Speechless

Chapitre 12

" Et bien bravo à Enes et Nija pour cet exposé si enrichissant !" s'exclame Mr Samson.

Il frappe des mains, suivit de la classe et nous regagnons nos places. Sans vraiment me vanter, je trouve qu'on a fait du bon boulot. Certes Nija en a fait un peu plus mais je ne suis pas déçu de moi et ça ne m'était pas arrivé depuis ... longtemps. Au tableau aussi on a géré, Nija écrivait ce qui était important pendant que moi je lisais ce qu'elle avait corrigé et elle a eu l'idée - brillante - de prendre une vidéo et de la mettre dans le diaporama pour combler son manque de parole. Même moi j'étais bouche bée, je n'en savais rien. Et je dois dire que j'étais légèrement sur les nerfs de ne pas avoir été prévenu, mais elle m'avait sourit comme pour s'excuser de la "surprise" et j'arrivais un sentiment de tranquilité comme si je savais qu'elle gérait tout sur le moment comme elle avait l'habitude de le faire.

On s'était revu une seule fois faut dire pour finir ce travail. Son travail. J'avais fait quelques petites recherches à mon grand étonnement mais j'avais surtout dormi pendant près de deux heures dans la bibliothèque. Et elle ne m'avait secoué qu'au moment de partir. Je ressentais encore son léger toucher sur mon épaule quand elle avait voulu me réveiller de la manière la plus douce qui soit. Même ma mère ne me réveillait pas comme ça. Et son regard accompagné de son sourire quand j'ouvris les yeux ...

Beau réveil, vraiment.

Quand j'étais allé la voir pour m'excuser et prendre de ses nouvelles, je ne m'étais pas préparé à la voir aussi triste et ... ravagée. Elle avait de longues cernes qui prouvaient son manque de sommeil et vu l'état dans lequel je l'avais trouvé, il était clair qu'elle ne prenait plus la peine de prendre soin d'elle. Et tout ça pour un livre. Et des feuilles. Un livre et des feuilles. Bordel, quelle connerie. Je lui en avais racheté un parce que je dois reconnaître que j'étais devenu nerveux à l'idée qu'elle ne vienne plus en cours. Et c'était clair que c'était à cause de ça. Cela dit, je ne regrette pas lui en avoir fait cadeau. Parce que l'effet de son corps contre le mien quand elle m'avait pris dans ses bras, afin de me remericer, était inexplicable. Rien que pour ça, et quand bien même cela serait égoïste de ma part, j'aurais déchiré et racheté tous les herbiers qu'elle possède pour ressentir cette sensation à nouveau.

Discrètement, je la regarde. Elle se retourne instinctivement vers moi, et me fait un clin d'oeil. Elle semble tellement contente, tellement détendue d'avoir fait cet exposé. Pourquoi d'ailleurs ? Parce qu'elle est sûre d'avoir réussi ? A-t-elle remarqué les efforts au niveau du langage que j'ai fait pour essayer de parfaire son truc ? Ou était-ce tout simplement parce qu'elle le faisait avec moi ? En même temps, c'est ce qu'elle voulait non ? Le faire avec moi. Peut être que c'était ça finalement son but en fait : montrer que je pouvais le faire, que je pouvais travailler avec un peu de volonté. En toute honnêteté, elle y a joué un rôle, je ne pense pas que j'aurais fais ça avec un autre élève. De toute façon mon partenaire aurait soit essayé de me satisfaire par tous les moyens (quitte à modifier son excellent travail) soit m'aurait laissé dans ma merde et serait allé cafter à Samson le comportement misérable dont j'aurais fais preuve. Mais elle, elle n'était pas comme ça. Et rien que pour ça, elle m'énervait davantage, rien que par le fait qu'elle soit différente des autres, la moindre petite chose en elle qui pouvait expliquer son attirance me mettait complétement hors de moi.

Mais malgré ma rancune, mon orgueil et ma fierté, j'esquisse un léger sourire en sa direction. Elle a gagné : j'ai travaillé pour faire ce putain d'exposé, et j'en suis fier, merde. Je ne lui dirais jamais mais je la remercie un peu car depuis trois ans, j'ai le sentiment d'avoir enfin prouvé à certains que je n'étais pas seulement un bon à rien mais que j'étais encore capable de travailler. Je dévie mon regard du sien quand quelqu'un entre brusquement dans la salle. Laroche. Un moment que je ne l'avais pas vu celui-là. Quoi de mieux sincèrement pour gâcher ce petit moment tranquille ? La classe se lève et je décide de faire un effort en faisant de même. Lui s'avance vers Samson, le salue et se tourne vers nous en se balançant légerment sur ses pieds :