Chapitre 19

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Un énorme fracas réveilla Irène, qui grommela pour la centième fois depuis le début de la semaine.  Elle se leva péniblement et se frotta les yeux.

"C'est pas possible."

Elle s'apprêtait à crier pour que Niina vienne l'habiller, mais elle se rappela que la jeune fille avait décidé de visiter les environs une dernière fois. Elle devait rentrer chez elle le jour même, et cette pensée attrista la vicomtesse. Elle soupira et s'habilla lentement et sortit de sa chambre, exténuée. Elle se demandait comment faisait Ciel pour avoir des serviteurs aussi maladroits. Depuis qu'elle avait déménagé au manoir, Bard avait brûlé la cuisine trois fois, May Linn avait dû brisé la moitié de l'argenterie, et Finnian avait détruit une partie du jardin. Quand à Tanaka... Irène aimait bien le vieillard, qui ne cessait de lui porter des marques d'affection que le brunette n'évitait pas. Elle avait l'impression qu'elle avait trouvé un grand-père ici. En tout cas, Ciel avait de la chance d'avoir Sebastian qui s'arrangeait toujours pour que tout se passe bien. Et même Vladimir l'aidait. D'ailleurs, le démon était plutôt discret. Elle soupira une nouvelle fois et elle entra dans la salle à manger, où déjeunaient Ciel et Aloïs. Les deux garçons ne parlaient pas et ne cessaient de se jeter des regards noirs. Irène soupira :

"Si vous continuez ainsi, je n'imagine pas l'état des lieux dans moins d'une semaine. Vous remplacerez Bard, Finn et May Linn a vous tout seul."

Ils grognèrent et Ciel finit par se retourner vers Irène :

"Je t'ai dit que je te laisserai habiter dans mon manoir, mais je n'ai jamais parlé d'Aloïs.
_ Mais..., commença Irène.
_ Il va devoir partir.
_ Pourquoi ?"

La question avait fusé dans la pièce, entraînant un silence pesant sur les trois nobles. Irène continua :

"Pourquoi Ciel ? Pourquoi est-ce que vous vous détestez ? Que c'est-il passé ?
_ N'essaye pas Irène, fit Ciel en se levant de table. Ça ne vaut pas le coup. Les Phantomhive et les Trancy se détestent. C'est inscrit dans l'ordre des choses.
_ Ma mère haïssait le comte Trancy, et pourtant, je suis bien fiancée à Aloïs. C'est ridicule de se baser sur une haine dont on ne connait pas la cause.
_ Tu ne comprends pas Irène, grinça Aloïs. J'ai ordonné le meurtre de ses parents."

Aïe ! Je te le fais pas dire. Encore là toi ? Irène se mordit les lèvres, ne sachant que dire pour dissiper le malaise. Aloïs soupira :

"S'il le faut, je partirai, mais Irène viendra avec moi.
_ Il n'en est pas question ! s'opposa Ciel en prenant le bras de la brune. Elle ne quittera pas ce manoir tant que je n'en lui donnerait pas mon accord.
_ Elle est à mon service, elle doit m'obéir, siffla Aloïs.
_ On se calme ! s'écria Irène en levant les bras. Personne n'ira nulle part. Et puis, je ne suis pas un jouet, je n'appartiens à personne, et je suis assez grande pour faire ce que je veux. N'oublie pas que je pourrai donner ton âme à Hannah à n'importe quel moment, Aloïs."

Irène ignorait si elle pouvait le faire, mais le blond baissa la tête, croyant à son mensonge.

"Alors maintenant, vous vous serrez la main, et on n'en parle plus.
_ Mais Irène ! cria Ciel. As-tu oublié ce qu'il a fait à...
_ Non. Je n'ai pas oublié. Ecoute Ciel, fit-elle doucement en prenant sa main. On fait tous des erreurs. On l'a fait et on le fera encore. L'erreur d'Aloïs a été de commanditer l'assasinat de tes parents, l'erreur de Claude a été de croire que j'étais encore une petite fille innocente incapable de se défendre, mon erreur... a été de tuer ma famille. Toutes nos décisions, toutes nos actions nous pèsent d'une manière ou d'une autre. Ce qui a été fait est fait et ne peut être défait, tout le monde connait cette phrase. Tourne-toi vers le futur, c'est tout ce que je peux te dire."

Ciel soupira et se tourna vers Aloïs :

"Ne crois pas que je te porte dans mon coeur. Si Irène n'était pas là, tu serais déjà mort.
_ Je vois, fit le garçon avec un sourire. Ne t'inquiète pas, je ne t'aime pas non plus."

Ils se serrèrent la main et une voix s'exclama dans leurs dos :

"Quelle scène touchante."

Les trois adolescents se retournèrent et Irène se retrouva nez à nez avec un homme aux yeux bleu clair et aux cheveux blancs. Elle recula en s'écriant :

"Mais... Qui êtes-vous ?
_ Le comte Charles Grey, se présenta-t-il avec un sourire. Et je vois à vos habits que vous êtes la fameuse "Dame Noire". Vous êtes aussi belle qu'on le prétend."

La jeune fille s'étrangla en rougissant et le comte se retourna vers les deux garçons :

"Ainsi, le chien de garde et l'araignée de Sa Majesté sont sous le même toi. Sûrement grâce à l'oiseau.
_ Alors, vous connaissez cette histoire d'oiseau ? s'étonna Aloïs en le regardant.
_ Bien sûr, lança un autre homme qui entra dans la pièce. Nous nous devons de le savoir.
_ Et vous êtes ?
_ Charles Phipps.
_ Pourquoi ces noms me sont-ils aussi familiers ? murmura Irène.
_ Nous sommes les "Double Charles", les secrétaires militaires et majordomes de la Reine, annonça Grey. Nous sommes venus chercher quelqu'un.
_ Je suis là", clama Niina en entrant dans la pièce.

Elle portait une valise avec elle et souriait aux majordomes.

"Je suis prête ! On peut y aller !
_ Attendez un instant ! s'écria Irène. Quelqu'un peut m'expliquer ?
_ Je suis la demoiselle de compagnie de Sa Majesté, révéla Niina avec un sourire contrit. Si je suis venue dans ton manoir, c'était pour être sûre que tout se déroulait bien. Pour la première fois depuis une dizaine d'années, la Reine a décidé de réunir le chien de garde et l'araignée sur la même affaire. Mais elle savait qu'ils se détestaient, comme tous leurs prédécesseurs. Et c'est là que tu es entrée en jeu.
_ Le rôle de l'oiseau, continua Phipps, est de trouver des terrains d'entente entre eux. Il est neutre, et se doit d'empêcher ses collègues de travail de s'entretuer.
_ C'est ce que votre mère aurait dû faire, souffla Grey en croisant des bras, mais elle s'est mise à détester le comte Trancy. Ça ne pouvait pas marcher dans ce cas là. C'est pourquoi la Reine a demandé à Niina de s'infiltrer dans votre manoir pour veiller à la réussite de votre mission. Et vous l'avez menée avec succès."

Irène regarda Niina, les yeux écarquillés, avant de la prendre dans ses bras.

"Alors, tu as parlé de toutes les choses surnaturelles qui se sont passées ? murmura la brune assez bas pour que seule Niina puisse l'entendre.
_ Non, je ne suis pas folle. D'ailleurs, même la reine ne connait pas l'existence de mes pouvoirs. Nous serions brûler au bûcher."

Irène relâcha Niina et chuchota :

"Alors, tu vas vraiment partir ?
_ Oui, mais ne t'inquiètes pas, je reviendrai te voir le plus souvent possible !" sourit-elle.

Phipps attrapa le bagage de Niina et ils sortirent tous les deux de la pièce, suivit de Ciel et Aloïs. Grey s'attarda auprès d'Irène, et lui glissa une enveloppe dans la main.

"Une nouvelle mission de la Reine, souffla-t-il tandis que la jeune fille cachait la lettre dans les plis de sa robe. Tâchez de ne pas faillir.
_ Pensez-vous vraiment que je vais décevoir Sa Majesté ?"

Grey lui sourit d'un air complice et ils sortirent dans la cour. Vladimir se tenait aux côtés de Niina et lui parlait avec véhémence. Niina finit par hocher la tête et le démon se tourna vers la vicomtesse.

"Je vais aller avec Niina. J'ai bien envie de revoir un peu Londres, tenta-t-il en fuyant le regard bleu de sa maîtresse.
_ Tu es sûr que c'est Londres que tu veux revoir, le taquina Irène. Vas-y, tu ne me dois rien. Rien ne t'empêche de partir où bon te semble.
_ Mais quoi qu'il arrive, je viendrai toujours à ton secours !" jura Vlad en la serrant dans ses bras.

Les majordomes de la Reine finirent par entraîner Niina et Vlad avec eux, laissant les trois adolescents devant le manoir. Ciel soupira :

"Bon, qu'allons-nous faire maintenant ?
_ Ça vous dirait une nouvelle mission périlleuse ?" demanda Irène en leur présentant l'enveloppe que lui avait donné Grey.

Elle la décacheta et sortit trois billets de l'intérieur.

"Un cirque ?" s'écrièrent-ils tous ensemble.

La Marque du Diable [Black Butler]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant