Chapitre 27

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J'ai été immédiatement choquée par cette photo. Une photo de classe de primaire, où on voit clairement que Raphaël a un coquard, et qu'il est mis à l'écart par les autres élèves. Son regard est tellement triste pour un enfant. Étrangement, j'ai l'impression de me revoir un peu en lui à cette époque.

« Je suppose que le coquard, c'était pas à cause d'une mauvaise chute, n'est-ce pas? »

Il s'est assis parterre contre un mur, l'air complètement abattu. Je me sens assez mal de l'avoir forcer à me montrer la photo... Mais d'un autre côté, si je ne l'avais pas fait il aurait juste continué à faire comme si de rien n'était. Et ça j'en suis sûre, puisque c'est exactement ce que j'aurai fait, si c'était moi qui avait ouvert cette valise en première.

« Je t'ai dit que j'ai arrêté de me considérer comme un monstre quand j'ai commencé à cacher mes yeux, au collège. Mais, en fait, c'est pas vraiment le cas... C'est plutôt les autres qui ont arrêté de le croire, j'ai juste suivi le mouvement. Mais j'aime pas me rappeler de mes années de primaire... m'annonça Raphaël. »

Je me suis automatiquement sentie mal à l'aise. J'ai repensé à ce que j'avais vécu, et pour la première fois, je me suis dit que finalement j'ai eu de la chance.

« Tu sais, ça va te paraître ridicule, mais quand j'étais petite, les filles me mettaient à l'écart, c'est pour ça que je jouais au foot, c'était pour pas être toute seule, expliquais-je. C'est l'avantage avec les garçons qu'on a pas avec les filles : à partir du moment où vous avez un point commun, ils s'en foutent complètement de si vous êtes un mec ou pas.
-Pourquoi tu me racontes ça ? me questionna Raphaël, réellement perplexe. Je croyais que tu pouvais pas me blairer.
-Laisse-moi finir. J'ai du mal à parler de moi à la base, donc attend encore un peu avant de parler, lâchais-je dans un soupir. Ça va paraître ridicule, mais j'ai beaucoup souffert de cette mise à l'écart, c'est pour ça qu'en rentrant au collège, j'ai complètement arrêté de parler aux garçons et je me suis entièrement consacrée à ma relation avec les filles de mon âge.
-Je trouve pas ça si ridicule, y'a pas d'échelle dans la douleur, alors je peux pas vraiment dire que ce que tu m'as raconté n'est pas important...
-Tu sais, ça fait déjà un moment que j'y pense, depuis le nouvel an en fait... et tu me l'as confirmé tout à l'heure : toi et moi, on se ressemble beaucoup au final. Et j'avoue que ça m'étonnerai pas que Baptiste et tout un tas d'autres gens soient comme nous... On a caché ce qui ne plaisait pas aux autres, sans même réfléchir à si ça nous allait à nous... »

Nous sommes restés en silence un moment. Raphaël avait l'air de réfléchir à un truc, et je n'ai pas osé le déranger. Je serais tenter de dire que c'est parce que ça lui arrive pas souvent, mais c'est pas le moment. Finalement il s'est frotté les yeux, comme pour se réveiller, puis il s'est levé et m'a rejointe à côté de la valise.

« Bon du coup, qu'est-ce qu'on fait de ça ? demanda-t-il.
-J'en sais rien, on peut pas la laisser là, n'importe qui pourrait tomber dessus, mais on peut pas non plus la prendre avec nous...
-Au pire je peux rentrer chez moi vite fait et la laisser dans ma chambre.
-Tu vas mettre trop de temps, et puis on fait quoi si ta mère l'ouvre ?
-T'as qu'à dire que je suis allé à l'infirmerie et je mettrai un cadenas quand je serai chez moi. Et puis de toute façon, c'était pas une question. »

Il a fermé la valise et est parti avec, sans faire attention à ce que j'aurai pu répondre.

Il me désespère. Et en plus, maintenant je commence à l'apprécier, non mais c'est n'importe quoi ! Reprend-toi Anna-Lisa, je suis sûre qu'il est gay, rappelle-toi ! Oh mon Dieu ! Ça y est je suis folle, je me parle à moi-même !

Après ce monologue intérieur des plus instructifs, je suis retournée dans la salle de cours où Manuella m'attendait assise à ma place.

« Je suis sûre que t'étais pas aux toilettes, me dit Manuella suspicieusement quand elle me vit. »

Oups, c'est vrai que je lui ai dit ça... Bon bin, joker !

« J'ai croisé Raphaël qui allait à l'infirmerie du coup je l'ai accompagné. »

Pour la première fois, j'ai vu les yeux de Manuella sortir de sa tête. Ouh la, qu'est-ce que j'ai dit ?

« Tu... as... accompagné... Raphaël ? me demanda-t-elle avec une tête vraiment bizarre.
-Euh, ouais...
-Mais attends ! Me dis pas que... c'est lui que t'aime ? cria-t-elle presque.
-Quoi ? Non ! Et je t'ai dit qui avait personne que j'aimais !
-Mais quand on y pense c'est logique, après tout, on dit bien « qui aime bien, châtie bien », et vu votre relation plus qu'ambiguë, et le week-end que vous avez passé ensemble. Ah ! Ça voudrait dire que ta haine s'est transformée en amour ? »

Et elle est repartie dans son monde plein d'arc-en-ciel, de licornes et de cœurs en guimauve. Il faut vraiment que je trouve un moyen de contrer sa stupidité, sinon la survie de mon ouïe n'est pas garantie... Comme Raphaël me l'a demandé, j'ai dit au prof qu'il était à l'infirmerie. Mais bizarrement, il n'est pas revenu de l'après-midi.

Qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'est bizarre, mais je regrette de plus en plus souvent de pas avoir son numéro de portable.

J'ai bien essayé avec l'oreillette mais il ne répondait pas et Baptiste non plus. J'espère qu'il n'est rien arrivé à ces deux abrutis. La journée s'est terminée à une vitesse affreusement lente. En sortant du lycée, je suis immédiatement allée chez Raphaël, mais c'est sa mère qui m'a ouvert.

« Oh Anna, entre ! Raphaël est dans sa chambre avec un ami, je ne te montre pas le chemin, me lança-t-elle joyeusement. »

Un ami ? Je sais pas pourquoi, mais je le sens pas trop ce coup-là.

Je suis allé jusque devant la chambre de Raphaël, mais mes jambes me semblaient tellement lourdes. J'ai l'impression d'avoir mis quarante ans à monter ces escaliers. J'étais tellement stressée que j'ai même pas toqué avant d'entrer. J'ai été vraiment surprise quand j'ai vu Baptiste, assis en face de l'autre abruti autour de la petite table qu'il y a dans cette chambre. Mais leurs visages se sont immédiatement fermés quand ils ont vu que j'étais là.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Pas de réponses. Je le savais, ça sent pas bon !

« Qu'est-ce qu'il se passe ? répétais-je inconsciemment plus fort. »

Il y eût un court silence, puis Raphaël me répondit.

« Baptiste a du nouveau, il pense que l'affaire de la valise et de l'hypnotiseur n'ont rien à voir l'une avec l'autre...
-Comment ça ? paniquais-je.
-En fait, comme c'est la partie qui fonctionne lorsqu'on dort qui s'active avec ton pouvoir, c'est possible que tu sois l'hypnotiseur, et que tu ais involontairement créé cette histoire de doubles maléfiques. Et que ce soit quelqu'un d'autre, qui ait trouvé ses photos de vous... m'expliqua Baptiste. »

C'est pas possible... Je suis en plein cauchemar !

Le jour où tout a basculé (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant