Akimbo

153 13 0
                                    

Ziak

Jos et moi fîmes donc le chemin en sens inverse, pour retourner à Woking. Cette fois, j'avais terminé de désouler. Par chance, je m'étais rendue au bureau le matin même avec mon ordinateur ainsi que l'ensemble de la documentation relative au travail que nous faisions en préparation pour la prochaine saison. Je n'avais donc pas de souci à me faire quant à la possibilité que le cambriolage soit en réalité une tentative de la concurrence pour récupérer des informations confidentielles.

Ces méthodes n'étaient pas répandues dans le milieu, en tout cas, je n'avais jamais entendu parler de tels comportements. Cela n'empêchait pas que nous étions tous en permanence formés à la possibilité d'être victimes d'une quelconque forme d'espionnage industriel. Certains membres du personnel de l'écurie étaient considérés comme un public à risque, et le poste clé que je détenais faisait partie de cette catégorie. Si je n'avais pas pensé à ramener l'ensemble de mon travail à l'usine, j'aurais été dans l'obligation de signaler le cambriolage. Et je n'aurais certainement pas apprécié devoir expliquer que j'avais été cambriolée parce que j'avais ramené un inconnu dans mon appartement. Avoir une réputation était une chose, la confirmer en était une autre.

Le fait que Jos et moi nous rendions chez Max ne s'imprégna réellement dans mon esprit que lorsque nous franchîmes le seuil de sa porte d'entrée et que mon regard se posa sur la photo de famille accrochée sur le mur de l'entrée. Il était tout souriant, à sa droite sa compagne, et à sa gauche, la fille de sa compagne.

Je pris de nouveau de plein fouet les mots de John. Je n'avais pas ma place dans son monde. Il n'était pas uniquement question des paillettes et du luxe, il s'agissait de la famille qu'il s'était attelé à construire toutes ces années. Est-ce que j'avais le droit de vouloir détruire cela ? Pire, est-ce que j'avais le droit de tout mettre en œuvre pour détruire cela ?

Un sentiment de malaise m'envahit immédiatement. Je me sentais comme une voyeuse ou une harceleuse dans sa vie. Je n'avais pas ma place ici. Même pas dans son appartement.

—Je vais te préparer la chambre d'amis, dit Jos, m'abandonnant dans le salon.

La curiosité m'attrapa et je ne pus résister à la tentation de faire le tour du propriétaire. Quitte à être une harceleuse, autant que le harcèlement soit fait correctement, non ? Je déposai rapidement mon sac au sol et entrai dans l'appartement. La décoration du salon semblait sortir tout droit d'un magazine de design d'intérieur. Le Max que je connaissais n'aurait jamais pris le temps de s'intéresser aux différents détails comme les photographies en noir et blanc de différents pubs londoniens, ou la couleur grise des rideaux qui complétait parfaitement le mur situé derrière la télévision. Tout semblait avoir été pensé avec précision. Je m'approchai des cadres photo disposés sur une étagère en arche dorée. Encore une fois, je tombai sur des photos de sa compagne au physique parfait. Mais il y avait aussi des photos des frères et sœurs de Max, et pour les plus jeunes, certains que je ne connaissais pas. Notamment ceux nés du second mariage de sa mère. Si j'avais toujours été proche de Jos, je connaissais mal la maman de Max, même avant de perdre contact avec le pilote. Le divorce entre ses parents avait également marqué la dernière fois que j'avais vu la femme en vrai.

Je continuais à observer les cadres jusqu'à tomber sur une photo familière. J'attrapai son cadre pour la regarder de plus près. Je me souvenais parfaitement de la journée qui avait mené à la prise de cette photo. Il s'agissait de mon dix-huitième anniversaire. Au fil des années, j'étais devenue plus proche de Jos et de son fils que de ma propre famille, j'avais donc tenu à fêter ma majorité avec eux plutôt qu'avec mes parents. Ils n'avaient opposé aucune résistance, trop heureux de pouvoir à nouveau se débarrasser de moi pour le week-end. J'avais donc pris un avion jusqu'à Madrid et rejoint père et fils dans la campagne espagnole où Max avait une course. Ce matin-là, il m'avait promis de gagner pour moi et de m'offrir son trophée. Et comme toujours, il avait tenu parole. La photo nous représentait, moi tenant le trophée et Max m'offrant son plus grand sourire.

MuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant