Manifestation 2

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 Mes paupières, de plus en plus lourdes, se fermèrent. Je les rouvris aussitôt. Les murs étaient désormais couverts d'énormes taches de sang. Le sol était jonché de cadavres humains éventrés dont les intestins et l'estomac avaient été sortis.

— Noémie, tu vois ce que je vois ? me demanda horrifiée Adeline.

— Hélas oui, confirmai-je.

— Où est passée Léa ?

Je remarquai alors que Léa avait effectivement disparu. Un homme sortit du bureau du maire. Il avait un gros trou dans le front d'où sortait une grande quantité de sang. Il tenait une mitraillette et me visa. Adeline et moi lâchâmes les pancartes avant de hurler et de nous mettre à courir. L'homme à la mitraillette se mit à tirer sans s'arrêter. Aucune de ses balles ne nous atteignit. Un rapide coup d'œil en arrière me permit de voir que le tireur ne nous visait plus spécialement Adeline et moi, mais tirait n'importe où.

Je tournai dans un couloir à droite tandis qu'Adeline tourna dans un couloir à gauche. Je cessai d'entendre des coups de feu. Je m'arrêtai de courir et me retournai dans l'espoir de constater la disparition du tireur. Hélas, il était encore là. Il se remit à tirer. Je me remis à courir, terrifiée. J'enviai Adeline. Le tireur n'avait pas choisi de la poursuivre. J'eus l'impression de passer des heures à courir dans des couloirs remplis de cadavres mutilés et de grandes flaques de sang, bien que cela n'avait en fait probablement pas durer plus de dix minutes. Trop épuisée pour continuer à courir, je m'arrêtai. Je me retournai, essoufflée, persuadée que le tireur allait en profiter pour me tuer. Il avait disparu. Un homme en imperméable sortit d'un bureau.

— Monsieur ! Il ne faut pas rester là, l'avertis-je. Il y a un tireur fou qui...

L'homme à l'imperméable sortit un grand couteau taché de sang ainsi qu'un poumon prélevé sur un corps humain. Il se mit à rire. Horrifiée, je parvins à trouver la force de courir à nouveau. Il me fallut quelques minutes pour réaliser que l'homme à l'imperméable ne me poursuivait pas. Je tournai dans un couloir à gauche et retrouvai Adeline. Elle était debout, adossée contre un mur et fermait les yeux.

— Pitié ! Ne me faites pas de mal ! gémissait-elle.

— Adeline ! Tout va bien, la rassurai-je. Il n'y a plus personne d'autres que nous.

— Tu es sûre, Noémie ? me demanda-t-elle en ouvrant les yeux.

— Pour l'instant, oui, mais cela ne va probablement pas durer malheureusement. Les fous qui nous pourchassent doivent encore être dans le bâtiment.

— À l'aide ! supplia quelqu'un à l'étage au-dessus.

C'était la voix de Léa. Adeline se précipita dans l'escalier. Je la suivis. Nous retrouvâmes Léa à l'étage au-dessus. Elle était assise par terre, jambes écartées, dans une flaque de sang. Elle regardait devant elle, les yeux écarquillés.

— Je vous en supplie ! Épargnez-moi ! supplia-t-elle. Je ferai tous ce que vous voudrez !

— À qui parles-tu ? voulut savoir Adeline. Il n'y a personne à part nous trois.

Quelqu'un derrière moi m'attrapa par les épaules et me repoussa violemment sur le côté. C'était l'homme à l'imperméable. Il s'avança vers Léa et la saisit par les cheveux tout en sortant en couteau.

— Pourquoi me faites-vous cela ? voulut savoir Léa.

— Je crois que tu t'en doutes déjà, répondit l'homme à l'imperméable avant de la décapiter.

Il se mit à rire et jeta la tête de Léa en l'air. Celle-ci se mit à voler au-dessus de nous à toute vitesse. L'homme à l'imperméable riait de plus en plus fort. La tête de Léa s'immobilisa juste au-dessus de la mienne. Elle explosa en une pluie de sang m'aspergeant et me recouvrant tout le visage et les épaules ainsi qu'une bonne partie de mes cheveux. Je me mis à hurler de terreur sans pouvoir m'arrêter avant de m'évanouir.

3

Je me réveillai allongée par terre, dans un bureau. J'étais toujours entièrement nue, mais il n'y avait plus la moindre goutte de sang sur moi. Adeline était assise sur une chaise à mes côtés, toujours nue elle aussi si l'on exceptait ses lunettes.

— Noémie, tous ce que l'on a vu semble avoir été des hallucinations, m'informa-t-elle. J'ai vérifié dans les couloirs. Il n'y a plus de cadavres ni la moindre trace de sang.

— Léa est donc peut-être encore en vie, réalisai-je tout en me relevant.

Adeline secoua la tête.

— Léa a disparu, m'expliqua-t-elle. Les personnes qui nous ont vu manifester tout à l'heure affirme qu'il n'y avait que toi et moi. C'est comme si elle n'avait jamais existé.

— C'est impossible ! C'est même elle qui nous a convaincu de venir manifester à la mairie.

Un homme entra dans la pièce.

— Voici Jean, me présenta Adeline. C'est lui qui nous amené dans ce bureau après nous avoir trouvé inconscientes.

— Tu vas mieux, Noémie ? me demanda Jean.

— Oui, répondis-je.

Mon regard se posa sur un portrait accroché au mur.

— Adeline ! Regarde ! m'exclamai-je en le montrant du doigt.

Ce portrait était une photographie de Léa.

— C'est ma défunte sœur Léa, m'expliqua Jean. Elle participait à plein de manifestation, souvent nue, tout comme vous. Un jour, elle a participé à une manifestation qui a déplu à des gens hauts placés. Tous les manifestants ont été exécutés, elle comprise. Elle est morte très précisément à l'endroit où je vous ai trouvé inconscientes. C'était il y a trente ans environs.

Adeline et moi avions donc manifesté aux côtés d'un fantôme.

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