Chapitre 9

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Je vois la lumière, le bout du tunnel. Enfin, plutôt le bout du couloir. Il y a de la lumière au bout de ce couloir, et chaque pas m'en rapproche. J'ai désespérément besoin de sortir d'ici. J'ai l'impression que plus je me rapproche de cette porte, plus j'étouffe. Elle est ma bulle d'oxygène et chaque pas me soulage autant qu'il me fait souffrir. Ma tête tourne à l'idée de ce qu'il y a derrière elle. Et si c'était un piège ? Si en sortant, pensant être enfin libérés, nous tombions sur des gardes lourdement armés ? Dans le meilleur des cas, ils se contenteraient de nous raccompagner à nos cellules. Dans le pire... Je préfère ne pas y penser. Eloïse ne ralentit pas, elle semble toujours aussi sûre d'elle. Je ne dois pas avoir peur.


Eloïse ne s'arrête même pas, ouvre la porte à la volée, et disparait dans l'obscurité. Alors comme ça, il fait nuit ? Enfermée entre ces murs, j'en suis venue à perdre la notion du temps. Je ne sais pas combien de jours voir de semaines j'ai passé dans cette prison. Je ralentis en arrivant à la porte, et sors avec plus de précautions. Je regarde autour de moi, à la recherche d'une éventuelle menace. Je ne vois rien, à part les murs de la prison, qui se dresse, impassible, hérissés de fils barbelés. Sortir du bâtiment était une chose. Passer ces murs en est une autre. Je cherche Eloïse du regard mais elle a disparu. Je n'aurais jamais dû la lâcher des yeux. Comment vais-je faire maintenant ? Je n'ai aucune idée de la direction à prendre, et si je me ballade dans la prison comme un mouton ayant perdu son troupeau, je ne mettrais pas longtemps à me faire reprendre.

J'en suis encore à essayer de prendre une décision, quand je l'aperçois. De loin je ne vois qu'une silhouette floue, je ne peux pas distinguer son visage. Je suis tentée de lui tirer dessus, mais en faisant ça, je risque d'alarmer les gardes. Il se dirige droit vers moi, je sais qu'il m'a vu. M'enfuir ne servirait à rien, courir non plus. Je vois d'ici l'arme luire dans sa main, à la lueur de la lune. Alors qu'il n'est plus qu'à quelques mètres de moi, je le reconnais enfin.

-Jace !

Je ne peux pas m'empêcher de soupirer de soulagement. Ce n'est pas un garde, je suis sauvée. Je lui sauterais bien au cou si je n'avais pas peur qu'il me donne un coup de poing dans le ventre.

-Alors mauviette, on se perd et on a la frousse ? Tu as perdu tata Eloïse ?

Et voilà, je viens à peine de le retrouver, et il est déjà insupportable !

-Espèce de...

-Fais attention à ce que tu vas dire petite ! N'oublie pas que ta vie est entre mes mains à présent.

Et sans un mot de plus, il se retourne et s'avance dans l'obscurité. Hors de question qu'il m'échappe celui-là ! Je m'élance à sa suite. Il ne court pas comme Eloïse, il ne semble même pas pressé. L'arme à la ceinture, les mains nonchalamment dans ses poches, il avance comme si nous étions en ballade. Quelle ironie de mettre des poches à des tenues de prisonniers ! Comme si nous avions quoi que ce soit à mettre dedans.

-On ne devrait pas se dépêcher ?

Il ne se retourne pas pour me répondre.

-Tu devrais surtout te taire.

Je rumine toutes les insultes qui me viennent à l'esprit et me retiens de les lui cracher à la figure. Je tiens à la vie mais quelque chose me dit que lui ne tient pas à la mienne.

J'observe le paysage. Des murs gris, un sol gris et, au delà des murs, le ciel noir et la lune qui brille de mille feux. Si je pouvais m'envoler et m'enfuir loin d'ici... Icare avait des ailes et moi, qu'est-ce que j'ai ? Mes jambes, mon courage ou, au choix, mon imbécillité et ce groupe d'inconnus. Il va me falloir une bonne étoile particulièrement attentive. Je m'étonne de ne pas voir de phare lumineux qui balaye la prison. Il y en a toujours dans les films. Comment font-ils sinon pour surveiller les alentours ? Ou peut-être a-t-il été désactivé ? Qui sait jusqu'où ont pu aller mes sauveurs ?

Je fixe mon regard sur la nuque de Jace en espérant ainsi faire ralentir les battements de mon coeur. Le silence est oppressant. J'ai un mauvais pressentiment. Une horde de gardes va bientôt nous assaillir et sûrement nous descendre pour avoir quitté la prison. Je tire sur le bandage qui cache mon tatouage. Ma peau me chatouille encore à l'endroit où l'aiguille l'a touché.

Jace s'immobilise et je lui fonce dedans. Je ne m'attendais pas à ce qu'il s'arrête si brutalement. Il a vu quelque chose ? Il se retourne lentement vers moi. Ses yeux brillent d'une lueur étrange.

-Quand on franchira les murs de cette prison, je reprendrai mon rôle de salaud. Mais tant que je peux, j'ai quelque chose à te dire.

Je fronce les sourcils. Je n'ai pas envie de m'attarder ici.

-Ça ne peut pas attendre qu'on soit sorti ?

Il regarde derrière lui comme s'il avait peur qu'on nous épie. J'ai l'impression que ce n'est pas les gardes qui l'inquiète.

-Quand on sortira d'ici, ils t'auront à l'oeil. Tous. Tu es nouvelle, ils ne te feront pas tout de suite confiance même s'ils te le feront croire. Chacun de tes gestes sera surveillé. Ne leur montre aucun de tes doutes si tu en as. Fais leur croire que tu es cent pour cent de leur côté. Chacune de tes attitudes sera analysée, j'espère que tu sais jouer la comédie.

Je ne comprends rien à ce qu'il me raconte. Il n'est pas censé être avec eux ? Alors pourquoi me met-il en garde ? Et surtout contre quoi ?

-De quoi dois-je avoir peur ?

Il me regarde avec un regard presque...compatissant.

-D'eux. De ce qu'ils font. Tu crois en Dieu ? En un Dieu quelconque ?

Que répondre à ça ? Et surtout quel rapport avec notre conversation ?

-Je ne sais pas... Peut-être.

Je vois apparaitre un sourire au coin de ses lèvres.

-Tu en auras bien besoin durant les prochaines semaines.

Il glisse la main sous le col de son t-shirt et en ressort une chaine. En or, il me semble. À la lumière de la lune, comment savoir ?  Il me la tend et voyant que je ne la prend pas, il la glisse autour de mon cou.

-Ce n'est pas un cadeau, précise-t-il. Et ce n'est pas pour que tu penses à moi. C'est pour que tu penses à toi, à qui tu es. Je ne sais pas si tu es quelqu'un de bien, mais tu ne peux pas être plus mauvaise qu'eux.

La chaine est froide sur ma peau. Je sens un pendentif qui me pend entre les seins. Que peut-il bien représenter ?

-Si tu as besoin de me parler, seul à seul, sans qu'ils puissent nous entendre, va chez Tony. Dis lui que tu veux aller au 46 Gordon square. Il comprendra. 

Il est sérieux ? J'ai presque envie de rire tellement cette mise en scène est ridicule. Ce type, en plus d'être insupportable, est schizophrène.

Il se remet à avancer, et bientôt j'aperçois le portail qui va me mener à la liberté. Jace me lance un dernier regard et, chose étrange, me fait un clin d'oeil. Je reste trop abasourdie pour réagir. Il se met à courir et je force mon corps à réagir et à le suivre. Il va beaucoup trop vite pour moi mais je sais quelle direction prendre. Celle qui conduit à la liberté.


Je me repasse le discours de Jace dans la tête. La liberté oui, mais à quel prix ? Je me décide à effacer ses paroles sombres de mon esprit. À partir d'aujourd'hui, j'irais de l'avant. Peu importe les conséquences, je n'ai plus grand chose à perdre. Je ne dois que gagner.

Vous avez aimé ce neuvième chapitre ?  Je cours écrire le dixième ! À très vite ;)

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant