Chapitre 10

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Il allait m'expliquer quand sa mère est entrée dans la chambre pour nous dire de venir manger. Il a remis ses lentilles et ses lunettes et nous avons repris notre activité de faux couple jusqu'à la fin de la soirée. Maintenant il ne reste plus que ma mère et moi. Je pensais qu'on allait bientôt partir quand ma mère s'avance vers moi avec un grand sourire.

Je le sens pas trop ce coup là.

« Anna ! On s'est mise d'accord avec Annie. Tu peux dormir ici !
-Pardon ! »

Je crois que c'est difficile d'avoir les yeux plus ouverts que moi à ce moment-là.

« Oui ! C'est vrai, vous êtes grands et responsables et si vous avez besoin il y a des préservatifs dans le tiroir de la commode de Raphaël, lance joyeusement sa mère.
-Mais j'ai aucune affaire !
-Bien sûre que si ! Tiens ! me dit ma mère en me tendant un sac. »

Alors c'est ça, qu'elle faisait juste avant de partir. Je savais qu'elle préparait quelque chose.

D'ailleurs je me tourne vers Raphaël. Il a une main sur le front, visiblement désespéré par la tournure des événements.

« Raphaël. T'as rien à dire ?
-De toute façon je peux rien y faire, ma mère est une mule.
-Bon ! Dans ce cas, c'est réglé ! A demain Anna ! me lance ma mère avant de s'enfuir par la porte suivie par Madame Jones. »

Elles ont à peine eu le temps de fermer la porte que je criais déjà sur Raphaël.

« Je te jure que tu vas me le payer ce coup là ! J'ai pas accepté de jouer ta petite-amie jusqu'à demain ! J'ai déjà du mal à te supporter en te voyant par intermittence, alors pendant deux jours non-stop ! Si je fais pas une dépression c'est un miracle ! Si tu savais à quel point j'ai envie de te frapper là!
-Ça va, te plains pas ! Moi aussi ça m'emmerde que tu dormes ici ! Mais on a pas le choix ! »

On s'est défié du regard un instant, puis je suis allée me changer dans la salle de bain de tout à l'heure. J'ai fermé la porte et ouvert mon sac et j'ai, une nouvelle fois, eu envie d'étrangler ma mère, quand j'ai vu la simple nuisette noire qu'elle m'avait laissée. J'aime beaucoup cette nuisette mais elle ne couvre pas assez de peau pour que je puisse dormir avec chez quelqu'un, et encore moins ici. Je déteste ma mère, elle savait très bien que je serai obligée de la mettre.

J'ai pas vraiment le choix alors je la mets et ouvre la porte, me brosse les dents et sors. Raphaël qui attendait assis sur son lit, se leva pour aller dans la salle de bain, mais s'arrêta net en me voyant. Il allait ouvrir la bouche quand je l'ai interrompu.

« Non ! Tais-toi ! Je ne veux aucuns commentaires sur ma tenue ! »

Il a refermé la bouche et s'est dirigé vers la salle de bain avec un sourire en coin. Je me suis, littéralement jetée sur le lit.

En faisant attention à ce que ma nuisette ne remonte pas évidemment.

Je commençais à m'endormir quand Raphaël est sorti, je me suis redressée en position assise et là, le choc.

« Non mais tu vas pas dormir comme ça !
-Pourquoi pas ? Je te signale que t'es mal placée pour me reprocher mon pyjama. Et puis j'habite ici, je m'habille comme je veux !
-Je te déteste ! »

J'allai déjà avoir du mal à dormir en sachant qu'il est dans le même lit que moi, mais maintenant c'est encore pire. Non mais qu'est-ce qui lui prend ? D'accord il peut s'habiller comme il veut chez lui, mais quand même il pourrait mettre un tee-shirt ! Un slip et un vieux jogging trop grand, c'est pas suffisant quand on a sa carrure !

« Oh fait, t'as pas pu m'expliquer les particularités de tes yeux tout à l'heure ! »

Quelle idée brillante ! Changer de sujet est un technique géniale sauf qu'il se rapproche du lit pour se coucher et que si je commence à loucher sur lui ça va pas être très crédible. Reprends-toi ma grande ! T'es pas une fan-girl complètement dingue ! Et en plus tu le détestes ! Réflexion faite ça devrait être le premier point. Plus il approche et moins j'arrive à réfléchir normalement, ça m'énerve.

« Rien de très étonnant. T'as dû remarquer que j'avais les mêmes yeux qu'un chat, bin c'est pas qu'une impression, j'ai les même. »

Il est juste devant le lit. Au moment où il finit sa phrase, j'arrive à diriger mon regard vers le sien. Je ne sais pas ce qui m'est arrivée tout à l'heure mais, maintenant que c'est la deuxième fois que je vois ses yeux, ils ne m'hypnotisent plus.

« C'est-à-dire ?
-Je vois presque aussi bien dans le noir que dans la lumière.
-Oh ! Je me sens obligée de dire que c'est classe ! dis-je en souriant.
-Tu sais habillée comme ça et en souriant, je pourrai presque croire que t'es jolie. »

Je le frappe.

Oups, un vieux réflexe. Mais ça le fait rire, c'est la première fois que je l'entends rire, maintenant que j'y pense même en cours, il n'a pas l'air très concentré que ce soit sur ce que disent les profs ou ses amis. Mais par pur fierté je fais semblant de bouder. Finalement il n'est pas si narcissique, stupide, dragueur et profiteur que je le pensais...

Non mais à quoi je pense moi ? Tous ces adjectifs ne sont pas pour lui, mais il y en a au moins un qui reste, il est stupide !

J'étais toujours perdu dans mes pensées quand Raphaël a éteint la lumière. J'avoue que sur le coup, ça m'a surprise mais on va faire comme si de rien n'était. Je m'allonge sous la couverture, collée le plus possible au mur.

« Qu'est-ce que tu fais ? Je vais pas te manger tu sais.
-J'installe une distance de sécurité entre toi et moi parce que petit un: aucun de nous deux ne porte assez de vêtements et petit deux: je te déteste ! Bonne nuit. »

Je l'ai entendu soufflé, mais il n'a rien ajouté.

Mais c'est vrai qu'il doit se douter que je suis toujours vierge, il est pas abruti au point de jouer avec moi sur ce point. Je suis prête à admettre qu'il est au moins un tout petit, petit peu intelligent.

Je me suis endormie un peu après lui.

Je le sais parce que sa respiration avait ralenti.

"Monstre!", "Tu ne devrais pas exister!", "On est pas si différents", "Tu es un monstre!", "On m'a dit et répété que j'étais un monstre", " il est très dangereux", "Tu es un monstre!".

"Tu ne mérites pas de vivre!"

Je me suis réveillée une fois de plus, en sursaut et en sueur. Malheureusement dans mon élan j'ai aussi réveillé Raphaël qui, évidemment, a paniqué quand il a remarqué mon état.

« Qu'est-ce qui se passe ?
-Rien t'inquiète pas ! C'est juste un cauchemar.
-Tu vas pas me faire croire ça, t'as des traces de griffures à la base de ton cou !
-Hein ? »

Devant mon incompréhension, il a allumé la lampe à coté du lit, et en effet, je m'étais griffée. J'ai eu envie de hurler ma frustration tellement je m'énervais moi-même mais je me suis retenue ; la maison a beau être très bien isolée, je risquerai de réveiller sa mère. Je dois faire une tête atroce parce que Raphaël a éteint la lumière. Ah non, il me prend dans ses bras.

Attends ! Il fait quoi là ?

« Qu'est-ce que tu fais ? demandai-je peu sûre de moi et la voix étranglée.
-Stresse pas je vais rien te faire. Tu peux pleurer si tu veux. Je me moquerai pas de toi.
-Pourquoi je te ferai confiance ?
-Parce que moi aussi j'ai vécu ça. Ton cauchemar, c'était en rapport avec ton pouvoir non ? Bin quand j'étais petit, j'en faisais aussi et je sais qu'à l'époque j'aurai voulu que quelqu'un me prenne dans ses bras et me dise de pleurer, alors vas-y. »

J'ai voulu répliquer, mais la seule chose qui passa la barrière de mes lèvres fut un misérable "idiot" qui s'évanouit dans un torrent de larmes. Il aurait pu en profiter pour me mettre plus bas que terre, mais il ne l'a pas fait, il n'a rien fait de déplacé, n'a rien dit, ne m'a pas lâcher une seconde et a attendu patiemment que je me calme. Nous avons fini par nous endormir dans les bras l'un de l'autre, certaines de mes larmes coulants encore sur mes joues et s'écrasant sur son torse. Je me demandais quelle était l'odeur qui imprégnait les draps mais j'ai la réponse. C'est la sienne, étrangement, sentir son parfum me calme.

Je le déteste et pourtant je m'accroche à lui comme s'il était tout ce qui me restait. Je suis consternée par ma propre incohérence.

Le jour où tout a basculé (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant