LE GRAND FROID/Chapitre 8 : la lettre

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Je me dirige vers le réfectoire et sort deux paquets de nouilles instantanées que je prépare à l'aide d'une bouilloire. Une fois revenu, je tends une des boîtes à mon collègue et nous continuons les vidéos tout en mangeant.

Il doit être pas loin de deux heures du matin lorsque nous décidons de dormir. J'ai réussi à trouver des petits coussins décoratifs qui feront sans doute l'affaire pour cette nuit. Nous nous allongeons sur l'immense table de réunion au centre de la pièce. Avec nos semblant de couette et de coussin on dirait presque un grand lit double, sauf qu'il manque un matelas. Mon dieu je donnerai tout pour dormir sur un matelas ! On dit souvent qu'on se rend compte des choses quand on les perd, et là mon dos en paie le prix fort.

Bizarrement, par rapport à hier soir j'ai l'impression qu'il manque quelque chose, comme si en ayant trouvé de quoi caler nos têtes je nous avait privés de quelque chose d'autre. Son contact, sa chaleur, sa douceur. Voilà de quoi je me suis éloigné.

Recroquevillée dans mon drap, je me tourne sur le côté pour observer mon ami. Il a l'air de s'être déjà endormi, en même temps il est tard, on s'est levé tôt, il doit être épuisé depuis un petit moment vu le nombre de fois où il a baillé tout à l'heure. Ce qui est le plus fou avec lui, c'est que je le voit tous les jours depuis cinq ans et j'ai l'impression que je ne me ferai jamais à l'idée qu'il soit si beau. Mais ce qui est encore plus fou, c'est qu'il n'est pas seulement attirant physiquement, il est aussi drôle, intelligent et intéressant. Pas une seule fois avec lui je me suis ennuyé ou senti mal à l'aise. Même si des fois il fait des trucs pas du tout logique ou qu'il est submergé par sa propre bêtise, il ne le fait pas intentionnellement et c'est ça qui fait une partie de son charme.

D'ailleurs je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi il est encore célibataire. Je ne l'ai jamais connu lorsqu'il avait une copine, il a toujours été seul depuis notre rencontre. Pourtant quand j'entends certaines femmes de l'usine parler, il y en a pas mal qui lui cours après.

Absorbée par mes réflexions, je remarque seulement maintenant que Raph à tourné sa tête vers moi. Depuis quand il me regarde ?

-Tu penses à quoi ? Me dit-il avec un air à moitié endormi

-Tu te souviens de cette fille que tu as recalé il y a deux ans ?

-Ah. Marlène ? Oui je me souviens. Une vraie psychopathe ! Je te rappelle qu'elle me laissait des mots dans mon casier au vestiaire. Encore ça serait des mots normaux j'aurais rien dit mais c'était giga flippant.

-Oui tu me les avait montrés, à ta place j'aurais été morte de trouille au point de démissionner.

-Nan mais elle écrivait sur du papier à lettre avec des petits cœurs partout. Elle était même jalouse de toi et me suppliait de m'éloigner de toi. C'est là que j'ai vrillé et que je suis allé la confronter en lui disant très clairement d'arrêter tout ça et que je ne voudrais jamais être avec elle.

-Peut- être qu'elle avait un problème mental ? Du style attachement excessif envers les gens ? T'as été dur avec elle quand même...


Son regard change, devient plus grave, plus sérieux :

-Elie, on en a déjà parlé. J'ai arrêté d'avoir de l'empathie à la seconde où j'ai vu qu'elle avait écrit ton nom dans ses lettres ridicules.


La fameuse "lettre de trop". J'était là quand il l'a ouverte. Son humeur avait changé de soulé à colère en une demi seconde. Il a toujours été très protecteur avec moi, et comme pour beaucoup de choses chez lui, je n'ai jamais compris pourquoi.

Mais si je sais une chose sur lui et dont je suis certaine, c'est que son humeur devient meilleure quand je le prends dans mes bras.

Il me regarde toujours avec un air bougon donc je décide de me dandiner jusqu'à lui et de me coller contre lui . Comme à chaque fois, il accepte mon étreinte et me serre contre son corps chaud en passant sa main dans mes cheveux comme hier soir. J'enfuie ma tête dans son torse et ma sensation de vide et de manque causé par l'apparition des coussins disparaissent.

Les fins du monde d'ElieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant