Le lendemain et le surlendemain, je viens à la salle de musique et j'y reste toute la journée, mais je ne vois la fille nulle part. J'essaie de me rappeler ses traits, son allure mais sincèrement, j'aurais du mal à l'oublier. A oublier ce regard. Mes yeux la cherchent constamment, je suis sur le qui-vive même quand je fais mine d'être concentré. Le moindre regard un peu trop appuyé, la moindre porte qui claque m'alerte.
A plusieurs reprises, je demande à Dimitri où elle est passée, mais il est incapable de me le dire. Je ne peux m'empêcher de questionner d'autres habitués de la salle de musique, qui eux aussi répondent par la négative.
Avec ses regards insistants, Dimitri a bien remarqué que quelque chose me tourmente mais il préfère ne pas me poser de questions. Et c'est bien mieux comme ça. Seulement, sa curiosité est palpable et je ne manque pas de contrer ses vaines tentatives pour essayer de gratter quelques informations.
L'air de rien, je détourne son attention et lui demande s'il peut m'aider pour l'épreuve à la place.
Mais j'ai toujours du mal à me concentrer. Surtout que j'ai très peu de temps pour écouter et étudier les œuvres. Dimitri fait tout son possible pour me fournir le plus d'informations et d'aide possible mais je suis à l'ouest, c'est plus fort que moi. Que fait-elle ? Pourquoi ne vient-elle plus au lycée ? Est-elle allée voir la police ?
Ma jambe bouge frénétiquement compte tenu du stress qui monte en moi à chaque fois que je me pose ce genre de question. J'imagine toujours les flics débarquer dans la salle en prononçant mon prénom, nouant des menottes derrière mon dos devant tous les autres élèves en me demandant de me taire et de les suivre.
- Eh mec, t'es sûr que ça va ?
J'observe la main de Dimitri sur mon épaule, la vire un peu brutalement, et murmure :
- Ouais, ouais t'inquiète.
Il a l'air un peu inquiet et j'espère que je ne suis pas blanc comme un linge parce que ça ne ferait qu'éveiller ses soupçons.
- Tu sais quoi, dis-je subitement, j'ai du mal à travailler dans la salle, je crois que je vais aller chez moi m'allonger, j'ai un peu ... mal à la tête.
- Enes, je pense qu'il ...
- T'en fais pas, c'était ... cool de ta part de m'avoir filé un coup de main.
Il écarquille les yeux, surpris de m'entendre dire ça. Je dois avouer que je dis surtout ça pour qu'il me laisse m'en aller, mais il y a tout de même une part de sincérité. C'est le seul qui m'a donné des conseils, le seul qui n'a pas eu "peur" de moi. Et j'apprécie. Dimitri hoche la tête, et je m'engouffre dans le couloir sans perdre une minute.
Mais je ne file pas chez moi. Non, si ma mère est déjà à la maison et qu'elle me voit entrer aussi sur les nerfs, son instinct maternel va l'avertir que quelque chose ne tourne pas rond et elle va m'harceler de questions. Ce dont je n'ai clairement pas besoin en ce moment, bien évidemment.
Quand le bus me dépose près de chez Maxendre, je me demande dans quel état je vais le retrouver. La dernière fois que je lui ai dit pour la fille au téléphone, j'ai entendu des assiettes voler à travers le combiné. Après une série d'injures et un pétage de plomb qui m'avait obligé de sortir de l'établissement pour que personne ne me demande ce qui se passe, il avait fini par raccrocher et ne m'avait plus recontacté. Aucune réponse à mes messages ; aucune réponse à mes appels. Rien. Silence total.
Alors quand je pénètre dans sa baraque qui lui serre d'abandoned house, je ne suis pas étonné de le voir avachi sur son fauteuil, une bière à la main, dont le contenu dégouline par terre et la maison sans dessus-dessous.

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Speechless
RomanceEnes est le genre de garçon qui n'en a rien à foutre de la vie, voir de lui même. Il en a marre d'aller au lycée, qu'il trouve parfaitement inutile et se retrouve souvent dans une baignoire quand il se réveille à la suite d'une soirée. Lorsque Nija...