Partie 2 Nora Nyimpen Nasibe

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En voletant dans la pièce à la recherche d'une quelconque illumination dans mon cerveau, je vis des emballages de sandwichs vides, des canettes et bouteilles d'eaux vides écrasées sur le sol. Robin prenait vraiment cette histoire au sérieux, et il négligeait sa propre personne. Je n'allais pas ne rien faire, tout de même ! Je dois prendre soin de mon homme ... enfin, de celui qui l'aurait été si la mort ne nous séparait pas.  

- Depuis combien de temps n'as-tu pas mangé correctement ? 

- Ça n'a point d'importance. 

- Tu te trompes. Tu ne pourras pas sauver Maddie si tu t'évanouis devant elle à cause de ton manque de nutrition, ai-je dit, les mains sur les hanches. 

Robin me regarda intensément, et céda en soupirant. 

- Bien, je vais me rendre au restaurant de l'hôtel dans ce cas. 

- Quelle bonne idée ! Je te suis. 

- Pour me surveiller ? s'est esclaffé Robin. 

- Non, juste pour me faire envie, dis-je, ironique. 

Le jeune protecteure émit un petit rire et attrapa son manteau. Le restaurant de l'hôtel devait encore être ouvert. 

Je pensais évidemment que nous serions les seuls à manger à une heure pareille, mais je m'étais trompée. Une jeune indonésienne était en train de se faire servir. Ce qui m'avait étonné était le fait qu'elle portait le Kebaya, une tenue traditionnelle généralement peu portée pour la vie de tous les jours. Elle me semblait étrange. Son aura, du moins, l'était. Je ressentais quelque chose de puissant vis-à-vis d'elle. Ce n'était probablement rien. Des gênes de prêtresses ou quelque chose comme ça. 

Pour me fondre dans la masse, mais ne pas disparaître totalement de la vue de Robin, Élie m'avait appris à dissimuler notre brillance un poil excessive. Je paraissait être une adolescente normale qui, cependant, ne pouvait pas manger ou dormir, ou le genre de choses qu'une adolescente normale ferait. J'aurais pu n'apparaître qu'aux yeux de Robin, mais il aurait eu l'air de parler tout seul, et de passer pour un fou, encore. 

- As-tu remarqué ? me demanda Robin, alors qu'il était en train de manger son omelette. 

- Quoi ? 

- L'indonésienne derrière nous. Elle nous observe. 

Je jetai un coup d'œil à cette fille. Effectivement, son regard se portait sur nous. Plus je la regardais, plus elle me paraissait louche. On aurait dit qu'elle savait ce que j'étais, ce que Robin était, et qu'elle nous surveillait de près. 

- Il faudrait qu'on sache sa chambre, dis-je. 

- Tu n'as point besoin de la savoir, tu la suis lorsqu'elle se lève de table, non ? 

Il n'était pas bête. Il ne l'avait jamais été, en même temps. 

Au bout d'un petit moment, lorsque Robin commença son dessert, la jeune indonésienne se leva. Elle remercia le serveur et sortit par la porte d'entrée de l'hôtel. 

- Elle ne va pas dans sa chambre, en ai-je déduis. Je la suis. Lorsque tu as fini, tu vas dormir. 

- Mais ... 

- C'est un ordre. 

Robin céda. 

Je me levai de table sans attirer l'attention, et sortit à mon tour de l'hôtel. L'indonésienne était au bout de la rue, marchant dans l'obscurité vers une destination inconnue. Destination qui ne s'avérait pas si loin de l'hôtel que cela. J'étais maintenant invisible aux yeux de tous, me faufilant dans les coins sombres par réflexes. 

Je reconnus instantanément la maison devant laquelle s'était posté l'indonésienne. C'était celle de Maddie Grimm. Que faisait-elle ici ? Et si c'était elle la menace ? L'esprit qui tuait des gens avec un plan en avance ? Si c'était elle que je devais craindre ? Pourtant, elle ne me semblait pas être un esprit. Elle n'avait pas l'aura d'un esprit non plus. Et si l'esprit tueur avait pris possession du corps de cette fille ? 

Cependant, l'indonésienne ne bougea pas. Elle attendit que toutes les lumières de la maison soient éteintes, puis elle fit demi-tour. L'esprit attendait-il un instant précis pour commettre son crime ? Si ce n'était pas l'esprit, qui était-elle ? 

Elle passa juste à côté de moi, et je pus la voir sourire. 

- Je sens ta présence, prêtresse, dit-elle. 

Quoi ?! Bordel, elle me parlait, là ! 

- Tu n'as pas besoin de te cacher, ajouta t-elle. 

Dans un élan d'héroïsme, je me montrai au grand jour. Bon, là, il faisait un peu nuit. 

Je ne cherchais pas à cacher ma brillance, j'espérais l'impressionner avec ça. Montrer sa puissance avant une attaque est une bonne astuce pour faire douter l'ennemi. 

L'indonésienne me fit un énorme sourire. Genre ceux que l'on fait lorsqu'on croise une idole. Un sourire excité, empli d'admiration excessive. 

- Je suis si contente d'enfin en rencontrer une ! J'ai attendu ce moment toute ma vie ! Enfin, juste un mois en fait, mais c'est plus excitant de dire toute sa vie ! C'est juste trop énorme, j'en reviens pas. On peut faire un selfie ? Vous apparaissez sur les photos, au fait ? Si non, y a des appareils photos spéciales Prêtresses ? 

- Qui es-tu ? 

J'étais déboussolée, très clairement, par tant de dynamisme. Elle me semblait maintenant inoffensive. Totalement. 

L'indonésienne se tint droite, le menton relevé, et articula à voix haute. 

- Mon nom est Nora Nyimpen Nasibe. Nora suffira, madame. 

- D'accord, et que fais-tu ici ? 

Quel nom bizarre, j'aurais aimé lui dire. 

- Je suis ici en mission, madame. 

- Arrête avec ces madame, c'est inutile. 

- Bien, madame. Je veux dire bien ... Juste ... Bien. 

Je soupirai. Cette Nora semblait être un phénomène. 

- Quelle est ta mission ? 

- La même que vous, protéger Maddie Grimm. 

Un déclic se fit dans mon cerveau à ce moment-là. Oui, je réfléchis parfois. Élie avait dit que quelque chose avait peut-être été brisé lors de la disparition de Cynthia. Si ça n'avait pas touché que le Conseil ? 

- La première protectrice, murmurai-je, étonnée au plus haut point. 

- C'est classe comme titre ça ! Je peux le prendre ? 

J'ignorais totalement sa remarque. J'éteignis ma brillance, cette phrase est très étrange, n'est-ce-pas ? 

- Suis-moi, lui ordonnai-je.

- À vos ordres, capitaine ! 

- Pas de capitaine non plus. 

-Bien, sergent ! 

- Ni sergent, soupirai-je.

- Ça marche, commandant ! 

- Juste Isallys, d'accord ? 

- Comme vous voudrez, juste Isallys, sourit-elle. 

J'aurais aimé me frapper contre un mur. À quel point cette fille pouvait-elle être stupide ? 

En tout cas, Élie me devait des explications. Si elle possède la même mission que nous, c'est que quelqu'un lui a donné. Sachant que Nora n'avait jamais vu de Prêtresses avant moi, ses ordres ont été reçu par télépathie. Élie est capable de faire ça. Et je suis sûre qu'elle l'a fait. Mais pourquoi garder ça secret ? Pourquoi me le cacher à moi ? Pour les autres, je peux comprendre, elles auraient pu être paniquées, surtout après l'arrivée de l'autre Hugo. Mais moi ? 

Prêtresses T2 L'avènement de MansyurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant