Chapitre 13.5

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POV Nija

Je me retourne pour la troisième fois au moins, depuis le début du cours, pour le regarder. Encore. Il n'a pas dormi. Ça, j'en suis sûre. Et ses immenses cernes sous les yeux le prouvent. De même que la pâleur de son visage. Ses cheveux tombent pauvrement devant celui-ci et il ne prend même pas la peine de les relever. De toute évidence, il se passe quelque chose.

Hier, j'avais été légèrement peinée de voir qu'il n'avait pas pris la peine d'attendre un peu plus devant chez moi. J'avais joué la fille en colère en le quittant brusquement alors que j'étais juste allée chercher ma nouvelle tablette. Celle que Papa m'avait acheté la veille. Elle était grise et il avait jugé plus facile d'écrire là dessus que sur l'ardoise et ... ce n'était pas complétement faux. Plus de feutre à renouveler ou d'ardoise à racheter. Seulement la batterie qu'il fallait recharger toutes les nuits. N'empêche que j'étais vraiment très contente de l'avoir, ce cadeau et que je voulais le montrer à Enes. Mais quand je suis sortie, il était déjà parti.

Alors quand je vois son état aujourd'hui, un surplus de questions envahit mon cerveau. Qu'est ce qui a bien pu lui arriver ? Est-ce pour ça qu'il est venu me voir hier ? Avait-il besoin de se confier ? Rien que d'y penser, je sens mon cœur se serrer légèrement. La dernière chose que je souhaite c'est qu'il pense qu'il ne peut pas compter sur moi. C'est tout le contraire. Je recherche sa compagnie depuis bientôt un mois et plus le temps passe, plus j'ai l'impression qu'il commence à apprécier la mienne. Ça peut paraître stupide mais c'est mon ressenti et le voir comme ça m'attriste beaucoup. Peut-être parce qu'au fond, je commence à le considérer comme un ami. Cela n'est sûrement pas réciproque, mais c'est le seul qui me donne l'impression d'être une personne normale et Dieu sait combien ça représente pour moi.

" Mademoiselle Orivesi, si vous voulez dire quelque chose à Monsieur Hunt, vous lui direz à la fin du cours. "

Je tourne instantanément ma tête vers Madame Bertrand dont le regard, fixé sur moi, me transperce. Si pour moi, les femmes rondes signifiaient douceur et âme pâtissière, celle-ci était l'exception de la règle. Madame Bertrand, professeure de littérature est de loin la plus froide de tous mes professeurs. Si son travail est excellent, son air de dédain et son habitude de mépriser les élèves selon la médiocrité de leur travail me révolte. D'ailleurs, elle fut la seule de mes enseignants à avoir exprimé son mécontentement auprès du proviseur à mon arrivée. Apparemment, elle avait peur qu'une fille, venue d'un pays étranger - et muette qui plus est - ne puisse, non seulement pas rattraper le programme mais en plus de ça, lui fasse perdre son temps avec des heures de rattrapage. Ce dont, sans me vanter, ne m'était pas nécessaire compte tenu du fait que j'avais déjà lu et étudié les livres rapidement avant de venir.

Légèrement honteuse, je rabats mes yeux sur mon livre. Je sens tous les regards se poser sur moi et j'en ressens un certain malaise. Je n'ai pas trop l'habitude des remarques désobligeantes. Et puis, Enes a du sûrement relevé la remarque du professeure et doit lui aussi, me regarder, intrigué. De toute évidence, il faut que je lui parle. Je veux savoir ce qui le tracasse à ce point.

Au même moment, la cloche sonne. Madame Bertrand, qui s'apprêtait à poursuivre, me regarde, agacée. J'adopte un air désolé avant de ranger mes affaires dans mon sac. Enes, comme à son habitude s'apprête à sortir le premier avant qu'elle lui dise :

- Hunt, on vous attend dans le bureau du proviseur.

Il s'arrête sans se retourner avant de s'engoufrer dans le couloir.

SpeechlessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant