chapitre 11

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( TW ⚠️ automutilation, évocation de drogues )

Je me relève, légèrement nauséeuse, et grimpe les escaliers pour me réfugier dans ma chambre. Ce type est fou. Complètement timbré. Je referme ma porte derrière moi et m'y adosse, empêchant mes larmes de couler.

Depuis la mort de mes parents, je ne fais que ça : pleurer, pleurer, pleurer. Ça suffit, ça commence à bien faire. J'ai besoin de trouver un rythme de vie stable. J'ai besoin de me sentir en sécurité. Mais à cet, instant, visiblement, j'aurais plutôt besoin de manger.

Ma vision se trouble tandis que je me rends compte avec désespoir que je perds conscience. Je deviens faible et fragile comme une fleur, et c'est à peine si je sens mes genoux taper sur le sol. Mon corps s'écroule par terre et je ferme les yeux.

J'ai mal à la tête.

Ça a recommencé.

Je me suis évanouie.

Je suis faible.

Faible.

Faible.

Faible.

Je pousse un soupir et ouvre les yeux. Mon visage est au sol, au même endroit où je me suis écroulée quelques secondes ou minutes plus tôt, je n'en sais rien.

Je me redresse en position assise, lassée par mes pertes de connaissances quotidiennes. Je suis tellement faible.

Après quelques temps, je me lève, malgré mon impression de vertige, et me dirige à pas lents vers la salle de bain.

Je ferme la porte derrière moi. Je sais ce que je suis en train de faire. Je l'ai déjà fait auparavant. Après être devenue orpheline. Je ne trouve pas ça si grave en réalité. C'est pas si horrible... C'est tout ce que je mérite.

Je me place devant le miroir, la boule à la gorge, et retire mon pull. Je le jette par terre, désormais en soutien gorge, puis observe mon reflet, dégoûtée.

Plus précisément mon ventre et mes bras. Ses parties sur lesquelles beaucoup trop de cicatrices ont fait leur place. Par ma faute. Je n'en suis pas fière. Mais ça m'est vital. J'en regarde une en particulier. Cette cicatrice bien plus marquée que les autres, bien plus grande, qui s'étale en diagonale sur mon ventre. Celle-ci n'est pas de moi.

Elle provient de ce putain d'accident de voiture. Les fenêtres se sont brisées et un énorme morceau de verre c'est enfoncé dans mon ventre. C'est la seule marque qui me reste, preuve que mon cauchemar est malheureusement bien réel.

N'y tenant plus, j'explose en sanglots, et tel un automate, j'attrape la minuscule lame de rasoir dont je ne m'étais pas servie depuis plusieurs semaines. Je tourne la clé dans la serrure de la porte pour éviter une intrusion. Ce n'est pas si grave, c'est juste quelques marques. La douleur est ta punition, elle vaut le coup de quelques gouttes de sang.

Je ne sais pas pourquoi j'ai survécu. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, je m'en veux. Je m'en veux de pouvoir vivre, mais pas eux. Car au fond, je suis plus que responsable de leur mort...

Au bord de la nausée, j'empoigne la lame et l'enfonce dans la peau de mon ventre, traçant un long trait, regardant dans mon reflet le sang fair surface.

Je suis faible.

Je ne mérites pas de vivre.

Faible.

Faible.

Faible.

Ma poitrine se sert d'angoisse tandis que je trace plusieurs autres marques, le ventre désormais coupé et en sang. Ho, rien qui ne pourrait me tuer, bien sûr, je suis trop lâche pour mettre consciemment fin à mes jours. Mais j'avoue avec honte d'avoir déjà pensé au suicide.

L'image de mon frère apparaît dans mon esprit, me faisant aussitôt lâcher la lame qui s'attaquait maintenant à mes avant-bras.

Tremblante d'angoisse, je me laisse glisser contre le mur derrière moi sans lacher une seule seconde mon reflet du regard. Je suis folle. Complètement folle. Autodestructrice. Aaron à raison. Je suis une putain de morte-vivante. Physiquement en vie mais mentalement absente.

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Je fais toujours du mal à ceux qui m'entourent ! Je fais du mal à mon frère ! Je faisais du mal à mes parents... Jusqu'à les tuer.

Flashback :

- Tu deviens vraiment impossible, Angelina ! hurle mon père, son regard concentré sur la route.

Les bras croisés, je regarde par la fenêtre, ignorant royalement le sermon que me passe mes parents. Je suis encore sortie en douce pour rejoindre certains de mes "amis" absolument pas fréquentables. Du genre, motos, alcools, drogues, piercings et rock. C'était pas du tout mon genre avant, mais depuis que j'ai commencé à trainer avec Bryan et Jessi, j'ai changé... Au grand désespoir de mes parents .

- Depuis quand est-ce que tu fumes ? demande ma mère, ses joues inondées de larmes. Tu veux mourir d'un cancer, comme ton grand-père ? Tu es tellement décevante !

Elle étouffe un sanglot tandis que je lève les yeux au ciel.

- C'est bon, c'est qu'une taffe, fait pas chier, dis-je d'un air complètement indifférent.

Ma mère plonge sa tête dans ses mains et explose en sanglots.

- Tu as dépassé les bornes, Angelina Maria Rivera ! hurle mon père. À partir d'aujourd'hui, tu ne quittera pas la maison jusqu'à nouvel ordre ! Et je te confisque ton portable et ton ordi ! Et je t'interdis de revoir tes amis, ils ont une influence plus que néfaste sur toi !

Je me tourne vers lui et le fusille du regard à travers le rétroviseur.

- Essaie un peu et je jure de m'enfuir de votre maison de merde et vous n'aurez plus jamais de nouvelles de moi, déclarai-je froidement.

Les sanglots de ma mère redoublent et mon père soupir, désespéré.

- J'aimerais retrouver ma fille adorée, dit-il. Celle qui faisait des blagues nulles et qui passait son temps à embêter son grand frère. La petite fille avec laquelle on pouvait discuter comme des personnes civilisées. Où est passé mon petit Ange ?

Je détourne le regard et pose ma tête contre la fenêtre ruisselant de gouttes de pluie.

- Ta petite fille est morte et ne reviendra pas alors fous moi la paix, dis-je sèchement afin de clore la discussion.

- CARTER ATTENTION, LA VOITURE ! hurle ma mère.

Tout se passe très vite. Je sursaute et pose mon regard sur la route. J'ai à peine le temps de voir une voiture noire absolument vide de toute présence humaine nous foncer dessus que tout s'éteint autour de moi. Silence total.

- Maman ? murmurai-je faiblement, une douleur atroce traversant mon corps entier, plus particulièrement mon ventre.

Je ne vois pas mes parents. La douleur devenant trop forte, je me laisse emporter par la dangereuse douceur des ténèbres.

Une larme roule sur ma joue en pensant à la dernière altercation entre mes parents et moi. La pire qui n'est jamais été. Ce soir maudit, j'avais bu, et fumé ma première cigarette. Mes parents sont apparus de je ne sais où et m'ont arraché à mes anciennes fréquentations en les menaçant d'appeler la police. Car oui, ils étaient majeurs, moi mineur, et ils me faisaient boire, fumer et prendre de la marijuana. Si je refusais, ils m'insultaient et me rejetaient.

Je me suis laissé influencer et je le regretterai toute ma vie. Car si je n'étais pas sorti en douce, mes parents n'auraient jamais eu à venir me chercher. En y réfléchissant bien... Je suis la cause de leur mort. Mais on ne sait jamais quand on parle à une personne pour la dernière fois...

Parfois, j'en viens à penser qu'il y a avait peut-être quelqu'un dans la voiture, que j'étais simplement ivre et que je ne l'ai pas vu. Mais sincèrement ? J'en doute. Il n'y avait pas de corps dans la voiture. Même pas de sang.

Les flics ont supposé, d'après l'impact de la voiture d'en face, que le chauffeur avait survécu et s'était enfui après avoir pris peur.

Je me relève et sèche mes larmes. J'ai tué mes parents et je suis restée en vie. Alors que j'étais celle qui le méritait le moins dans cette putain de voiture...

Angelina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant