Les fragments de l'ombre

Chapitre 19 : Le parc

L'agitation de New York enveloppait la ville d'une énergie frénétique. La clameur des klaxons, le murmure incessant des piétons et le bourdonnement des conversations se mêlaient dans une symphonie urbaine. Pourtant, au cœur de ce tumulte, il existait des lieux où le silence se faufilait entre les ombres des gratte-ciels, des endroits où le passé et le présent s'entremêlaient dans une danse discrète.

Le parc où Willow se rendait était l'un de ces endroits. Situé dans un quartier animé par les nombreuses universités, il était paradoxalement très calme et peu fréquenté, ses visiteurs préférant généralement l'immensité de Central Park qui se trouvait à quelques rues de là. Morningside Park, avec ses arbres dorés par l'automne formant une canopée au-dessus des bancs usés, avait un charme particulier, familier pour Willow. C'était un lieu qu'elle avait visité autrefois, avant que sa vie ne soit bouleversée, avant le décès de sa mère.

Elle se souvenait de ses années passées à étudier au département d'anthropologie de Columbia, situé à quelques pas de là, au nord de la 119ème avenue. Les souvenirs flottaient en elle comme des feuilles d'automne, rappelant des moments de sérénité, lorsque les choses semblaient plus simples, moins empreintes de magie et de trahisons. Willow avait toujours trouvé refuge dans ce parc, mais aujourd'hui, l'atmosphère était différente. Le calme apparent du lieu lui semblait trompeur.

Raven, son familier félin, marchait à ses côtés, ses yeux jaunes perçants balayant les environs avec méfiance. Fenrir, son fidèle loup-garou, était resté à tapie dans l'ombre des arbres, à l'entrée du parc, surveillant les mouvements des passants tout en se cachant, il ne passait pas inaperçu et ils cherchaient à faire profil bas dans une ville aussi dense. Willow ressentait un léger soulagement à la présence proche de Fenrir, mais un soupçon d'inquiétude persistait. Le parc semblait tranquille, mais cette tranquillité pouvait se briser à tout moment.

C'est à cette cascade, située à l'extrémité sud, que la lettre reçue deux jours plus tôt lui avait donné rendez-vous. Les mots de cette missive étaient encore gravés dans son esprit, brûlants d'une urgence qu'elle ne pouvait ignorer. "Venez seule. La vérité vous attend." Cette lettre n'était pas signée.

À mesure qu'elle avançait vers la cascade, l'eau glissant doucement sur les rochers formait un contraste saisissant avec la tension qui grandissait dans l'air. Un murmure distant de la ville s'effaçait, laissant place à une solitude lourde et dense. Willow serra son manteau contre elle, ressentant le froid automnal se faufiler entre les arbres, tandis que ses pensées tourbillonnaient autour d'Aiden.

Raven bondit silencieusement sur un rocher, ses oreilles dressées, en alerte. Willow sentit un picotement familier remonter le long de sa colonne vertébrale. La magie était proche, elle la sentait dans l'air, un frémissement à peine perceptible, mais bien réel.

Elle s'approcha de la cascade, scrutant les alentours. Personne en vue. Juste l'écho apaisant de l'eau et le bruissement des feuilles balayées par le vent. Mais l'illusion de calme se dissipa lorsque l'ombre d'un homme émergea des arbres. Willow plissa les yeux et reconnut immédiatement la silhouette. Yan.

Son estomac se noua. Pourquoi était-il ici ? Ce n'était pas lui qu'elle s'attendait à voir. Son cœur se mit à battre plus fort, mais elle garda son visage impassible, masquant ses émotions derrière un masque de froide détermination. Raven, toujours perché sur son rocher, fixa Yan avec une hostilité à peine voilée.

— "Je t'attendais, Willow," dit-il d'une voix calme, trop calme. Son sourire était aussi glacial que la brise automnale.

Willow resta silencieuse, analysant chaque détail, chaque mouvement. Ce n'était pas une coïncidence que Yan soit ici. Elle avait toujours ressenti une tension sous-jacente dans leurs rencontres récentes, mais aujourd'hui, cette tension s'était muée en méfiance pure. "Où est Aiden ?" demanda-t-elle finalement, sa voix plus froide qu'elle ne l'avait prévu.