La planchada

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La légende de La Planchada est probablement l'une des plus populaire du Mexique. Elle raconte l'histoire d'une infirmière qui hante dans les couloirs des hôpitaux et s'occupe des malades oubliés.
Un jour, une jeune fille nommée Eulalia fut engagée comme infirmière à l'hôpital Juarez. Avec ses cheveux blonds, ses grands yeux bleus et ses traits fins, elle était ravissante et son caractère agréable s'accordait à son physique. Dès ses premiers jours dans l'établissement Eulalia montra un grand dévouement, qui allait bien souvent au-delà du simple devoir, et elle gagna rapidement l'estime des patients comme celui des médecins. La jeune femme était également très ordonnée et ses camarades la taquinaient souvent à propos de son uniforme, qui était toujours impeccablement blanc, sans la moindre tâche ni le moindre faux pli.
Eulalia partageait son temps entre son travail et sa famille, qui était composée de ses parents et de ses deux petits frères. Chaque jour, elle partait travailler à l'hôpital, elle rentrait toujours avec le sourire, mangeait avec sa famille, faisait une sieste puis en se réveillant, elle aidait sa mère aux tâches ménagères, jouait avec ses frères ou lisait quelque roman à l'eau de rose. Mais un jour, sa vie bascula. Un matin, le directeur de l'hôpital convoqua les membres du personnel pour leur présenter un nouveau médecin, le Dr Joaquin. Grand, beau, intelligent, le Dr Joaquin venait d'une bonne famille et son air arrogant témoignait de la fierté qu'il en retirait.
Au bout de quelques jours, toutes les infirmières étaient déjà sous son charme mais Eulalia ne prêta aucune attention au nouvel arrivant jusqu'à ce qu'il lui demande de l'aider à retirer une balle de la jambe d'un patient. Mais d'une étrange manière, quand elle se retrouva près de lui, la jeune femme en fut tellement troublée que ses mains en tremblèrent et à plusieurs reprises elle se trompa en lui tendant les instruments qu'il demandait. Pour la première fois de sa vie, Eulalia venait de tomber amoureuse. Certaines la mirent alors en garde, lui disant que cet homme n'était fait pas pour elle, qu'il était égocentrique et qu'il flirtait déjà avec une autre infirmière, mais la jeune femme ne voulut rien entendre. Lorsque le Dr Joaquin finit par lui proposer un rendez-vous, Eulalia fut la plus heureuse des femmes. Ils se fréquentèrent pendant un moment mais si le médecin semblait l'aimer passionnément en apparence, la rumeur disait qu'il continuait à flirter en son absence, et elle ne mentait pas.
Une année s'écoula semblable à un rêve pour Eulalia puis le Dr Joaquin lui proposa le mariage et grisée de tant de bonheur, elle accepta avec un enthousiasme enfantin. Peu de temps après, comme il devait s'absenter pendant 15 jours pour assister à un séminaire, il lui demanda de lui préparer son costume et la veille de son départ, quand il passa le chercher, il lui fit mille promesses d'amour éternel. Les jours qui suivirent furent particulièrement difficiles pour la jeune femme, qui n'avait jamais été séparée de celui qu'elle aimait. Une semaine s'était écoulée quand un infirmier s'approcha d'elle, et lui déclarant son amour, il lui proposa de l'accompagner à un certain bal qui devait se dérouler sous peu. Surprise, Eulalia lui rappela qu'elle sortait depuis plus d'un an avec le Dr Joaquin mais l'homme la regarda étrangement, et probablement vexé d'avoir été ainsi repoussé, il lui répondit sans ménagement qu'il était étrange que personne ne l'ait prévenue car tout le monde, sauf elle apparemment, savait que le Dr Joaquin avait démissionné de l'hôpital et qu'il était parti en voyage de noce avec sa nouvelle épouse...
Ces mots résonnèrent comme un tocsin dans le cœur de la malheureuse, qui ne répondit rien. Elle baissa juste les yeux et elle s'éloigna de l'homme, espérant secrètement qu'il lui avait menti par dépit, mais quand elle vérifia dans les dossiers du personnel de l'hôpital, elle s'aperçut que l'infirmier avait dit vrai. Celui qu'elle devait épouser était parti en lune de miel avec une autre.
Après cette terrible déception, Eulalia ne fut plus jamais la même. Elle n'avait jamais eu de petit ami pendant son adolescence, le Dr Joaquin était son premier amour, et le cœur plein d'amertume, elle en conclut que les hommes étaient tous les mêmes. Elle continua à travailler à l'hôpital, mais rien n'était plus pareil. Elle se montrait sombre, renfermée, et souvent elle oubliait ses patients dont certains moururent de sa négligence. Étrangement, la jeune femme ne fut pas renvoyée. Ses supérieurs connaissaient son histoire, et la sachant déprimée, ils attendaient qu'elle redevienne l'infirmière dévouée qu'elle avait toujours été.
Les années passèrent, puis un jour Eulalia tomba malade et elle se retrouva hospitalisée dans l'établissement où elle travaillait. Depuis la solitude de son lit d'hôpital, elle constata que les infirmières se montraient froides et qu'elles accomplissaient leur travail dans la plus grande indifférence. Alors elle commença à songer à sa vie et son cœur se remplit de regrets. Elle s'en voulait terriblement d'avoir été une si mauvaise infirmière, et si elle avait pu revenir en arrière, elle l'aurait fait. La pauvre femme mourut sans pouvoir se pardonner.
Peu de temps après, des rumeurs commencèrent à courir qu'une jeune femme que personne ne connaissait passait s'occuper des malades. Une nuit, l'une des infirmières de l'hôpital s'endormit, ce qu'elle n'aurait jamais du faire car sa négligence aurait pu coûter la vie à une patiente qui avait besoin de prendre un médicament à heures régulières, mais fort heureusement quelqu'un d'autre se chargea de le lui administrer, caressant affectueusement sa tête avant de la quitter. Deux heures plus tard, quand l'infirmière réalisa son inconscience, elle courut vers la chambre de la malade mais à sa grande surprise, la perfusion distribuait déjà l'antibiotique, au bon dosage. Intriguée, l'infirmière interrogea la femme, qui lui répondit que l'une de ses camarades était passée, une jeune infirmière blonde qui portait une robe incroyablement blanche, sans aucun pli.
Par la suite, celle qui avait été surnommée La Planchada à cause de ses vêtements toujours impeccablement repassés apparut de nombreuses fois, apportant de l'aide aux malades oubliés par les infirmières. D'une étrange manière, personne ne semblait se souvenir de son visage, mais tous les témoins parlaient de sa gentillesse et de sa tenue irréprochable. Certains des membres du personnel de l'hôpital rapportèrent l'avoir brièvement aperçue alors qu'elle rentrait ou sortait de la chambre d'un patient, et quelques uns prétendirent même avoir été réveillés par son esprit, qui leur avait doucement secoué l'épaule alors qu'ils dormaient dans leur quartier. De nos jours, La Planchada continuerait à veiller sur les malades de nombreux hôpitaux mexicains, les sauvant parfois d'une mort certaine.

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