Little Weasel

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The Neighbourhood— Scary Love



Police Department Eleventh Precinct
Morgue





Je suis toujours à la morgue, plongé au-dessus du corps mutilé que l'imitateur a abandonné, une grotesque tentative d'usurper mon travail. Le cadavre gît devant moi, et dès que je retire le drap, une bouffée d'air glacé m'envahit, contrastant étrangement avec l'odeur métallique du sang et de la chair abîmée.

Je me penche, le souffle court, pour examiner de plus près l'état catastrophique de la cage thoracique. L'os est broyé de l'intérieur, laissant une série de fractures en éclats qui transpercent les tissus environnants. Des fragments d'os saillants sont enfoncés profondément dans les muscles pectoraux, témoignant d'une force incontrôlée, mais surtout maladroite. Il ne s'agit pas d'une œuvre minutieuse, mais d'une imitation brute, imprécise. Le sang coagule autour des blessures, teintant les muscles déchirés d'une teinte pourpre et brune qui trahit la brutalité du geste.

Je repère des signes d'hémorragies massives, le sang s'étant infiltré dans les cavités thoraciques, imbibant les tissus conjonctifs. Les organes internes, en particulier les poumons, sont compressés, perforés par des fragments osseux, et leur structure est écrasée par la violence de l'impact. L'imitateur a écrasé le thorax, peut-être avec un objet contondant, mais sans maîtriser les points de pression. Les coupures ne sont ni calculées ni élégantes, elles témoignent d'un amateurisme qui me dégoûte presque autant que la vue du cadavre en lui-même.

Je prends une pince et retire délicatement un éclat de côte profondément enfoncé dans le muscle des poumons, la chair encore striée de sang frais. J'observe la trajectoire : il a manqué la précision d'un coup chirurgical, se contentant de frapper aveuglément, dans une rage incontrôlée. La mort a dû être rapide, mais douloureuse, une fin dénuée de tout art et de toute subtilité.

Je note chaque détail dans mon carnet d'observations. Les lésions apparaissent à la limite d'un « crush injury » — la cage thoracique s'effondrant sous un poids ou une force exercée sur toute sa largeur. Cependant, les hématomes sous-cutanés montrent une irrégularité dans la pression, probablement un signe que l'imitateur n'a pas su doser ses propres forces, laissant des empreintes presque diffuses. C'est une marque d'amateur, quelqu'un qui cherche à imiter sans comprendre l'essence de l'œuvre.

Un soupir échappe à mes lèvres. Si cet idiot pense pouvoir s'approprier ma signature, il ne fait que ternir mon art. Ce corps, réduit en un désastre macabre, est une insulte à ce que je cherche à accomplir.

— Ah, vous êtes toujours là, lance Lyla en entrant, sa voix tranchant le silence macabre de la morgue.

Je relève la tête et la fixe un instant, analysant les traits de son visage, l'éclat de ses yeux encore hanté par l'incertitude de la veille. Elle est là, à quelques pas de moi, son regard s'attardant sur mes mains plongées dans le thorax mutilé de la victime. J'entends son souffle s'accélérer, mais je ne lui accorde pas plus d'attention, revenant à mon œuvre.

— On a un autre corps, annonce-t-elle d'une voix détachée, essayant sans doute de dissimuler son malaise.

Je sens ses yeux posés sur moi, insistants, scrutant chacun de mes gestes alors que j'enfonce mes doigts dans la cavité thoracique, libérant un nouvel éclat de côte pour dégager le tissu pulmonaire. Un bruit sec résonne dans la pièce alors que je brise l'os, et elle grimace, un tressaillement de dégoût visible dans son expression.

— Partez devant, dis-je froidement, sans même lui accorder un regard.

Elle hésite, légèrement troublée. Je devine qu'elle regrette la soirée d'hier, ce moment suspendu où elle m'a laissé sur le fil, ma faim insatiable à peine éteinte, mon désir pour elle presque palpable. Elle le sent aussi, même si elle refuse de l'admettre.

HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant