Speechless

Chapitre 14

Adossé au mur, je triture le débardeur qu'elle a laissé dans mes mains. Je suis sûr d'avoir heurté son ego en la comparant à l'autre pute. Mais il fallait qu'elle parte. Sa façon de me regarder m'a encore fait de l'effet. Alors oui, je l'avais fais partir. Surtout que j'étais toujours en rogne contre elle de s'être mêlée de choses qui ne la concernent pas. Comme d'habitude.

Lasse, je descends dans la cuisine reprendre ma bière. Assis sur le plan de travail, je prends une grande gorgée. J'ai du lui paraître vraiment pathétique tout à l'heure. Ses yeux verts avaient essayé de lire en moi. Sûrement pour savoir ce que j'avais ces jours ci et pourquoi je buvais comme ça. Si tu savais bébé.. Après le passage de Maxendre hier soir, je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. J'ai d'ailleurs complétement pété un câble en rentrant. Je me sentais oppressé par tout ça. J'ai balancé tout ce qui me passait sous la main et c'est ma mère qui m'a arrêté avec l'autre con. Non vraiment, rien ne va en ce moment. : "Qu'est ce qu'il te voulait Enes ? Dis moi ce qu'il te voulait !". Mais je ne disais rien. Je ne lui ai toujours rien dis jusqu'à maintenant. Et je ne lui dirais sûrement jamais. Elle ne doit pas savoir cette histoire, elle a déjà du mal à me supporter tous les jours, alors lui parler d'Amina et de tout ce qui s'en suit, il en est hors de question.

Ce matin, elle m'avait trouvé accroupi, en train de boire une bière comme d'habitude. Elle ne m'avait pas posé de questions, consciente que je n'y répondrais pas. Et ne voulant pas être, non plus, soumis à un interrogatoire, j'avais pris la décision d'aller en cours à son grand étonnement. Tout le lycée était en ébullition parce que c'étaient les vacances et en même temps la dernière ligne droite avec ce foutu examen de merde qu'est le bac alors que moi, je repensais à la venue de Maxendre. Le fait de le voir avait réveillé en moi une telle colère que je n'avais même pas pris le temps de l'écouter. Et sincèrement même aujourd'hui, je ne voulais pas le faire. Ma tête explosait et le fait d'aller chez le proviseur n'avait pas arrangé les choses.

Il m'avait convoqué pour l'inscription à l'Université, c'était évident. Et si je m'attendais à être engueulé parce que j'avais râté la date accordé aux retardataires, il n'en fut pas ainsi. Enfin Laroche m'avait fait des remarques sur mon avenir qui allait tout droit vers l'échec et ceci cela, mais il m'avait aussi informé qu'il était prêt à me donner une seconde chance. Apparemment une élève avait intervenu en ma faveur et avait elle-même "choisi" des universités où je pourrais aller. Et quel était le premier choix ? Sorbonne. Licence d'anglais. Moi. Enes Hunt. A la Sorbonne. J'aurais voulu rire sarcastiquement devant Laroche mais l'état dans lequel était mon cerveau me l'avait empêché. Je m'étais juste contenté de l'écouter et de sortir une fois qu'il eut terminé.

J'étais énervé contre elle. D'une part parce que ça ne la concernait pas. De deux parce qu'elle avait cette confiance en moi qui m'énervait plus qu'autre chose. Intégrer une université, ok. La Sorbonne c'était vraiment un autre domaine. Et ce n'était pas parce que j'étais le dernier de la classe que je ne savais pas que c'était une grande université.

Je me lève. Je préfère aller dormir que penser à tout ça. Mais quand je vais jeter ma bière, je trouve la tablette de Nija sur la table. Elle a du l'oublier dans sa précipitation. Je la prends et la dévérouille. La photo d'une belle dame et d'une petite fille apparait. Par sa crinière je devine que la petite c'est elle et que la dame à côté c'est ...

Sa mère.

Elles ont les mêmes yeux verts, c'est vrai. Même si la petite Nija cache son visage de ses deux bras. Elle doit vraiment lui manquer. Si ça se trouve, elle a fait exprès de l'oublier pour que je vienne. Je souris un peu. Au même moment je reçois un message. Je m'attends à ce qu'il soit de sa part mais son sourire disparait aussitôt quand je l'ouvre :