Chapitre 12

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Mes parents me manquent terriblement. J'ai tout fait pour ne pas penser à eux, mais maintenant que je suis libre, je ne peux pas m'empêcher de culpabiliser. Je suis dans cet endroit, libre, mais eux ? Peut-être qu'ils sont en prison, peut-être qu'il sont... Même en pensée je ne peux l'imaginer. Mes parents sont vivants, quelque part à m'attendre. Je trouverai le moyen de les rejoindre. Pour le moment je dois penser à ma survie et essayer de me faire des alliés dans ce groupe étrange.

Stan, avec son sourire charmeur et ses surnoms, ferait un compagnon d'armes parfait. Je pense pouvoir lui faire confiance. Mais sait-il seulement se battre ?

Eloïse est trop...imprévisible. Je n'arrive pas à la cerner. À certains moments, c'est une amie et à d'autres, une ennemie. Elle joue avec moi comme elle joue avec tout le monde. Et malgré ça, les autres ont l'air de la supporter, et même parfois de l'apprécier.

Je viens à peine de rencontrer Karl. Il a l'air très gentil, il me fait un peu penser à mon père. Mais de là à lui faire confiance...

Reste Jace. Le grand et mystérieux Jace. Avec ses tatouages et son air lugubre, il fait plutôt froid dans le dos. Je suis persuadée qu'il me déteste. Sa mise en scène à la prison était sûrement pour me mettre mal à l'aise et me ridiculiser. Du moins j'essaye de m'en persuader...

Stan a proposé de me faire visiter les lieux. Je lui demande en quoi consiste exactement cet endroit mais il élude ma question, comme mes nombreuses autres. Il ne me dira que ce qui lui semble nécessaire. Je le suis dans le hangar à avions et Jace nous emboite le pas, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Au fond du hangar à avions, une porte mène vers l'extérieur.

Quand j'aperçois les fameux « bâtiments » à visiter, j'ai presque envie de rire. Un hangar en ruine, voilà ce qu'il reste de la Suisse. Un vulgaire hangar, haut et délabré. Les murs sont percés de trous, les piliers de fer sont rongés par la rouille, les mauvaises herbes ont envahis tout l'espace, j'en vois même quelques touffes à l'intérieur.

Je suis déçue. Qu'est-ce que j'avais imaginé ? Des bâtiments en bon état, qui cacheraient derrière leurs hauts grillages des armes capables, qui sait, peut-être gagner la guerre ? Les gens ici sont juste des fugueurs venus se réfugier dans un endroit isolé. Ils n'ont pas l'intention de nous aider.

Stan interrompt mes reflexions :

-Pour vivre heureux, vivons cachés. Ce diction te dit quelque chose petit coeur ?

Je souris. Cette phrase, mon père me la répétait souvent. C'était un homme modeste.

-Oui je connais. Alors vous vous cachez ici en attendant que la guerre soit finie ?

Jace pouffe dans mon dos et un sourire nait au coin des lèvres de Stan.

-Pas exactement, me dit-il. Vois-tu, nous aimerions beaucoup mettre fin à cette guerre. En la gagnant, si possible. Nous aimerions que celle-ci soit la dernière.

Je soupire :

-Comme nous tous.

Une question me turlupine malgré tout.

-Que faites-vous pour aider votre pays à gagner ? En restant cacher ici, vous ne ferez pas avancer les choses.

Il s'avance vers le bâtiment en me répondant :

-Ne juge pas trop vite Jude. Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles en ont l'air.

Je lui emboite le pas, curieuse malgré tout de découvrir l'intérieur du bâtiment. Combien sont-ils ? Si nous sommes en sécurité ici, peut-être que mes parents pourraient me rejoindre. Je me rapproche du hangar, son état de délabrement me choque à nouveau. Pourquoi s'être installé ici ?

Jace me dépasse pour se placer à côté de Stan. Il lui chuchote quelque chose à l'oreille et me lance un regard. Je n'entend pas ce qu'ils se disent mais je suis persuadée qu'ils parlent de moi.

Soudain je m'inquiète pour ma sécurité. J'ai peut-être foncé droit dans un piège. Les gens ici pourraient être de dangereux criminels, et moi, fragile petite chose, je les ai suivi sans me poser de questions. D'un autre côté, quel autre choix avais-je ? Finir ma vie en prison est bien la dernière chose que je veux.

Je ne vois aucune porte. Stan et Jace se dirigent vers un trou dans le mur que je n'avais pas remarqué tout de suite. Je suis plutôt petite et pourtant, je suis obligée de me pencher pour entrer. Quand je me redresse, je croise le regard de Stan qui guette ma réaction. Et là je les vois enfin.

Des centaines de personnes m'entourent, toutes vacant à leurs occupations. Il n'y a presque aucun bruit, ils ne se parlent pas. Certains portent des seaux remplis d'eau, d'autres s'occupent des enfants. Des femmes cuisent des morceaux de viande directement sur des braises encore rouges. Les hommes nettoient les armes, j'aperçois même un petit garçon, d'à peine dix ans, avec un poignard dans les mains. Personne n'a l'air heureux. Leurs visages sont tristes et fatigués, et pourtant quelques-uns se tournent vers moi pour me sourire.

Une jeune fille se dirige vers nous. Elle a des cheveux noir de jais qui mettent en valeur ses grands yeux verts. Ceux-ci sont doux, bienveillants et mon instinct m'indique que je peux lui faire confiance. Quand elle prend la parole, sa voix est douce comme du miel :

-Enchantée, je m'appelle Nikita.

Elle se tourne vers mes compagnons avant d'ajouter :

-Vous êtes en retard.

Stan s'avance et la sert rapidement dans ses bras. Quand il la relâche, je vois des larmes briller dans ses yeux. Ils les chassent d'un battement de cils et répond :

-Désolé Niki, nous n'avions pas prévu de ramener une novice.

Elle sourit doucement et deux fossettes adorables apparaissent au creux de ses joues. Elle est vraiment jolie.

-Ne t'en fais pas, j'ai cru comprendre qu'elle avait su se montrer persuasive.

Elle se tourne vers moi et continue à sourire.

-Je suis ravie que tu sois là. Je suppose que pour le moment, tu ne sais pas grand chose de cet endroit. Je t'aiderai à en comprendre un maximum.

Elle prend mes mains dans les siennes. Je suis mal à l'aise mais elle ne semble pas le remarquer. Ses yeux verts plongent dans les miens. J'ai toujours trouvé mes yeux gris plutôt banals, les siens sont magnifiques.

-Tu n'es pas la seule nouvelle à être arrivée récemment. Un groupe de novices est ici depuis hier et tu pourras très vite les rejoindre. Mais avant ça, je vais te faire une petite visite guidée. Tu nous accompagne Stan ?

Le grand blond acquiesce et se rapproche de Nikita. Ces deux là m'ont l'air vraiment proches.

Alors qu'elle s'apprête à avancer, elle semble se souvenir de la présence de Jace. Elle se tourne vers lui et dit quelque chose à laquelle je ne m'attendais pas du tout :

-Je suis sincèrement désolée. Mes condoléances.

Le visage de Jace se décompose, il blêmit et ses lèvres se mettent à trembler. Je ne sais pas qui est mort, mais je comprends facilement que c'était un proche de Jace.
J'ai presque pitié de lui. Perdre un proche doit être rudement difficile. Je lui prendrais bien la main si je n'étais pas sûre qu'il me repousserait.

Peu à peu, il reprend le contrôle de ses émotions. Il ne pleurera pas devant nous, ça c'est certain. Il inspire quelques fois avant de prendre la parole.

-Quand ?

Nikita baisse la tête, comme si le regarder lui était trop douloureux.

-Hier matin. Elle n'a pas souffert.

Quand elle prononce cette dernière phrase, je vois luire dans les yeux de Jace une étincelle de pure rage. Il tourne les talons et sort du bâtiment à grandes enjambées. Je regarde Stan, me disant qu'il devrait sûrement le suivre, mais il n'en fait rien. Il le regarde s'éloigner et finit pas tourner la tête vers Nikita. Elle lui adresse un faible sourire, comme pour lui assurer que tout ira bien.

Elle me fait un signe pour m'inviter à la suivre et s'avance dans le hangar.

J'espère que ce chapitre vous plaira ! 

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant