Chapitre 1

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Je n'ai jamais pensé que je connaitrais la guerre. Les Grandes Guerres, il y en avait eu six. Six guerres, beaucoup de batailles, énormément de morts. Tout ça pour pas grand chose selon moi. La folie d'un homme, la folie de plusieurs hommes, voilà ce qui déclenchait une guerre.

J'ai toujours vécu une vie heureuse, en paix, avec ma famille et mes amis. Pour nous, la guerre c'était du passé. On en parlait à l' école, dans les livres d'histoire, dans des romans qu'on lisait pour se faire un peu flipper. J'ai toujours été une grande fan de roman gore, dans lesquels des meurtriers sanguinaires utilisent des méthodes ignobles pour tuer de pauvres victimes innocentes. Oui, je sais, c'est dégueulasse. Et avant, moi aussi je pensais que c'était ce qu'il pouvait y avoir de plus cruel sur cette terre. Puis j'ai découvert la guerre. Pas comme dans les livres d'histoire, là on ne parle pas de ces personnes qui crèvent de faim, qui perdent leurs familles et leurs amis. Et même si parfois on le raconte, qui peut savoir ce qu'ils ressentent ?

Aujourd'hui je peux dire que je les comprends, je peux même dire que je fais parti de ces gens. Et là, en cet instant, je sais que jamais personne n'arrivera à retranscrire ce que je vis dans un livre d'histoire. Vous pensez que parce que je suis une fille, j'ai été épargnée? Que parce que j'ai seulement 17 ans, ils m'ont dit : « reste chez toi et reviens dans un an, quand tu seras majeure ? » Non, ils m'ont emmenée dans leur guerre de merde, ils m'ont forcé à prendre une arme en main et à quitter ma famille. Est-ce que mes parents sont vivants ? Pour le moment, je n'en suis pas sûre. Et c'est comme ça à chaque nouvelle attaque. Je le découvrirai ce soir en rentrant à la base. Si je rentre bien sûr. Ma mère sera-t-elle morte ? Je pense que si elle meurt, j'arriverais à m'y faire, à ne pas y penser pendant le temps que durera la guerre et à faire mon deuil après... Par contre si je perds mon père...jamais je ne m'en remettrais. Il est la personne que j'aime le plus au monde. Il n'a pas le choix, il doit survivre. Il va survivre.


-Hey, réveille-toi! Ils se rapprochent de notre planque. En position de combat!


Je viens d'être rappelée à l'ordre par mon cher dirigeant. J'aime cet homme autant qu'il m'aime... c'est-à-dire pas du tout. Pour lui, je suis un boulet, un poids mort qu'on a refilé à son équipe. Mais je dois avouer qu'il sait ce qu'il fait. La preuve, seulement trois d'entre nous sont morts. Un record pour le moment! L'ennemi approche, tout le monde se tait. Nous sommes seulement vingt. Normal, nous ne sommes pas vraiment censés nous battre. Notre boulot à nous c'est d'intercepter les éclaireurs de l'armée adverse, leurs espions si vous préférez. Ca ne veut pas dire qu'on a la belle vie. On risque la mort à chaque instant, comme tous les autres. Mais quand on échoue, on est moins à mourir. Un groupe d'ennemis approche... On n'a encore aucune idée de leur nombre, mais on le découvrira bien assez vite. C'est seulement ma troisième mission, et si je m'en sors aussi bien que dans les deux précédentes, je ne devrais tuer personne.

Ca y est, on entend des pas. Des bruits de lourdes bottes, ils ne cherchent pas à être discrets. Plus personnes ne bouge. Un seul mouvement et on se fait repérer. Je fixe l'homme qui nous dirige en attendant le fameux signal qui nous ordonnera d'attaquer. Mais il ne vient jamais... Avant même que l'un d'entre nous n'ai pu réagir, ils sont sur nous. Il y a des coups de feu, partout, ça ne s'arrête jamais. Je vois les corps de mes camarades tomber et la seul chose à laquelle je suis capable de penser c'est « on perd le record ». Je resserre mon arme contre mon épaule, ce fusil qu'au départ je refusais de prendre, et je me promets de vendre chèrement ma vie. Mais en relevant la tête, je m'attends à tout sauf à ça. Je croise le regard apeuré d'une fille, une ennemie. Elle semble aussi paniquée que moi, alors qu'ils gagnent! C'est peut-être sa première mission... Elle n'avait sans doute jamais vu une boucherie pareille et maintenant, elle se rend compte de l'horreur humaine. Je pourrais la tuer, là, maintenant. Juste en appuyant sur la détente. Elle est tellement proche que je ne peux pas la rater. Je n'ai aucune chance de la rater. Donc je ne tire pas. Je ne veux pas tuer, pas encore, pas maintenant, pas comme ça, pas elle! Je ne veux pas faire cette guerre, ce n'est pas mon combat! Je ne sais même pas pour quoi ou pour qui je me bats. Pas pour moi en tout cas.

La dernière chose que je remarque,c'est qu'elle ne pointe pas son arme sur moi avant de tomber.

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant