La piscine hantée 9

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Dans les égouts, il y avait de l'eau qui m'arrivait juste un peu en dessous des genoux. À ma grande horreur, des araignées se promenaient maintenant sur mon visage tandis que d'autres étaient emmêlées dans mes cheveux. Je m'immergeai complétement et attendit.

Lorsqu'il ne me fut plus possible de retenir ma respiration plus longtemps, je me relevai et examinai mon corps. À mon grand soulagement, l'eau avait suffit à faire partir toutes les araignées. Pourtant, il y avait quelque chose d'anormal. Il me fallut quelques instants pour comprendre.

L'endroit était parfaitement éclairé, grâce à des tubes lumineux accrochés à la voûte. Personne n'était censé se trouver dans les égouts en ce moment. Pourquoi étaient-ils donc éclairés ?

Remonter en haut me paraissait trop dangereux à cause du nageur fantôme. J'avançai donc dans le lugubre tunnel.

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Je marchais dans les égouts. Il n'y avait maintenant plus d'eau. Le sol était recouvert d'ossements, surtout de crânes humains. Ils devaient être là depuis longtemps car il ne restait plus le moindre morceau de chair. Il y avait aussi une grande quantité de déchets. Je vis des cannettes, des mégots de cigarettes et des vieux prospectus à moitié moisie. Je glissai sur un crâne et tombai à quatre pattes dans les ossements. J'étais fatiguée. La journée avait été mouvementée.

En me relevant, je constatai que je n'étais plus seule. La caissière de la piscine et le maître nageur se tenaient debout devant moi.

— Noémie est encore toute nue, constata la caissière avec une satisfaction évidente.

Sa remarque me fit rougir.

— C'est bien qu'elle soit là, déclara le maître nageur. Ce sera plus facile de se débarrasser de son corps après lui avoir coupé le bras.

— Le bras, répétai-je. L'aquarium plein de bras, c'est votre œuvre ?

— Oui. Nous collectionnons les bras humains, m'expliqua le maître nageur. Ils sont tellement fascinants ! C'est pour enrichir notre collection que nous laissons des gens venir clandestinement à la piscine après la fermeture.

— Nous leur coupons un bras puis nous jetons le reste de leur corps dans les égouts, pas très loin d'ici, poursuivit la caissière.

Avec horreur, je constatai que le maître nageur tenait une scie.

— Depuis que nous avons commencé notre collection, des bras fantômes se sont mis à hanter la piscine, me révéla-t-il.

— Mais la piscine était déjà hantée bien avant, précisa la caissière. Noémie, une partie de toi va bientôt rejoindre notre collection !

Le maître nageur me saisit le bras gauche et posa la lame de sa scie dessus.

— La piscine étant hantée, les fantômes de vos victimes vont finir par se venger, tentai-je de les raisonner.

— Non, me contredit la caissière. Les fantômes semblent aimer nos loisirs car nous sommes les seuls à qui ils n'ont jamais cherché à faire du mal.

Toute leur attention était concentrée sur mon bras gauche. Il fallait que j'en profite. Discrètement, avec mes orteils, j'attrapai un couvercle de boîte de conserve qui traînait par terre. Le maître nageur commença à appuyer lentement la lame contre mon bras, commençant à faire couler un peu de sang. Je levai mon pied derrière mon dos et fis passer le couvercle dans ma main droite. Mes bourreaux ne s'étaient aperçus de rien. Je plantai subitement le tranchant du couvercle de la boîte de conserve dans le cou du maître nageur, lequel cria de douleur. Il laissa tomber sa scie et porta ses mains à son cou d'où s'écoulaient des flots de sang. J'en profitai pour m'enfuir.

— Rattrape cette morveuse ! ordonna le maître nageur à la caissière.

— Non, il faut d'abord soigner ta blessure, répliqua la caissière. De toute façon, elle n'ira pas bien loin !

Ils partirent dans la direction opposée à celle où j'allai. Je pus donc cesser de courir et marcher normalement. Je gravis un imposant monticule de crânes humains qui bloquaient en grande partie la sortie du tunnel. Il n'était pas très stable. De nombreux crânes dégringolèrent durant mon ascension. Arrivée au sommet, je vis qu'il était jonché de morceaux de verre, de bouteilles en plastique et d'autres déchets divers. Il y avait même une casserole remplie d'eau sale.

Le nageur fantôme surgit devant moi en passant à travers un mur. Horrifiée, je me retournai et constatai que je ne pouvais plus repartir en arrière. Une multitude de gens me bloquaient le passage. Beaucoup d'entre eux n'avait plus qu'un seul bras. La plupart étaient en maillot de bain, mais il y en avait aussi qui portaient un bleu de travail. Parmi ceux-ci se trouvait un homme ayant sa chair entièrement calcinée. D'autres avaient également d'importantes blessures, tel que d'énormes plaies au cou ou de gros trous dans le front. Il s'agissait probablement de toutes les personnes mortes à la piscine et durant sa construction. L'homme à la chair calcinée devait être le chauffeur qui avait brûlé vif dans sa camionnette en 1934.

Je fis de nouveau face au nageur fantôme, celui qui de son vivant fut Monsieur Sylvain Malum. Sans me laisser le temps de faire le moindre geste, il me plaqua au sol et m'enfonça le visage dans l'eau de la casserole. Il voulait me faire subir le même sort qu'à ses enfants. Je voulus attraper ses bras pour les repousser, mais ceux-ci s'avérèrent immatériels. L'horrible revenant pouvait me toucher, mais ce n'était pas réciproque. Il se mit à rire tout en maintenant mon visage dans l'eau. J'allai mourir noyée. J'étais sur le point de m'y résigner. Mes mains s'enfoncèrent dans le tas de crâne sur lequel je me trouvais. Le spectre riait de plus en plus fort. Les autres fantômes derrière nous en firent autant.

Le monticule de crânes humains n'était pas très stable. Peut-être pouvais-je en profiter pour m'échapper ?

Je remuai vigoureusement mes bras dans les crânes, lesquels se mirent à dégringoler. Très vite, le monticule s'effondra. Je chutai, me libérant ainsi de la prise du nageur fantôme. Celui-ci cessa de rire et poussa un cri de rage. Je tombai hors du tunnel et me retrouvai dans un endroit où il n'y avait plus d'éclairage. Je ne voyais plus rien. Ma chute se termina dans l'eau dont le courant m'emporta au loin.

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Après que le courant de l'eau m'eut rejeté sur la terre ferme, je dus avancer dans les égouts en tâtonnant les murs, tant l'obscurité était profonde. Je finis ainsi par trouver les barreaux d'une échelle. Je grimpai dessus, souleva une plaque d'égout, et me retrouva enfin à l'air libre.

Il ne pleuvait plus, mais l'air était glacial. Il y avait un bar tabac ouvert, juste en face de moi. J'entrai dedans pour me réchauffer. Étant toute nue, pleine de crasse et d'écorchures, j'attirai aussitôt l'attention. Toutes les personnes présentes cessèrent de parler pour me regarder.

Je ne retournerai plus jamais à la piscine municipale numéro 2 de Castolis. C'était beaucoup trop dangereux et terrifiant. Tant pis pour mes affaires qui étaient restés là-bas. Je ne pourrai pas les récupérer.

— Qu'est-ce que tu es sale, Noémie !

L'homme qui venait de dire cela était Monsieur Olbac, mon prof de sport. Le hasard avait voulu qu'il soit présent en même temps que moi dans le bar tabac.

— J'ai eu une journée mouvementée, répondis-je.

— Moi, j'ai eu une journée décevante. J'ai voulu aller à la piscine pour m'entraîner à la natation, mais elle est fermée l'après-midi, me raconta Monsieur Olbac. Cela m'aurait fait du bien de m'exercer à la nage car la natation est le prochain sport prévu pour ta classe. J'avais oublié de vous prévenir avant les vacances de Noël.

— Ce sera dans quelle piscine ? demandai-je très inquiète.

Je retins ma respiration, craignant la réponse qui allait m'être donnée.

— À la piscine municipale numéro 1 de Castolis.

La piscine hantée et autres histoires d'épouvante et de nuditéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant