Chapitre 14

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Dès que nous sommes arrivés chez moi, nous avons posé ses affaires dans un coin de ma chambre avant de nous affaler sur nos lits respectifs pour nous torturer l'esprit à chercher une solution au problème face à nous. J'étais en train de chercher une excuse qui pourrait nous permettre d'acheter des lentilles de contact plus épaisses, mais comme il n'a pas de problèmes de vue c'est plus compliqué. J'ai fini par dériver vers un sujet totalement différent. Puisque Raphaël a, disons, une particularité. Peut-être que nous ne sommes pas les seuls à être différents... Mais peut-être que nous sommes juste des personnes dont le destin a décidé de faire d'eux des monstres... Alors que je m'enfonçais dans des pensées de plus en plus sombres, ma mère a débarqué dans ma chambre. C'est le son de la porte qui s'ouvre brusquement qui m'a fait sortir de ma transe.

« Ah tu es là! Tu répondais pas, alors je suis venue voir si t'étais là... J'espère que je vous ai pas trop dérangé, dit-elle avec un grand sourire. »

J'ai soufflé, désespérée par ma propre mère alors que je n'ai que 17 ans...

« Bonjour madame Roberts, dit Raphaël.
-Tu peux m'appeler Catrine.
-Raphaël va rester ici pendant un petit moment, on a un travail en commun alors voilà, intervins-je
-Un travail en commun ? Et ça vous oblige a rester ensemble H 24? demanda-t-elle suspicieuse.
-C'est parce que, notre prof de sciences a fait des groupes, et nous a demandé d'étudier notre binôme de la même façon que si on découvrait un nouvel animal. »

J'ai vu Raphaël me regarder avec des points d'interrogation dans les yeux.

Bon j'avoue mon histoire est un peu bancale, mais je sais que si je dis quelque chose de trop absurde, ma mère va finir par croire qu'on sort ensemble et elle nous laissera tranquille.

« Je vois! Dans ce cas je vais vous laisser travailler. Ne faîtes pas trop de bêtises! ajouta-t-elle en fermant la porte avant de partir.
-Un exposé ? On doit s'étudier comme si on découvrait un nouvel animal ? me lança Raphaël un sourcil levé. T'es au courant qu'elle a certainement pas gobé ça ?
-Je sais. Mais je connais suffisamment ma mère pour savoir qu'elle pense qu'on sort ensemble maintenant. Comme ça, elle viendra pas trop nous embêter et on évitera les problèmes.
-Tu es machiavélique! Tu le sais ça? »

J'ai haussé les épaules. Je peux pas vraiment répondre puisque c'est pas vraiment une question. Donc ! Changement de sujet !

« T'as trouvé une idée ?
-Non, et honnêtement j'ai décroché au bout d'une demi heure...
-Moi aussi, dis-je en soufflant. J'aimerai bien qu'Osiris ou Pénia soient là. Ils pourraient nous aider eux.
-Ouais c'est sûr... »

Il y a eu un court silence puis on s'est tous les deux laissé tomber sur nos lits, abandonnant l'idée de trouver une solution ce soir. Presque deux heures plus tard, alors que la nuit était déjà tombée et que ma mère dormait, on est descendus discrètement jusque dans la cuisine pour manger quelque chose.

« Finalement t'avais raison. Ta mère est pas venue nous voir.
-Je te l'avais dit. Je suis presque sûre qu'elle est déjà en train de planifier notre mariage.
-Presque ? Pourquoi tu vérifies pas ?
-Je veux pas entrer dans sa tête. J'ai trop peur de ce que je pourrai y trouver. »

Sans grand étonnement, ma phrase l'a fait rire.

Au début de l'année il riait rarement, enfin je suppose, puisque mon quotidien consistait à m'approcher le moins possible de lui. Toujours est-il que j'ai l'impression que depuis qu'on est plus ou moins amis... non depuis qu'on traîne ensemble... depuis qu'on se parle... depuis qu'on s'aide... bon bref depuis euh, un certain temps, il a l'air plus joyeux. Mais bon, je me fais probablement des idées.

Nous sommes allés dormir sans se parler plus longtemps, chacun plongé dans ses pensées. Malheureusement pour moi, je n'ai pas eu droit à une bonne nuit réparatrice. Au lieu de ça, elle était rythmée par toutes sortes de cauchemars toujours pires les uns que les autres, des sueurs froides, des réveils en sursauts. Et toutes sortes de choses qui ne sont pas faites pour vous laisser dormir tranquillement. Et honnêtement, je n'ai jamais été aussi fatiguée qu'au moment où je me suis réveillée à cause des rayons du soleil... ça a été l'une des pires nuits de toute ma vie ! Et l'impression étrange de ne pas être normale se renforçait de nuit en nuit.

Je ne tiendrais probablement pas longtemps avant de devenir folle, mais bon je le suis peut-être déjà en fait. C'est vrai ! Quel genre de personne voudrait aider le seul mec qu'elle peut pas voir ? Même en photo ? Je suis folle c'est définitif !

Quand ma mère est partie travailler et que le prince au bois dormant, qui squattait ma chambre s'est réveillé, nous avons attaqués un week-end qui s'annonçait déjà très très long. Nous nous sommes installés dans ma chambre, chacun sur son ordinateur et avons commencé des recherches sur tout ce qui pourrait nous aider: études scientifiques, ingénieurs pas trop curieux, cas similaires...

J'ai toujours un peu de mal à croire qu'il n'avait jamais fait de recherches pour savoir s'il était vraiment le seul dans son cas. Mais bon ! On voit rarement les choses les plus évidentes.

Et après deux jours de recherches aussi intensives qu'infructueuses, nous nous sommes écroulés de fatigue.

« T'es sûr que t'as rien trouvé ? demandai-je en articulant autant que le peux une personne avec sa tête dans un oreiller.
-Ouais, répondit-il dans un soupir. Et toi ? T'es sûre que t'as regardé partout ?
-Ouais, mais à chaque fois que je trouvais des trucs intéressants, la piste me ramenait toujours à des choses irréelles du genre des Dieux, demi-Dieux ou des Super-Héros, dis-je en m'asseyant à peu près correctement sur mon lit.
-Moi aussi... »

Après cette conversation des plus passionnante et captivante, il est allé se doucher. Et, alors que j'allais me recoucher, Pénia est apparue dans ma chambre comme une furie, débitant beaucoup trop de mots à la minute pour mon cerveau épuisé.

« Attend ! Attend deux secondes ! Calme-toi, respire et dis-moi ce qu'il se passe.
-C'est Raphaël ! Il a disparu, je suis retournée chez lui il y a deux heures et il est toujours pas rentré !
-Pas besoin de t'inquiéter, il est ici. Il se douche là, répondis-je, complètement blasée, juste avant de me rappeler que je discutais avec une femme qui se fait beaucoup trop rapidement des films.
-Il... Il... Et toi... Tu... Vous... Non ! Je veux pas que mon petit Raphaël devienne un homme ! C'est encore mon petit bébé ! explosa-t-elle alors que les larmes commençaient à couler comme des ruisseaux sur ses joues.
-Non, non, non, non, non, non ! Il se passe absolument rien ! dis-je précipitamment en me mettant debout face à elle pour mieux la raisonner. Il a eu un petit problème cette semaine et il squatte juste en attendant qu'on trouve une solution !
-Un problème ? Quel genre de problème ? demanda-t-elle en se calmant.
-Le genre... oculaire.
-Oh ! Alors il t'en a parlé ? Et toi tu lui en a parlé ?
-Euh, oui et oui.
-Et c'est quoi ce problème ? C'est grave ?
-Je pense pas. Mais c'est gênant ça c'est sûr. Tu comprendras quand tu le verras, c'est assez flagrant. »

Puis je me suis ravachie sur mon lit douillet.

Et dire que demain on doit aller en cours. Quel monde cruel ! Franchement maintenant que je sais que les Dieux existent je me gêne pas pour les blâmer d'avoir laisser les humains créer l'école, ou plutôt de les avoir laisser dire qu'on étudierait cinq jours par semaine... c'est beaucoup trop dur de tenir, surtout quand on s'ennuie en cours. Bref, je déteste les lundi.

Et c'est sur ces quelques pensées des plus réjouissantes que Raphaël est entré dans la chambre, sans lentilles et sans lunettes laissant Pénia admirer le problème cité plus tôt. Mais heureusement pour moi, depuis qu'il squatte chez moi, il met de vrais pyjamas ; certes je l'y oblige mais c'est quand même gentil de sa part de prendre en compte les fabulations de ma mère.

Le jour où tout a basculé (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant