- C'EST HORS DE QUESTION ! hurlai-je, les larmes perlant sur mes joues alors que j'arrache ma perfusion d'un coup sec et commence à faire les cents pas dans la minuscule chambre d'hôpital.
Faire de la rééducation alimentaire ? Avoir un soutien psychologique, c'est à dire voir un psychiatre quatre fois par semaine ? Tout ça pour quelques repas loupés et un petit tranchage de veines ? C'est une blague ?!
- Angelina, calme-toi, souffle Eden. Tu sais bien que tu n'as pas le choix...
Je serre la mâchoire, la rage et la douleur infectant chaque atome de mon corps.
- Tu as tenté de mettre fin à tes jours, Ange... murmure Ayem d'une voix brisée.
Aaron, appuyé sur un mur, a la tête basse et n'a rien dit depuis qu'il est entré dans cette foutue pièce. Eva pleure silencieusement dans un mouchoir en tissu, encore choquée par mes actes. Miro et Thiago sont je ne sais où avec mon frère qui n'a pas daigné me voir depuis mon réveil. Il paraît qu'il m'en veux. C'est lui qui a trouvé mon corps inanimé sur le carlage. J'ai tellement honte.
Les médecins ont d'abord voulu m'interner en hôpital psychiatrique spécialisé dans les TCA. Ils pensent que ça m'aiderait d'avoir une aide psychologique et physique vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je ne sais pour quelles raisons, ils ont changé d'avis, à quelques conditions cependant.
Ridicule. Je suis réveillée depuis à peine deux heures et j'ai l'impression d'être agressée, avec tout le monde autour de moi, qui me reprochent mes actes comme si je m'étais dit :
" Tiens, je m'ennuie un peu en ce moment dans ma vie, si j'essayais de me suicider ? "
Je sais que je vais mal, je ne suis pas dupe. Mais je ne veux pas mourir. Je le sais maintenant. J'aime mon frère. Et j'ai besoin de lui. Mourir ne m'avancerait à rien. C'est juste que... Je souffre. Et parfois, je me dis que mettre fin à cette souffrance serait libérateur, même si j'en payerai le prix de ma vie.
Je continue mes cents pas, les mains tremblantes de haine, de peine, et surtout de culpabilité.
- Mais je ne veux pas de l'aide des médecins ! répliquai-je. Et je déteste les hôpitaux, j'en ai la phobie !
Car c'est dans un endroit comme celui-ci où j'ai appris que non, mes parents n'avaient pas survécu, contrairement à moi...
- S'il te plaît, ne complique pas les choses, murmure Eva. On sait que c'est dur mais on ne te laissera plus jamais te détruire ainsi... On te laissera pas...
Je pousse un gémissement inaudible de frustration et je passe ma main dans mes cheveux, tirant dessus pour calmer mes tremblements incessants.
- Mais je ne voulais pas me tuer ! m'exclamais-je de plus belle. Je ne veux pas mourir ! Je suis allée trop loin, j'en suis consciente mais s'il vous plaît, pas de psychiatre, pas de rééquilibrage alimentaire, je n'en ai pas besoin, je sais me débrouiller seule !
Eden lève les yeux au ciel avec un rire cynique.
- Oui, c'est sûr que tu nous a bien prouvé que tu pouvais te débrouiller seule, jusqu'à aujourd'hui ! dit-il. Entre les fugues, les secrets, les TCA, l'automutilation, et maintenant la tentative de suicide !
Je baisse la tête. Il a raison. Il a totalement raison.
- Je suis désolée... marmonnai-je à voix basse.
- C'est pas à nous que tu dois dire ça, réplique Eden, la colère s'emparant de lui. Mais c'est à toi. C'est à tes bras. À tes poignets. À ton ventre. À ton estomac. À ton esprit. À ton regard sur le monde. La seule personne qui te fait du mal et qui te fait vivre un enfer, c'est toi et uniquement toi ! Et tu peux changer ça ! Mais tu ne fais rien pour...
Sa voix se brise sur ces derniers mots et il quitte la pièce.
- Il a raison Ange, dit Ayem quelques secondes plus tard. Tu es incapable d'accepter de l'aide. Et tu n'essaie même pas d'écouter ce que l'on essaie de te dire. Tu ne prends pas les mains que l'on te tends.
Elle sort elle aussi, Eva à sa suite. Il ne reste que Aaron, toujours adossé au mûr, qui ne dit rien.
La boule à la gorge, je le regarde, m'attendant à ce qu'il parte lui aussi. Il relève la tête vers moi, mais ne dit rien. Il fixe ses yeux aux miens, un air de... Compassion de crois, dans le regard.
Les secondes, voir les minutes passent, avant qu'il ne daigne enfin se servir de sa voix.
- C'est moi qui ai conseillé à Jayden de te laisser un peu seule, dit-il.
Je ne répond rien. La boule dans ma gorge m'empêche de parler de toutes façons. Je peux éclater en sanglots à tout moment.
- Il était plus bas que terre, continue-t-il. Il pense que c'est de sa faute, après ce qu'il t'a dit, et la gifle. Il a eu peur.
Je hoche la tête alors que je pleure le plus silencieusement possible.
- Tu le fais souffrir autant que tu souffres...
J'éclate en sanglots.
- Aaron, arrête, s'il te plaît... murmurai-je entre deux sanglots, mes genoux tapant contre le sol, mes jambes ne me portant plus.
Il se décolle du mûr et avance vers moi.
- Non, gamine, je n'arrête pas, dit-il de sa voix rauque. Tu es bien loin d'être l'ange que tu prétends être en réalité. Tu es un petit démon... Tu as de la colère en toi, une rage que tu reporte sur ton corps et sur les autres. Tu fais souffrir par ta haine.
- TAIS-TOI ! hurlai-je en pressant mes mains contre mes oreilles.
Il attrape mes avant-bras et les retire de ma tête.
- Tu n'as pas pensé à la douleur des gens qui te perdront... Le suicide est un choix égoïste...
- JE LE SAIS ! JE LE SAIS, TAIS-TOI, MAINTENANT, TAIS-TOI !
Les larmes coulent en rivière sur mes joues, mes avant bras toujours douloureusement prisonniers de ses mains, son corps surplombant le mien de toute sa hauteur alors que ses yeux scrutent chaque parcelle de mon visage.
- J'essaie de t'aider, gamine, murmure-t-il. Tu n'autorise pas ta colère à sortir alors... Elle prend possession de toi.
Mais qu'est ce qu'il raconte ?! Je comprends rien, je veux juste qu'il se taise, ça fait trop mal, ses mots font trop mal, c'est trop, c'est trop dur !
Il lâche alors mes bras mais glisse sa main dans la mienne. Une drôle de sensation remue mes organes, presque désagréablement. Il m'aide à me relever, ce que je fais sans vraiment réfléchir, le cerveau sur off.
- Je vais t'aider à sortir cette colère, dit-il. Suis moi, gamine. On sort.
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Angelina
RomanceAngelina a tout d'un ange, comme son nom l'indique. Aussi bien physiquement que mentalement. Une beauté sublime, une douceur exquise, un coeur en or et une vraie rêveuse. Adoratrice de romans, elle tente de fuir sa réalité dans la magie parfaite des...