Chapitre 8

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Nous avançons dans la prison comme un seul homme. Malgré leurs mots rassurants, je vois bien que les gardes sont stressés. Je ne devrais même plus les considérer comme des gardes, mais je ne sais pas qui ils sont. Dans quelle situation étrange me suis-je fourrée ? Je suis entrain de me lier à un groupe de personnes habituées à aller en prison et à s'en évader, entrainées pour le combat et qui à mon avis, ne mangent pas à leur faim. J'ai remarqué ça sur le garçon qui ressemble étrangement à Jace. Oui il est musclé, on voit bien qu'il fait du sport. Mais tout ce sport n'arrive pas à cacher ses cotes saillantes sous son uniforme.Les autres ne sont pas gros non plus, ils sont même maigres. Eloïse, elle, a plutôt bonne mine comparée aux autres. C'est vrai qu'elle est en prison depuis un moment et que, bien que la nourriture ici soit infecte, au moins nous sommes nourris.

Je m'accroche à Eloïse comme à une bouée de sauvetage. J'essaye de marcher dans ses pas. J'ai l'impression qu'un seul pas de travers serait fatal. J'essaye de suivre la cadence de mes « partenaires » mais ils sont très rapides, et pourtant ils ne font que marcher. Pour arriver à les suivre, je suis obligée de trottiner.

Nous tournons plusieurs fois sans qu'ils ne se préoccupent de vérifier si la voie est libre. Je pensais qu'ils vérifieraient chaque angle de chaque couloir mais je me suis trompée. Ils sont sûrs d'eux et avancent d'un bon pas. La prison est un véritable labyrinthe, je ne saurais jamais retrouver ma cellule si on me le demandait. Mes mains sont moites et tremblantes. J'essaye de me concentrer sur autre chose que cette peur qui m'étreint. Pour ne pas paniquer, je fixe les pieds d'Eloïse et écoute le son de ses pas sur le béton.

Soudain le groupe ralentit. Le garde qui ressemble à Jace s'avance et se plaque contre le mur. Il fait un signe aux autres gardes qui viennent se placer derrière lui. Les gardes vérifient leurs armes. Mon stress ne fait qu'augmenter. S'ils vérifient leurs armes, c'est qu'ils risquent de tirer. J'avais le fol espoir qu'on réussisse à quitter cet endroit sans tuer personne. Ils n'ont pas l'air d'avoir cette intention. Leur regard est froid, ils ne semblent pas paniquer ou anxieux à l'idée de devoir peut-être tirer. Jace numéro deux se rapproche de plus en plus de l'angle du mur. S'il prend autant de précautions, il doit surement y avoir quelqu'un de l'autre côté de ce couloir. Je tremble à l'idée de me retrouver au milieu d'une boucherie. Il ne faut pas que je reste en plein milieu du couloir, je me ferais tuer en première. Je suis, avec un peu de retard, le mouvement et vais me coller au mur. Je n'arrive pas à voir le premier garde, celui qui va prendre le plus de risques pour tous les autres. Il faut sûrement être suicidaire pour faire ce genre de chose.

Oui, à l'époque, j'avais des amis. Et oui, je les appréciais. Mais jamais l'idée de me sacrifier pour eux ne me serait venue. Vous avez beau aimer les gens de tout votre coeur, l'instinct de survie vient vous rappeler que vous n'êtes qu'un lâche.

Alors que j'attends impatiemment que quelque chose se passe, Eloïse me passe un pistolet. Elle acquiesce, insistant pour que je le prenne. Je n'ai jamais aimé la guerre, ni la mort et encore moins les armes. Pourtant, à l'instant où elle me le tend, j'ai l'impression de voir en ce pistolet mon meilleur ami. Je l'agrippe fermement et étonnement, mes mains ne me semblent plus si moites. Au contraire, je les sens sûres et habiles quand elles se referment sur la crosse de l'arme. Je me répète encore une fois la même chose :
Si je dois mourir, ça sera en me battant.
Je ne vois presque rien derrière tous les autres. J'entends plus que je n'aperçois le premier garde s'avancer dans le couloir. Je vois le rang que nous formons remuer et commencer à avancer. Je me prépare à suivre le mouvement quand le premier coup de feu part.

Tout va très vite. Les gens se précipitent en avant, d'un coup. Je me mets à courir mais ralentis quand j'arrive à l'angle du couloir. J'entends des coups de feu mais je ne vois rien. Peut-être que la plupart de mes sauveteurs sont déjà morts et que je ne fais que me jeter dans la gueule du loup. Mais ai-je vraiment le choix ?

Je m'élance dans le couloir et me retourne en direction des coups de feu, l'arme tendue devant moi. Je ne me rends pas bien compte de ce qu'il se passe. Je n'arrive pas à différencier les gens de mon équipe et les gardes. Ils ont tous la même tenue et tout est trop confus. J'aperçois une femme qui elle, j'en suis sûre, n'est pas avec nous. Je m'apprête à lui tirer dessus quand quelqu'un attrape mon bras et dévie mon tir. Je me retourne brusquement, prête à me battre au corps à corps s'il le faut.

Ce n'est qu'Eloïse. Elle me fait signe de la suivre et s'élance dans le couloir. Elle semble éviter les balles et court à toute vitesse. Je n'ai pas le temps de me demander si j'aurais sa chance. Je me jette à sa poursuite et essaye désespérément de ne pas la perdre. Aucune balle ne me touche et je remercie un Dieu qui n'existe peut-être pas. Elle s'engage dans les couloirs sans se retourner et vérifier que je la suis. Je n'ai pas une forme physique minable, mais la suivre reste compliqué, surtout quand n'on a plus couru depuis longtemps.

Je ne sais pas combien de temps nous courrons, j'ai les poumons en feu, je transpire et mes jambes sont douloureuses. Je n'ai aucune idée d'où cette course folle nous mènera, je ne réfléchis plus, je me concentre sur mes pieds et les force à avancer plus vite. Je ne pense même pas aux gens que j'ai laissés derrière moi. L'instinct de survie, ça vous pourrit un homme.

Soudain, je vois devant moi deux formes floues. La transpiration coule dans mes yeux et je ne les distingue pas bien. Lorsque j'entends le coup de feu et que je vois celui de droite s'écrouler, je sais ce qu'il me reste à faire. Je cligne des yeux et je l'aperçois. Ce garde, un homme d'une vingtaine d'année, qui n'a rien demandé à personne. Alors, encore une fois, j'arrête de penser et je lui tire dessus. Je vise sa poitrine, son coeur. Seulement, je ne sais pas viser. La balle vient se ficher en plein dans son crâne. Je n'arrête pas de courir. Eloïse me lance un « bien joué » que j'entends à peine. Quand je passe à côté de son corps, je me force à ne pas détourner la tête. Je regarde droit devant moi.

À quoi bon tourner la tête, je sais très bien ce que je verrais. Un cercle rouge au milieu du front, du sang qui coule dans ses cheveux. Des yeux qui fixent le vide pour toujours, avec au fond du regard, une lueur d'incompréhension. Non je n'ai jamais vu une personne morte, la tête transpercée par une balle. Mais qui n'a jamais regardé de film ? Je n'ai pas envie de comparer la réalité aux effets spéciaux. Je fais confiance au réalisateur.

Alors que je sens la culpabilité m'envahir, nous croisons à nouveau deux gardes. Je tire. Et de deux. J'efface toute culpabilité de mon esprit. Nous sommes en guerre. Je savais que j'allais devoir tuer. J'aurais préféré attendre encore un peu. Il est trop tard. Leurs vies pour la mienne, voilà comment je vais devoir penser à partir de maintenant. Je finirais par m'habituer à donner la mort, comme tout le monde.  

J'espère que ce huitième chapitre vous plaira ! Encore merci à mon Eloise d'amour de supporter toutes mes fautes d'orthographe avec autant de vaillance ! Plein de bisous ;)

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant