Chapitre 4

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Je vole, je vole très haut dans le ciel. Mes parents sont avec moi et leur amour m'enveloppe. Je suis bien sur mon petit nuage, je n'en redescendrais jamais. Il y a un garçon avec moi. Il est beau, doux, si gentil. Mais je n'arrive pas à discerner ses traits. Il reste brouillé, je ne peux pas savoir qui il est. Pourtant je l'aime, d'un amour tendre et intense à la fois. Quelle beauté d'aimer sans raison ! Sans rien attendre en retour, j'aime, tout simplement.

Si seulement... Je redescends de mon nuage, si vite que l'atterrissage me fait l'effet d'une claque. Un garde débarque dans notre cellule, il m'attrape par le bras et me soulève violemment. S'il ne m'avait pas soutenue je serais retombée aussitôt.

Je remarque qu'un autre garde maintient Eloïse, elle se débat plus que moi mais il ne semble même pas le remarquer. Ils nous font avancer dans le couloir et en passant devant les cellules, je remarque qu'elles sont vides. Où sont-ils tous ? On se dirige vers le réfectoire. En entrant je reste pétrifiée, je savais qu'il y avait beaucoup de prisonniers dans cet endroit mais à ce point... Pour moi, ils sont des centaines. On nous passe des menottes et on nous pousse vers un coin de la salle. Pourquoi ? On ne peut quand même pas s'enfuir...

Il y a peut-être beaucoup de prisonniers mais il y a aussi énormément de gardes. Et je suis sûre que la prison est sécurisée, on nous abattrait après notre premier pas à l'extérieur. Je me rapproche d'Eloïse, je ne la connais pas énormément mais c'est la personne en qui je peux avoir le plus confiance.

-Qu'est-ce qui se passe ?

Elle me regarde bizarrement et me fait signe de me taire. Pourquoi ? Beaucoup d'autres prisonniers parlent, je ne vois pas le souci.

Les haut-parleurs s'allument en faisant un bruit affreux. Mes pauvres oreilles ! Ils s'amusent à taper sur le micro ? Une voix forte d'homme se met à parler.

-Nous vous ordonnons de rester calmes, vous regagnerez bientôt vos cellules.

C'est censé nous rassurer ? Je n'ai aucune envie de regagner ma cellule, pas déjà, pas alors que je viens juste de sortir. Je regarde autour de moi et m'aperçois qu'Eloïse a disparu. Et merde, où est-ce qu'elle a bien pu aller ? Je me sens observée de partout avec tous ces inconnus autour de moi. J'essaye de la chercher discrètement, sans donner l'impression d'observer tout le monde.

Je la repère enfin, elle parle avec un garçon. Je ne lui ai jamais demandé son âge mais je dirais qu'elle a 24 ou 25 ans. Lui doit avoir 20 ans, quelque chose comme ça. Il n'est pas trop moche, il pourrait presque être beau s'il n'avait pas ces ignobles tatouages partout sur lui. Ses bras en sont remplis et je devine que son torse doit l'être aussi. Je ne déteste pas les tatouages mais les siens sont lugubres.

Je me rapproche d'eux, il faut que je rejoigne Eloïse. Ils ne sont pas très loin de moi, mais ils se sont mis dans le coin de la salle et d'autres prisonniers me barrent la route. Alors que j'arrive enfin à m'approcher, j'entends que le garçon s'énerve.

-C'est hors de question ! On a dit plus personne, tu m'entends ? Je n'ai pas envie que tu fasses tout foirer. Alors tu suis ou tu vas te faire foutre !

De quoi est-ce qu'il parle ? Tu suis ? Je ne comprends pas.

-On risque de nous entendre, lui rétorque Eloïse, ferme un peu ta grande bouche et écoute moi bien. C'était juste une proposition comme une autre ! Et toi, tu peux bien aller te faire foutre, parce que sans moi tu ne sortiras jamais d'ici !

Sortir d'ici ? J'ai bien entendu ? Ils essayent de sortir d'ici ? Le mec aux tatouages tourne la tête pour vérifier que personne ne les écoute et son regard croise le mien. Et merde, il sait que j'ai tout entendu, je le vois dans ses yeux et je sais qu'il le voit dans les miens. Je n'ai plus qu'une chose à faire, jouer ou perdre. Je me rapproche d'eux comme j'avais prévu de le faire depuis le départ, et je bluffs.

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant