaaaa...

Et il s'écroule littéralement à mes pieds, endormi, me faisant sursauter. Je recule de plusieurs pas effrayée, quand mon dos tape brusquement contre le mur.

Un autre des garçons, l'air plus vieux avec un regard sombre, me reluque sans aucune gêne.

- Tu n'essaie quand même pas de partir, petit ange ? demande-t-il d'un air pervers en s'avançant d'un pas maladroit. Tu dois exaucer nos vœux, jolie divinitééé...

J'écarquille les yeux et me serre un peu plus contre le mur. La peur m'assaille et tout mes membres s'immobilisent, me paralysant de la tête aux pieds. Incapable de parler, je reste là, tel un petit animal apeuré.

Le garçon s'approche un peu plus et pose ses mains sur mes hanches. Je semble me réveiller tout à coup et ma peur se transforme en haine, tandis que le plat de ma main s'écrase lourdement contre sa joue, le jettant au sol.

Il faut dire qu'il est sacrément éméché, aussi. Il relève la tête vers moi puis se redresse de toute sa hauteur.

- Espèce de salope... murmure-t-il, ayant sûrement légèrement décuvé.

L'adrénaline s'empare de nouveau de moi et je pars en courant, les jambes tremblantes. J'ai tellement peur. Personne ne semble me suivre, pourtant, je ne m'arrête pas de courir. Le brasier fumant dans mes poumons s'intensifient, m'empoisonnant douloureusement.

Mon sang pulse dans mes tempes, mais peu importe, je continue de m'enfuir le plus loin possible de ces hommes dont le jugement est affecté. Mais soyons clairs, l'alcool n'excuse pas tout. Je n'ose pas imaginer ce qui ce serait peut-être passé si j'étais restée pétrifiée devant l'homme qui m'a insulté.

Je me serais peut-être fait battre à mort. Ou pire. Me rendant compte de ma situation, je m'arrête. Ma respiration saccadée, les larmes coulant le long de mes joues pâles, toutes tremblante et épuisée, je tombe.

Littéralement. Mes genoux s'écrasent douloureusement sur le goudron tandis que mes paupières papillonnent. Nan, pas maintenant. Je manque d'oxygène et de force. Je ne me sens vraiment pas bien.

Je ne dois pas m'évanouir. Pas ici. Pas maintenant. Je ne suis pas en sécurité. Je tente de réguler ma respiration, la poitrine en feu, tandis qu'une migraine m'assaille douloureusement le crâne.

Ma vue se trouble de mille couleurs plus flou les unes que les autres tandis q'un vrombissement sourd résonne à les tympans. À peine quelques secondes plus tard, voix me parvient, me raccrochant un tout petit peu à la réalité.

- Hé, gamine, respire !

Cette voix me dit quelque chose. Je tente de me concentrer sur elle, luttant contre mon envie irrémédiable de sombrer dans l'effrayante douceur des ténèbres.

- Tu dois pas t'endormir, Jayden arrive, ça va aller !

Mais qui est diable cette personne ?! Toujours à bout de souffle, je me sens chuter en avant, mais quelque chose semble me rattraper. Qui est à mes côtés ? Que ce passe-t-il ? Attends deux secondes, il a dit Jayden ?

- Putain, mais Angelina, reste éveillée ! Qu'est-ce que je vais dire à ton frère moi, sinon ?

Mes yeux se ferment totalement. Pourtant, je suis encore consciente. Pas totalement, mais je sais que je suis réveillée. Du moins je crois ?

- JAYDEN, DÉPÊCHE, TA SŒUR FAIT N'IMPORTE QUOI LÀ ! ELLE NOUS FAIT ENCORE UN MALAISE ! ELLE SAIT QU'IL FAUT MANGER POUR SURVIVRE OU TU AS OMIS DE LUI DIRE, SÉRIEUX ?

Les phrases de l'homme deviennent de plus en plus floue, comme tous mes sens. Résiste, Angelina, tu es plus forte que ça quand même !

Dans un effort incroyable, j'ouvre les yeux. Allongée sur le trottoir, un main soutenant ma tête, je distingue simplement une silhouette familière, le téléphone fixé à l'oreille, en train de parler. Ou plutôt de hurler.

Mon cerveau est tellement lent à cet instant précis que je ne comprends pas le moindre mot de ce qu'il raconte.

Luttant à chaque seconde pour restée éveillée, je me bat littéralement afin de garder les yeux ouverts. Pourtant, ma faiblesse prend une nouvelle fois le dessus et je sombre lentement dans la noirceur... Puis plus rien. Trou noir.

Angelina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant