chapitre 3

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Je le dévisage, la boule au ventre, tandis qu'il me fixe sans ciller.

- Heu... Du coup, Aaron, je te présente ma sœur, Ange, dit mon frère en pivotant dans tous les sens sur sa chaise tournante comme un gamin.

Je baisse les yeux et marmonne :

- C'est Angelina, pas Ange...

Mon frère rigole légèrement. Je relève les yeux vers lui et le foudroie du regard. Il se moque ouvertement de moi !

Aaron prend alors la parole d'une voix grave qui me coupe instantanément le souffle.

- Jayden, ça t'arrive de la nourrir, ta sœur ? demande-t-il d'un ton glacial.

Je me fige, comprenant le sous-entendu. De quel droit se permet-il de critiquer mon physique ? Il ne me connait pas, il ne peut pas me juger ! Légèrement vexée et très en colère, je le fusille du regard.

- Connard, murmurai-je en serrant les poings.

Piquée au vif, je tourne les talons tandis que mon frère jette un regard noir à Arron.

Sans même me retourner, je me dirige vers les escaliers puis les monte quatres à quatres. En à peine une phrase, cet imbécile à réussi à me faire le détester !

Je rentre dans ma nouvelle chambre et claque la porte, montrant par la même occasion mon mécontentement. Je me jette sur mon lit et m'assoie en tailleur, les bras croisés, les nerfs à bout. J'ai la tête qui tourne et je sais pertinemment que ça n'augure rien de bon.

J'entends alors des pas précipités dans les escaliers avant que ma porte ne s'ouvre dans un fracas assourdissant, me faisant sursauter par la même occasion.

Aaron rentre, l'air furibond, la rage explosant dans son regard noir. Terrifiée, je reste pétrifiée, une forte migraine ravageant mes tempes, tandis qu'il s'avance furieusement vers moi et m'attrape par les épaules, me tenant immobile.

- Toi, tu vas bien m'écouter ! hurle-t-il, un air de fou sur le visage.

Je hoche précipitamment la tête malgré la douleur, la boule au ventre, voulant à tout prix qu'il cesse tout contact physique avec moi. Il me fait mal...

- Tu es ici chez moi, ok ! continue-t-il sans reprendre son calme. Donc tu suis mes règles ! Si t'es pas contente, tu dégage, c'est aussi simple que ça ! La prochaine fois que tu m'insulte, je...

Il s'arrête, la mâchoire serrée, ses yeux fixés aux miens. Je tremble, littéralement, et je pense être sur le point de m'évanouir. Et pas seulement de peur. Je suis beaucoup trop faible. Mes paupières papillonnent tandis que tout son autour de moi disparaît, se transformant en bourdonnement désagréable. Mon mal de tête s'intensifie et je me sens perdre connaissance.

J'ai l'impression de ne plus rien ressentir. Ni touché, ni vue, ni odorat, ni gout, ni ouïe.

J'ai à peine le temps de prendre en compte le fait que ma tête s'écrase lourdement contre la couverture épaisse du lit que je sombre dans un véritable trou noir...

...

- Ange ?

Je reconnais vaguement la voix de mon frère dans cette agréable obscurité, ce flou reposant où je semble avoir élu domicile. Je tangue, comme si j'étais sur un bateau en plaine tempête, tandis que mes paupières s'entre-ouvrent à plusieurs reprises, inhabituée à la lumière.

- Ange ? Ange réveille toi !

Dans un grand effort, j'ouvre complètement les yeux et découvre le visage de mon frère qui me regarde d'un air inquiet. En me voyant réveillée, il affiche un sourire qui a pour but de masquer sa tristesse. Malheureusement pour lui, mon frère est un piètre acteur...

Je lui rends son sourire et essaie de me redresser, quand le tournis me vient à nouveau.

- Hé, doucement, Ange, murmure Jayden en me forçant à me rallonger. Il faut que tu manges, d'accord ?

J'acquiesce silencieusement et regarde autour de moi. Aucune trace d'Aaron. Cependant, Miro et Ayem se tiennent dans l'entrée, la mine angoissée.

Je leur adresse un vague sourire, qu'ils me rendent.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demande calmement Miro.

Je ne dis rien, reprenant totalement mes esprits. Je me sens tellement faible. Incapable. Fragile. C'est... Horrible.

Je m'assoie quand même en tailleur et porte mes index à mes tempes avant d'y tracer des mouvements circulaires. Jayden à raison, il faut que je mange.

- Ayem, tu veux bien aller lui chercher à manger s'il te plaît ? demande mon frère, comme s'il lisait dans mes pensées.

La jeune fille acquiesce et quitte la pièce.

Je souffle un peu. La honte. Je me suis évanouie devant Aaron, qui était un peu en train de me broyer les épaules. Il a vraiment dû me prendre pour une faible.

J'enfouis mon visage dans mes mains froides et blanches, expirant profondément.

- Ange... murmure Jayden. S'il te plaît, ne tient pas tête à Aaron, d'accord ? Ça n'en vaut vraiment pas la peine...

Je me tourne vers lui et lui jette un regard assassin.

- Je n'ai pas pû lui tenir tête puisque j'ai perdu connaissance comme une petite précieuse ! C'est... Humiliant !

Il expire bruyamment et baisse les yeux.

- J'aimerais tellement que tu sois en bonne santé, chuchote-t-il, semblant plus se parler à lui-même qu'à moi. Tu es tout ce qu'il me reste et pourtant...

Je baisse les yeux à mon tour, le cœur brisé. Il doit m'en vouloir. J'ai littéralement ruiné ma santé, c'est réel. Si je m'étais nourris correctement dès le début, je n'en serai pas là aujourd'hui. Si Papa et Maman me voyaient à cet instant... Ils seraient tellement déçus.

Une larme perle sur ma joue quand je me rappelle soudainement la présence de Miro. Je relève la tête vers lui et croise son regard attristé.

- Tu sais, Angelina, te renfermer sur toi-même ne t'aidera absolument pas à faire ton deuil, dit-il. Jeûner, encore moins. Peut-être qu'il faudrait que tu vois un psy ? Je suis sûr qu'il t'aiderait beaucoup...

Je fronce les sourcils.

- Un psy ? répétai-je d'un air accusateur. Je ne suis pas folle ! J'ai juste...

- Des TCA ? finit-il en haussant un sourcil.

Je baisse la tête.

- Même pas vrai, marmonnai-je.

Ayem reviens avec un plateau chargé de nourriture et le pose sur mon lit en m'adressant un sourire compréhensif.

Tout le monde me prend tellement pour une petite chose fragile... C'est perturbant. Je regarde autour de moi et vois les regards de Miro, Ayem et Jayden me fixer. Je me sens comme un rat de laboratoire à cet instant là. L'ambiance est pesante, à tel point que j'ai l'impression de suffoquer.

Je me lève brusquement et contourne Miro, planté à l'encadrement de la porte. Je dévale les escaliers à toute vitesse et atterri dans le salon, où Eva, Eden et Thiago me jettent un regard intrigué.

- Angelina, est-ce que tout va bien ? demande Eva.

Je ne prends pas la peine de lui répondre et me dirige à toute vitesse vers la porte d'entrée, que j'ouvre en grand. Je sors dehors et cours presque le long de l'allée, le vent frais faisant voler mes cheveux platine, me donnant un sentiment de liberté.

Je sors de la propriété et emprunte un trottoir, marchant sans destination, ayant besoin de soulager ce poids dans mon cœur.

Angelina Où les histoires vivent. Découvrez maintenant