R. « Autre Monde »

Chapitre 18

Après plusieurs jours d'entraînement, je n'y tiens plus. Il me faut une arme ! Tous les novices ont à présent choisi la leur et je n'en peux plus d'attendre. Mon épaule me fait encore souffrir mais la blessure est refermée et je me sens capable de tenir un arc ou une épée.
D'un autre côté, je n'ai aucune envie de retrouver le dortoir des novices. La présence de Jace à mes côtés chaque soir est presque rassurante et j'ai peur de l'accueil que me réservent les autres.

J'ai pris l'habitude d'aller courir chaque matin. Le sport me permet de me vider la tête et d'arrêter de penser à mes parents ou à mes futures excursions dans le nouveau monde. Parfois, il m'arrive de croire que j'ai simplement rêvé. L'existence d'un monde parallèle me semble être de la pure folie. Puis je jette un coup d'oeil dans la pièce au phénix et aperçoit cet oiseau incroyable. Pas de doute, il ne vient pas d'ici.

Au plus les jours passent et au plus ma frustration devient grande. Je veux revoir le monde extérieur, je veux me jeter dans la bataille, je veux retrouver mes parents, je veux faire quelque chose ! Cet enferment finira par me rendre folle.

Chaque jour se ressemble, il y a peu de nouveautés dans cet endroit. Parfois, des Traqueurs reviennent avec de la viande. Ils ont pour but de nourrir tout le monde, mais rares sont les privilégiés à profiter de leurs proies. Je me suis contentée de céréale et d'eau jusqu'à maintenant, avec parfois un morceau de viande séchée.

Je cours comme à mon habitude autour du tapis de combat, dans la salle d'entrainement, lorsque les novices entrent en trombe, accompagnés de Nikita. Elle a un sourire figé sur le visage, donnant l'impression de ne ressentir aucune émotion. Elle me fait un signe de les rejoindre et je m'avance vers eux. Ils forment un groupe bruyant et dissipé. Ils sont tous entrain de rire et de se chahuter. L'impression d'être la paria du groupe se fait fortement ressentir. Nikita attire notre attention avant de prendre la parole.

-Vous allez enfin sortir d'ici.

Des murmures enthousiastes s'élèvent de la bande, vite stoppés par l'expression froide de Nikita.

-Durant les premières semaines, nous vous testerons sur vos différentes capacités. Seul les meilleurs d'entre vous auront la chance, ou la malchance, de découvrir l'autre monde. Certains finiront Traqueurs, d'autres seront Messagers, et d'autres enfin Envahisseurs. Ce sont les meilleurs postes. Les autres n'auront qu'à faire la cuisine.

Elle dit ça avec tellement de supériorité dans la voix que s'en est vexant. Même si je n'ai pas envie de finir cuisinière, qu'y a-t-il de mal à ça ? Si la cuisinière, Hélène, était là, je suis certaine qu'elle la priverait de nourriture pendant six jours pour avoir employé ce ton.
En effet, Hélène est une femme à fort caractère, qui n'hésite pas à crier pour se faire entendre et à menacer les gens à grands coups de cuillère en bois. Ce n'est peut-être pas la meilleure des compagnies mais je l'apprécie, et elle ne me rejette pas. J'ai déjà remarqué qu'elle glissait discrètement un bol d'haricots supplémentaire aux hommes qui partent à la chasse ou au combat. Sous ses airs de brutes, elle a un plus grand coeur qu'il n'y parait.

Nikita continue son annonce, imperturbable.

-Nous partirons demain soir et voyagerons de nuits. Sachez que ce n'est pas sans risque et que vous pouvez choisir de rester ici.

-Personne ne vous jugera.

Victor débarque dans la salle et interrompt le monologue de Nikita. Sa déclaration a sans doute pour but de nous mettre à l'aise et de nous convaincre que si nous abandonnons maintenant, ce n'est pas grave. Le dédain qu'affiche notre monitrice affirme pourtant le contraire. Elle s'empresse de changer de sujet.

-Bien, maintenant que cette annonce est faite, il ne nous reste qu'une chose à régler.

Elle se tourne vers moi et me fixe droit dans les yeux avant de m'annoncer froidement :