Chapitre 25

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Je marche avec entrain, gardant le rythme du groupe. Je ne dois pas me laisser distancer, les autres novices pourraient croire que ma lenteur est due à ma blessure.

Bien que très douée en maquillage, devrais-je dire en camouflage, Paris n'a pas réussi à effacer totalement les marques de mon combat d'hier. Ma lèvre fendillée s'est rouverte lorsque j'ai voulu manger et la croute de sang qui la couvre n'est pas des plus discrète.

-Vous avez une idée de l'endroit où l'on est ?

J'entends les novices chuchoter à côté de moi. Chacun y va de ses suppositions, estimant la distance qu'il nous reste à parcourir avant d'atteindre la Pologne.

Je cherche Stan du regard et me rapproche de lui discrètement.

-Alors petit coeur, tu t'es frottée à un grand méchant loup ? Tu sais que...

-Où sommes-nous ?

Je décide de ne pas passer par quatre chemins. Stan a le don de distraire les gens et de tout tourner en dérision.

Un sourire carnassier s'étend sur son visage.

-Si je te le disais, cela te donnerait un avantage par rapport aux autres. Je déteste le favoritisme.

Il dit cela avec un sourire en coin, et je comprends qu'il a quelque chose derrière la tête.

-Moi aussi j'ai une question pour toi ! Voudrais-tu l'entendre ?

Ses airs de grand manitou me font froid dans le dos. N'y a-t-il donc plus personne de sincère et de bon sur toute la planète ?

-Je présume que c'est un oui ! Je vais donc te poser ma question, en essayant d'être le plus concis possible.

Il baisse d'un ton et chuchote alors sur un ton de conspirateur.

-Qu'ai-je à y gagner ?

Je reste abasourdie, attendant qu'il reprenne la parole, qu'il s'explique. Mais déjà il reprend son air nonchalant et sourit à une novice comme si de rien n'était.

J'avais considéré Stan comme quelqu'un d'intègre et de gentil. Mon cerveau n'arrive pas à faire coïncider cette image avec la personne fourbe qui se trouve en face de moi.

Qu'ai-je à lui offrir ? Absolument rien. La seule chose que je possède, ayant de la valeur, se trouve être le collier que Jace m'a confié. Et il est hors de question que je m'en sépare.

Résignée, je secoue la tête devant ma propre bêtise. J'ai cru, comme une idiote, que des amitiés pouvaient se former. J'ai cru que je pouvais faire confiance à certaines personnes et qu'elles pouvaient me faire confiance en retour. La vérité est que cette guerre nous enlève à tous, sans exception, le peu d'humanité que nous avions encore. Nous ne sommes plus que des armes, des soldats, considérés comme sains car moins dangereux qu'une bombe nucléaire.

J'efface de mes pensées cet instant, Stan et ses questions.

Il me suffit de marcher. Pas de croire ou de comprendre. Juste de marcher. Je ne suis bonne qu'à ça.

***

À bout de souffle, je m'effondre sur le sol de la clairière. Je vois les autres novices s'écrouler chacun à leur tour. Et dire que nous ne sommes qu'à la moitié de cette journée... Le soleil brille, haut dans le ciel dépourvu de nuages. Nous nous accordons tous une pause bien méritée pour manger un bout de pain rassis et de fromage. Pas de feu, donc pas de viande. C'est la règle d'or pour ne pas être repéré par l'ennemi. Le risque est faible, mais une patrouille ayant élargi son champ d'action pourrait nous croiser par hasard, et personne ne veut répondre à leurs questions.

La première, et sans doute la plus simple à leurs yeux, serait sans doute : Avec qui tenez-vous ?

Et étonnement, je ne sais pas ce qu'il faudrait que je réponde. Avec l'Europe ? Oui, personnellement j'ai toujours tenu avec mon continent natal. Pas par conviction ou par choix mais simplement à cause du hasard qui a fait que j'y suis venue au monde. Pourtant, autour de moi, je vois très bien qu'ils ne sont pas tous dans ma situation. Certains sont là par choix. Ils sont ici parce qu'ils ont décidé de tenir avec une troisième équipe. Ils ne font ni partie de la partie occidentale du monde, ni de l'orientale. Ils sont ici pour mener une autre guerre. Une deuxième guerre, à l'intérieur de la première. Contre un monde que beaucoup considéreraient comme imaginaire, mais que j'aurais bientôt la chance de voir de mes yeux. Nous sommes des soldats de la deuxième dimension.

En pensant à cela, je ne peux m'empêcher de sourire. Moi qui n'ai jamais réussi à trouver ma place dans cette guerre immense et ridicule, peut-être arriverai-je enfin à avoir un but.

J'irai dans Miasterrae, je rencontrerai les autres et je me battrai. Je me battrai pour ma planète et pour tous les humains qui la peuplent. Je me battrai pour détruire les monstres dont je rêve le soir. Jamais je ne les laisserai envahir mon monde.

Je suis un soldat de la deuxième dimension.

***

-Vous allez maintenant devoir vous débrouiller seul.

Tous les novices sont réunis autour de Nikita. Cette dernière nous a annoncé qu'une épreuve nous attendait. Elle nous permettra de prouver notre vaillance et notre force. Je vois déjà les épaules de mes camarades trembler.

-Nous vous attendrons au lieu de rendez-vous, à la frontière polonaise, à minuit pile. Des cartes vous seront distribuées pour vous aider. Sachez que si vous arrivez trop tard, vous trouverez les lieux vides et n'aurez qu'à vous débrouiller pour rentrer chez vous. Si jamais la possibilité d'être capturé par l'ennemi, c'est-à-dire les orientaux mais aussi les occidentaux, se présentait, je compte sur vous pour faire le nécessaire. Un suicide sera moins douloureux que ce que nous vous ferons subir si vous osez parler.

Chacun de nous retient son souffle. Cette femme est de plus en plus terrifiante.

-Y-a-il des questions ?

Son large sourire ne trompe aucun de nous et personne n'ose intervenir.

-Parfait. À dans quelques heures !

-Attendez !

Je n'en reviens pas d'avoir osé prendre la parole. Je regrette presque aussitôt ma décision quand tous les regards convergent vers moi.

-Vous allez vous rendre au point de rendez-vous en voiture, n'est-ce pas ? Pourquoi ne nous contenterions-nous pas de suivre les traces des roues ?

Le sourire de Nikita a disparu. J'aperçois Stan qui se tient non loin d'elle. Pour peu, j'avais presque oublié qu'ils étaient frère et soeur.

-C'est bien simple.

C'est Victor qui a pris la parole. Il se trouve dans mon dos et je me force à me tourner vers lui, peu rassurée de savoir Nikita derrière moi.

-Notre voiture empruntera, certes, un chemin facile et praticable, mais ce chemin est peu discret. Il ne vous faudrait pas longtemps pour être repéré après notre passage. De plus, vu la rapidité du véhicule, il est inutile que nous prenions le chemin le plus direct. Un détour pour éviter la forêt me semble judicieux. Et vous n'avez pas le temps pour les détours.

Son regard me transperce, comme s'il me mettait au défi de poser une autre question.

-Me suis-je fait comprendre ?

J'acquiesce imperceptiblement avant de me reprendre.

-Oui, monsieur.

Il se tourne alors vers Nikita et Stan.

-Et si nous y allions, chers amis ?

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 30, 2017 ⏰

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R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant