Chapitre 13

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Le lendemain, je ne calcule pas Nija de la matinée. On est mercredi, on finit tôt donc ce n'est pas trop compliqué de l'éviter. Et puis comme maintenant, Madame est devant dans presque tous les cours, cela me facilite les choses.

Après réflexion, je décide de ne pas aller voir Laroche au sujet des universités non plus. Les choses pourraient dégénerer dans son bureau, surtout lui avec ses paroles débiles et j'ai déjà assez de problèmes comme ça.

Jeudi, je ne viens que le matin, pas l'après-midi. Et je ne capte toujours pas l'autre. Pourtant je sens ses regards insistants en cours certaines fois. Je prends le soin de les ignorer ou du moins de faire semblant de le faire. Elle a toujours cette expression triste et légèrement gênée sur le visage mais je m'en fous royalement. Qu'elle arrête son cinéma d'ailleurs, elle en a assez fait comme ça.

Quand je rentre chez moi, ma mère est déjà là, sur le canapé en train de faire des mots-croisés.

"Déjà rentré ?" me demande-t-elle.

- Comme tu peux le voir, je grogne.

Je balance mon sac à côté de la porte et vais moi-même m'affaler dans le fauteuil à côté d'elle. Elle est à moitié allongée, sa tête posée sur le rebord, et une jambe posée sur le genou de l'autre.

- Mauvaise journée ? Me demande-t-elle.

- Ça t'étonne ?

Elle me dévisage de la tête aux pieds quelques secondes puis revient à son jeu sans intérêt. Je me lève, vais prendre une bière dans la cuisine avant d'y retourner et d'allumer la télé. Ma mère m'informe qu'elle a pris son après-midi parce qu'elle ne se sentait pas bien mais je l'écoute à peine. Il n'y a que l'écran et la bouteille que je tiens dans la main qui m'occupent pour l'instant. Une fois finie, je la dépose par terre et laisse tomber ma tête en arrière avant de m'endormir, écoutant à demi les paroles de ma mère.

A mon réveil, elle est en cuisine et prépare le repas. Nicolas lit son journal comme à son habitude et je suis toujours prostrée devant la télé, tranquille.

- Enes, quelles universités as-tu choisi alors pour ton inscription, demande ma mère, voyant que je suis réveillé.

Et voilà qu'elle remet ça sur le tapis. Je roule des yeux, et d'un soupir lasse, je lui réponds :

- Aucune.

Je l'entends poser l'ustentsile qu'elle a en main et m'avertir :

- Enes, il n'y a pas un délai à respecter ?

- Je m'en fous sérieux.

Un silence s'installe et je devine qu'elle s'échange un regard avec l'autre. Puis après un bref moment, elle lâche :

- Et ben tu vois que tu l'aimes ton horrible existence ici.

Je me lève, excédé. Je déteste quand elle se la joue provocante. Je riposte :

- Et ben tu vois que l'idée que je me casse t'enjaille !

Elle semble choquée et me crit :

- Mais ... De quoi tu... Enes, j'essaye de te faire réagir là ! Je souhaites que tu ...

- Laisse tomber je vais faire un tour, je la coupe.

- Enes !

Et je claque la porte, comme à chaque fois qu'elle est sur le point de me faire la morale. Je fais quelques pas et m'écarte de cette maison avant de m'engouffrer dans la nuit noire.

Je marche en essayant d'évacuer toutes les pensées qui me prennent la tête mais c'est impossible. Mon avenir. Pff. Quelle bêtise, comme si personne ne savait déjà que j'étais perdu. En réalité dans l'histoire, tout le monde le sait, et personne n'a voulu me le faire comprendre. Excepté Laroche, évidemment.

SpeechlessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant