Chapitre 11

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Le voyage en avion dure une éternité. Les secondes s'égrènent, plus longues les unes que les autres. Chaque instant me semble durer, comme si le temps voulait jouer avec mes nerfs. Je suis assise contre une des parois latérales de l'avion. Des caisses de ce qui me semble être de la nourriture m'entourent. Certaines ont un crâne rouge dessiné sur chaque côté. Je me demande ce qu'elles peuvent bien contenir et ce qu'elles vont faire avec nous, en Suisse. Je me concentre sur le bruit de ma respiration. Inspirer, expirer, inspirer... Je n'ai pas vu la personne qui dirige l'avion. Peut-être est-ce un pilote automatique ? J'en doute, Eloïse ne se serait pas assise dans la cabine. Les gardes ne font plus attention à moi, ils sont assis à l'autre bout de l'avion et discutent entre eux. Le garde plus âgé s'approche de moi et s'installe à mes côtés.

-Alors comme ça, on fait du chantage à Stan ?

Je ne comprends pas tout de suite, à quoi il fait allusion. Il doit sûrement parler de la conversation que j'ai surprise entre Eloïse et Jace et qui fait que je suis ici. Je lui réponds avec plus d'aigreur dans la voix que je ne le voudrais :

-Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler. Je n'ai fait du chantage à personne. Je suis juste l'amie d'Eloïse.

Cette dernière phrase le fait sourire. "L'amie d'Eloïse", même moi je n'y crois pas.

-Alors comme ça, Eloïse a décidé de se faire une amie ?

Il ricane presque.

-En prison qui plus est. Ça ne lui ressemble vraiment pas.

Je vois très bien qu'il se moque de moi. Autant essayer de changer de sujet.

-Vous vous appelez ?

À mon grand étonnement, il me répond sans hésiter :

-Karl. Tu comprendras, bien sûr, que je ne te donne pas mon nom de famille. Dans le monde dans lequel nous vivons, il est plus qu'inutile.

Je souris malgré moi.

-Je me fiche de votre nom de famille.

-Bien. Nous allons donc nous entendre.

Je me retourne pour le regarder dans les yeux. Il me semble tout à fait sérieux. Le fameux Karl de l'avion s'est enfin dévoilé. Je me demande quel type de relation il entretient avec Eloïse.

J'en suis à me poser cette question lorsqu'elle sort de la cabine.

-Alors le vieux, on s'est fait une copine ?

Je me tourne pour observer la réaction de Karl à cette remarque. Il sourit de toutes ses dents et ne semble pas du tout le prendre mal.

-En effet. Elle m'a dit que vous étiez devenues les meilleures amies du monde en prison. Eloïse qui noue des liens, c'est ton psy qui va être content.

C'est un jeu entre eux. Eloïse n'a pas de psychologue, ils aiment se taquiner. Qui aime bien...

-Ne sois pas trop jaloux.

Elle tourne les talons et retourne dans le cockpit. Un jeu, voilà comment cette fille voit le monde. J'ai l'impression qu'elle se fiche de tout et de tout le monde. Je la vois qui passe la tête par la porte qu'elle vient de franchir.

-Au fait, nous dit-elle, on va atterrir. Attachez les ceintures que vous n'avez pas, ça risque de secouer.

Karl s'agrippe à une des nombreuses caisses et j'en fais de même. Alors que je sens mes oreilles se boucher, je prie pour que ça ne soit pas trop long. J'étais déjà mal à l'aise à l'époque, quand je prenais des avions de tourisme avec ma famille et mes amis, maintenant le stress ne fait que monter. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est l'anormalité. L'homme est fait pour avoir les pieds sur le sol. Je déteste l'eau comme l'air. Le seul élément valable à mes yeux reste la terre. Et parfois le feu. J'aime observer les flammes qui luisent dans la nuit noire. Je sens l'avion pencher légèrement vers l'avant. C'est plus subtil que ce à quoi je m'attendais. Je ne comprends pas pourquoi les doigts de Karl sont aussi crispés sur sa caisse.

La première secousse m'ébranle et me surprend. Je sens mon corps être projeté brusquement sur le coté. Je me prépare et la seconde ne m'atteint presque pas. Si je ne m'étais pas agrippée, j'aurais été projetée à l'autre bout de l'avion.

Il n'y a aucune fenêtre, aucun contact avec l'extérieur, et c'est peut-être ce qui m'angoisse le plus. Ne pas savoir quand l'avion touchera enfin le sol et à quel moment je ressentirai cette secousse violente et caractéristique de l'atterrissage. Un léger sursaut de l'appareil me fait comprendre que nous sommes au sol. Je m'étais attendu à quelque chose d'impressionnant mais là, je suis soulagée. Le pilote doit vraiment être doué.

Lorsque la soute s'ouvre, je me jette à l'extérieur de l'avion. J'embrasserais bien le sol tant je suis rassurée d'avoir survécu. Je tourne la tête, à la recherche d'un visage familier. Des dizaines de personnes m'entourent et aucun ne semble faire attention à moi. Je suis invisible, chacun vaquant à ses occupations. Je vois des hommes décharger les caisses que nous avions avec nous, certains vérifient les ailes et les roues de l'avion. Se préparent-t-ils déjà à un prochain décollage ?

L'idée que l'avion s'en aille ne me rassure pas. Que ferais-je si, une fois bloquée ici, je voulais rentrer chez moi ? Comment me libérer de ces gens s'ils ne m'acceptent pas ? Je suis bloquée dans ce pays que je ne connais pas, seule. Il y a bien Eloïse mais, au plus j'apprends à la connaitre, au plus j'ai peur de lui faire confiance. Je respire et observe le paysage autour de moi. Des montagnes, de la neige, des sapins, et encore des montagnes. J'avais déjà vu des photos de ce pays, mais il est encore plus beau en vrai.

Après avoir été en prison, je prends conscience de l'étendue qui s'offre à moi. Ces montagnes énormes et ce ciel bleu magnifique. Je sourie, presque malgré moi. Qui sait, peut-être que ce pays me plaira ?

Je sens une main sur mon épaule. Karl m'a suivie et me regarde en souriant. Je vois que lui aussi comprend le sentiment de plénitude que m'offre ce paysage. Je lui souris en retour et remplis mes poumons de l'air de la montagne.

-Petit coeur ! Quelle joie de te revoir ! Le voyage s'est bien passé ? Les hôtesses de l'air n'ont pas été trop horriblement sexy ?

Je me retourne et aperçoit Stan, les bras grands ouverts, qui se dirige vers moi. Je n'ai même pas à faire un pas qu'il me prend dans ses bras et m'embrasse bruyamment sur la joue. Ce garçon respire la joie de vivre, un véritable soleil. Je réponds timidement à son étreinte.

-Elles ont été parfaites, comme d'habitude.

J'essaye de lui sortir mon plus beau sourire mais à l'évidence, ce mec a le plus fantastique sourire au monde. Je vois son regard passer au-dessus de mon épaule et son sourire se prononcer encore plus.

-Princesse ! Toi aussi tu es arrivé ! Oh quel bonheur, les festivités vont pouvoir commencer.

Princesse ? Je me retourne, persuadée que c'est impossible, lorsque je l'aperçois. Il est là, devant moi. Toujours dans sa tenue de prisonnier, ses cheveux décoiffés. Par quel miracle a-t-il pu arriver ici ? Je le salue d'une voix que j'espère froide et distante.

-Jace.

Il me répond sur le même ton, me regardant à peine.

-Oui. Je ne me souviens plus de ton nom, Petit coeur.

Je le fusille du regard. Je suis sûre qu'il connait mon nom. Je sens sa chaine, froide, contre ma poitrine.

-Tant mieux, tu n'en auras pas besoin.

Il hausse un sourcil. Surpris ? S'il croit que j'ai peur de lui ou de ses histoires, il se met le doigt dans l'oeil. Je me ferais ma propre opinion de ce qui se passe ici.

Mon histoire se met en place, j'espère que ce chapitre vous plaira ! Plein de coeur ;)

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant