Chapitre 5

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Eloïse disparait dans la foule et je me tourne vers mon « professeur ». Je ne sais pas vraiment quoi faire alors j'attends qu'il dise quelque chose. Il soupire bruyamment et se tourne vers moi.

-Bon, on ne peut pas dire que ça me réjouisse vraiment mais on va essayer de rendre cette corvée agréable. Pour moi, comme pour toi.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire comme une débile. Il m'offre une possibilité de sortir d'ici ! Passer un peu de temps avec ce gars grognon ne me fera pas renoncer !

-Donc, reprend-il, tu ne dois pas savoir énormément de choses. Tu n'auras pas un rôle très important.

Etonnement, cette remarque me vexe. Est-ce qu'il était obligé de dire que je ne suis pas importante ?

-Eloïse te préviendra au moment d'agir. Tu devras l'écouter et faire tout ce qu'elle te dit. Ensuite tu resteras toujours, soit avec moi, soit avec Eloïse. C'est assez simple. Il te faut un dessin ?

Il me prend vraiment pour une débile. C'est officiel, je le hais. Et le pire c'est que j'ai l'impression que, au plus j'enrage, au plus il sourit.

-Ah et une dernière chose. Ferme ta gueule, vu ?

S'il croit qu'il m'impressionne...

-C'est on ne peut plus clair.

Il me tourne le dos et s'enfonce dans la masse de prisonniers. Je me retrouve seule, au milieu de gens que je ne connais absolument pas. Soudain je me demande ce qu'on fait tous là. Pourquoi nous avoir tous réuni ? Pourquoi maintenant ? Je slalome entre les gens en me posant ces questions quand je me rends compte que je suis à côté d'une porte et que la plupart des prisonniers l'évite. Je cherche à reculer également quand un garde sort par la fameuse porte. Il me voit et me fait signe.

-Toi ! Oui, toi ! Aller viens ! Tout le monde y passera.

Je m'avance lentement, je n'ai aucune confiance en lui, c'est un ennemi. Mais deux gardes arrivent derrière moi et me force à avancer. Je lutte un peu, mais renonce très vite. A quoi bon ? Je rentre dans la pièce et je n'ai déjà qu'une idée : sortir ! On me bande les yeux et m'assoit sur un fauteuil. Mon dieu, que vont-ils me faire ? Je me débats et sens qu'on m'agrippe les poignets. Je sens un métal froid qui coince mes avant-bras. On m'a attachée. Je tire sur mes bras quand j'entends une voix calme me dire :

-Ne bouge pas, détends-toi. Au plus tu te tends, au plus ça sera douloureux.

Douloureux ? Qu'est-ce qui va être douloureux ? Ils vont me faire du mal ? Je me crispe encore plus, quand j'entends un petit bruit étrange. J'ai l'impression d'être chez le dentiste. Et je sens l'aiguille dans ma peau. Sur mon bras, juste au niveau du poignet. Ils sont entrain de...me tatouer ? Je pensais que cette époque-là était révolue, qu'on ne tatouait plus les prisonniers. Je me suis trompée. C'est pourtant bien un tatouage qui apparait sur mon bras quand on me remet dans ma cellule. Je me sens mal, j'ai l'impression d'être considérée comme un animal. On m'a mis un pansement pour que ça ne s'infecte pas et je ne peux donc pas observer mon tatouage. Je me demande quand même quel est le but de cette chose. Après tout, on est quand même censé être bloqué ici.

J'entends la porte de ma cellule s'ouvrir et quand je relève la tête, je vois Eloïse rentrer, accompagnée d'un garde. Il me semble étonnamment doux avec elle. Elle me regarde et ses yeux passent sur mon poignet. Elle grimace et s'approche de moi. Le garde a déjà refermé la porte. S'il y a bien une chose qu'ils n'oublient jamais, c'est ça ! Fichue porte... Eloïse vient vers moi et s'assied sur la banquette.

-Ils t'ont tatouée hein ?

Pourquoi me pose-t-elle cette question ? Bien sûr qu'ils m'ont tatouée, ils ont tatoué tout le monde non ?

-Bah oui. Comment voulais-tu y échapper ? On était tous enfermés dans cette pièce comme du bétail attendant son exécution !

Je vois une lueur étrange dans ses yeux. Son regard fuit le mien. Que me cache-t-elle ? Quand elle prend la parole, elle semble soudain timide.

-Je...J'aurais voulu faire quelque chose pour toi, mais tu n'étais pas au courant de la procédure, et quand j'ai demandé à Jace où tu étais passée, tu avais déjà été emmenée.

Elle a parlé très vite et les informations ont du mal à arriver à mon cerveau. Elle aurait pu m'empêcher ce tatouage forcé ? Et elle n'a rien fait ? Et ce Jace...Ca doit être le mec aux tatouages. Lui aussi devait être au courant de la procédure ! Il aurait pu me prévenir au lieu de me laisser en plan ! Je ne l'aimais déjà pas beaucoup, mais là j'ai carrément une raison de le haïr !

-Attends... Tu es entrain de me dire que tu aurais pu m'éviter ça et que tu ne l'as pas fait ?

Je commence à m'énerver, dire que je vais garder cette chose sur ma peau toute ma vie !

-Pourquoi ? C'était si compliquer de me prévenir ? Juste avant de t'en aller je ne sais où ? Au moins me dire pourquoi on était là ! Parce qu'en plus tu le savais ! Et c'est quoi cette histoire de procédure ? Vous avez fait comment ? Je commence à en avoir ras-le-bol des non-dits, et maintenant que je fais parti de l'équipe j'aimerais que quelqu'un ait la gentillesse de m'expliquer ! Bordel, un tatouage !

J'ai hurlé en prononçant ma dernière phrase. Eloïse me regarde paniquée, elle a sûrement peur qu'on m'entende. Moi j'en ai ma claque d'être gentille et de fermer ma gueule ! Où est-ce que ça m'a mené ? Si j'avais tiré sur cette fille, je ne serais peut-être pas en prison, dans ce trou à rats, à me faire tatouer la peau et à gueuler sur une fille qui n'est même pas capable de m'aider !

Eloïse se relève et s'éloigne un peu de moi. Elle regarde le mur comme si c'était le plus beau tableau de De Vinci. Je sens bien qu'elle s'en veut un peu.

-Je...Je n'y peux rien ok? C'est pas moi qui t'ai tatouée. Si j'avais pu éviter ça, je l'aurais fait. Je pensais juste que Jace allait te prévenir... Mais quand il m'a rejoins et que je lui ai demandé où tu étais, il a dit que ça lui était égal...

Je m'énerve. Elle croit vraiment qu'elle va s'en sortir aussi facilement ?

-Et toi, tu étais où ? Pendant que je discutais avec ce type ? Tu ne pouvais pas rester avec moi au lieu de m'abandonner avec un mec qui, en plus de me détester, se fiche complètement de moi ?

Elle se retourne et me regarde étrangement.

-Il ne te déteste pas.

Alors là, c'est la meilleur ! Monsieur tatouage ne me déteste pas ! Et puis quoi encore ?

-Mais bien sûr ! C'est sûrement pour ça qu'il est d'une gentillesse exquise avec moi !

Elle baisse légèrement la tête, elle a l'air gênée.

-Tu ne dois pas lui en vouloir... Il a un passé compliqué.

Je ris amèrement.

-Comme nous tous non? Je te rappelle qu'on est en prison ! Je me demande qui peut se vanter d'avoir une vie de rêve !

Son sourire triste me donne l'impression d'être une petite enfant qui ne comprend rien.

-Tu sais quoi ? Je m'en fiche de ce type. Tout ce que je voulais moi, c'était une amie. Et je pensais que tu en étais une. J'ai dû me tromper.

Elle rit. Pourquoi ? Je n'ai rien dit de drôle, au contraire.

-Ma pauvre, tu es bien trop innocente. J'ai failli croire à ton jeu de dure à cuire mais enfaite tu es encore une petite fille. Tu crois encore à l'amitié ? Après tout ce que tu as vu ? Dois-je te rappeler l'histoire de notre monde ? Dois-je te rappeler que nos dirigeants étaient les meilleurs amis du monde ? On t'a quand même raconté notre histoire non ?

Oui, on m'en a parlé... Et je dois avouer que l'amitié que je voyais naître entre Eloïse et moi me parait soudain moins tentante.

Voilà pour ce cinquième chapitre ! J'espère qu'il vous aura plus et vous aura donné envie de lire le sixième qui arrive bientôt ;)

R. « Autre Monde »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant