Lorsqu'elle arriva à son manoir, la pluie martelait le sol boueux. Son majordome l'attendait, l'air impassible. Elle sortit de la calèche, imperturbable, et marcha lentement sous la pluie, se délectant de l'eau qui coulait sur son visage. Mais elle arriva très vite sur le perron, et on la tira à l'intérieur.
"Vous allez attraper froid, la rabroua l'homme en passant une serviette autour de ses épaules.
_ Même si je prends froid, je continuerai à vivre. Pas besoin de tout ça."Elle enleva la serviette de ses épaules et la fourra dans les bras de son majordome. Le pauvre homme souffla et la vicomtesse se dirigea dans son salon en criant :
"Lucian ! Prépare-moi un thé brûlant !"
La majordome obtempéra et Irène se laissa tomber sur le divan, épuisée.
"Alors, comment c'était avec ton fiancé ?"
Irène jeta un regard noir au nouvel arrivant. Brun aux yeux bordeaux, le jeune homme poussa légèrement la brune pour se caler dans le divan.
"Hey ! s'écria Irène. C'était ma place !
_ Tant pis !" ricana le garçon.Lucian entra dans la pièce en jetant un regard noir au nouveau venu. Il n'avait absolument pas confiance en ce Vladimir, l'homme à tout faire de Mademoiselle. Il s'accordait beaucoup trop de familiarité avec elle, et si cela continuait, il l'entraînerait dans une vie de débauche. Mais Lucian veillait sur sa maîtresse. Il lui déposa son thé sur la table basse, et s'affaira autour de la cheminée, en y mettant des bûches, mais Irène le stoppa net.
"N'allume pas de feu.
_Mais... Vous êtes trempée !
_ Ne t'inquiète pas pour moi", fit doucement la vicomtesse.Lucian acquiesça et sortit de la pièce. Vladimir en profita pour cracher sa haine envers le majordome.
"Je ne l'aime pas !
_ Ça, soupira Irène, je l'avais remarqué.
_ Il pense que je vais te faire sombrer, grommela-t-il.
_ En même temps, tu ne fais rien pour essayer de t'intégrer", remarqua-t-elle.Irène changea de position pour poser sa tête sur les genoux de son ami. Ami. Irène savourait ce mot à chaque fois qu'elle le prononçait. C'était ainsi qu'elle présentait sa relation avec Vladimir. Même si elle était sensée être sa maîtresse. Elle avait toute confiance en lui, et essayait de rester le plus souvent possible avec lui. Irène se félicitait de l'avoir pris à son service, même si, à chaque fois qu'elle essayait de se le remémorer, elle ne pouvait dire quand exactement son valet était arrivé. Cela la gênait un peu, mais elle ne le montrait pas. Quant à Vladimir, il avait réussi à percer la cuirasse que la jeune fille avait construite il y a bien longtemps. Il était le seul à la comprendre véritablement, et c'était pour ça qu'Irène ne pouvait rester loin de lui très longtemps, malgré les six ans qui les séparaient. Vladimir caressa ses cheveux et murmura :
"Tu n'as pas répondu à ma question.
_ Il a l'air sympathique, souffla la brune. Mais ça ne change pas mon avis sur la question. Je ne me marierai pas. Si je le fait, je perdrai mon nom... Et mon nom est tout ce qui reste de ma mère."Vladimir hocha doucement la tête, et Irène ferma les yeux. Blackbird, l'Oiseau Noir. Ce nom lui allait à ravir, pensa Vladimir. Irène était aussi fragile qu'un oiseau, et pourtant, elle continuait de voler de ses propres ailes, en espérant s'enfuir de sa vie remplie d'obligations, trouver la liberté qu'elle espérait tant. Irène se releva et murmura :
"Je dois aller me changer.
_ Je t'accompagne ? la taquina Vladimir.
_ Même pas en rêve", répondit la brune.Irène sortit de la pièce sous le regard de Vladimir, qui soupira. La jeune fille était d'un courage exceptionnel. Et les jours suivants n'allaient pas être de tout repos.
_ Le dos bien droit Mademoiselle. Le menton haut, ne baissez pas la tête ! Offrez un sourire à votre cavalier. Un sourire, pas une grimace ! Mademoiselle !"
Ainsi se faisait réprimander Irène, en plein cours de danse avec Madame Korlov, une vieille professeur de danse russe. Irène leva les yeux au ciel, et essaya de sourire une nouvelle fois, peine perdue. Son sourire ressemblait à une grimace, et Vladimir pouffa :
"Joli sourire, Mademoiselle.
_ C'est ça, maugréa sa maîtresse. Continue de te moquer de moi."Irène retrouva son visage morne, et Vladimir lui offrit un petit sourire réconfortant. Depuis le temps qu'il s'occupait d'elle, Vladimir n'avait jamais vu Irène sourire. Pas une seule fois. Comme si elle portait la tristesse du monde sur ses épaules. Il avait bien tenté de poser quelques questions à la jeune fille, mais elle ne disait rien. Alors, il avait abandonné, espérant qu'un jour, la brunette viendrait lui parler. Alors qu'il allait parler, Lucy entra dans la pièce, une lettre cachetée dans la main.
"Vous avez du courrier Mademoiselle."
Irène se précipita vers elle et attrapa l'enveloppe, avant de sortir rapidement de la pièce. Vladimir s'excusa auprès de Madame Korlov et retrouva sa maîtresse dans son bureau, qui décachetait l'enveloppe avec frénésie.
"Enfin ! Un peu de mouvement !
_ Cela faisait longtemps que la Reine ne vous avait pas écrit, acquiesça Vladimir en s'asseyant sur le bureau. Que dit-elle ?
_ Oh, les formalités habituelles. Si je vais bien, et... Elle me demande d'enquêter sur une affaire de... Combustion spontanée ? s'écria la fille, incertaine. Que s'est-il encore passé à Londres ?
_ Des femmes meurent brûlées, Mademoiselle, répondit Vladimir. La température est tellement élevée qu'il ne reste à la fin que des cendres.
_ Des cendres ? murmura Irène, les yeux dans le vague. C'est vraiment étrange."Quelques secondes s'écoulèrent avant que la vicomtesse ne réagisse.
"Et depuis quand me vouvoies-tu ?
_ Lucian m'a clairement fait comprendre que si je ne vous vouvoyais pas, j'allais en prendre pour mon grade.
_ Lucian est très gentil, déclara-t-elle avant de reporter son attention sur la lettre. Mais... Quoi ? Vlad, quel est le rapport entre une araignée, un limier, et un oiseau ?
_ C'est encore une de vos devinettes ? demanda le valet. Parce que là, je fais chou blanc.
_ L'oiseau, c'est moi, je le sais, réfléchit tout haut Irène. Mais les autres... Je dois me rendre à Londres immédiatement !
_ Mais... C'est aujourd'hui que vous devez rendre visite au comte Trancy.
_ Dis-lui que je suis désolée, mais que la Reine m'appelle."Irène passa rapidement devant le miroir, en replaçant une de ses mèches noirs derrière son oreille, et enfila son manteau noir. Elle prévint Lucian et Lucy de son départ, et s'engouffra dans sa calèche, Vladimir sur ses talons. Lorsque le carrosse fut à bonne distance du manoir, Irène murmura :
"Que viennent faire l'araignée et le limier dans cette affaire ?"
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La Marque du Diable [Black Butler]
FanfictionIrène Blackbird est une jeune vicomtesse à la tête d'une entreprise de thé, appréciée par la Reine. Fiancée dès son plus jeune âge au comte Trancy, la jeune fille ne veut pas entendre parler de mariage et rêve d'une vie de liberté. Mais après sa ren...