[4/5] Where you belong

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Kiku s'assit face à la Reine, les yeux baissés. Elle n'était pas étonnée que celle-ci la retienne. La jeune femme avait l'habitude de se retrouver seule avec sa Majesté, et ce dû à ses écarts. Pourtant, elle ne se rappelait pas avoir commis d'impair.

- Grey m'a dit que tu n'avais pas assisté au bal.

Kiku leva les yeux au ciel, maudissant le majordome. Elle fut tentée de répondre mais sa Majesté la coupa :

- Je ne t'en tiendrai pas rigueur. Je voulais juste savoir pourquoi. Est-ce à cause de Lau ?

Kiku se détendit imperceptiblement. Si seulement il ne s'agissait que de lui. Le Japon et la Chine n'étaient pas en très bon termes, et la menace d'une guerre pesait sur les deux pays. Lau s'occupait du commerce entre la Chine et l'Angleterre, et une guerre entraînerait une perte considérable de revenus pour ses affaires. Kiku n'était pas sûre que le chinois lui en veuille particulièrement, mais elle préférait tout de même l'éviter.

- C'est vrai que dans le climat actuel, je n'ai pas envie de croiser son chemin. Je ne sais pas comment il me traitera, alors je préfère ne pas courir le risque, fit prudemment la japonaise.
- Mais il n'y a pas que ça, devina la Reine.
- Je ne me sentais pas à ma place, avoua la brune en détournant le regard.
- Parce que tu es japonaise ?
- Parce que ce n'est pas ma place.

Kiku tritura ses tresses en réfléchissant un instant. Elle devait peser ses mots pour ne pas dire d'idioties qui pourrait froisser sa Majesté.

- Je n'ai pas les titres qui me permettent de me sentir à l'aise en compagnie de l'aristocratie. Je ne suis pas noble.
- Tu ne l'es pas, mais tu as autant ta place ici que les autres, assura la Reine. Tu n'as pas à douter sur ton rôle. J'espère que cette mission t'aidera à t'en rendre compte.

Kiku hocha la tête et la Reine lui offrit un sourire réconfortant.

- Tu peux rejoindre les autres maintenant.
- Bien.

La japonaise s'apprêtait à sortir lorsque la voix de la Reine retentit dans la pièce :

- Si tu le veux, je peux te restituer ton titre. Tu te sentiras peut-être plus à l'aise.
- J'y réfléchirai.

La jeune femme retourna à sa chambre, prête à se reposer un peu avant d'aller lire le rapport de Chrys. C'était sans compter la présence d'un Grey affamé qui manqua de se prendre la porte lorsque Kiku l'ouvrit.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda la japonaise, en arquant un sourcil. Tu voles ma nourriture.
- Disons que je suis venu voir si elle avait le même goût que la mienne, sourit Grey.
- Sors.
- Je dois te parler. C'est important.

Le visage du garçon redevint grave, et pendant un instant, elle oublia presque qu'il était un idiot et qu'elle le détestait. Presque. Kiku passa sa main sur son visage et soupira :

- Vas-y.
- Quand tu as vu Irène... Est-ce qu'elle t'a dit quelque chose ?
- Non. Rien. Nous avons fait connaissance, et puis elle est allée dans sa chambre et nous sommes repartis. Fin.

Devant le ton dédaigneux qu'avait utilisé sa collègue, Grey se sentit obligé de prendre la défense de son amie.

- Elle devait certainement être fatiguée...
- Elle n'est pas aussi forte que je le pensais.
- Tu es méchante.
- Je dis la vérité. Irène Blackbird, la Dame en noir, la fille redoutable que tous les nobles craignent, énuméra Kiku d'une voix acide. Vraiment ?
- Elle est en deuil ! s'écria Grey en tapant du poing sur la table.
- Tu n'es pas professionnel parce que tu amoureux d'elle !

Les deux majordomes se jaugèrent du regard, à quelques centimètres l'un de l'autre.

- Que tu ailles voir sa Majesté parce que je n'ai pas obéi à ses directives, cracha Kiku à voix basse, je peux comprendre. C'est mon travail, et je ne l'ai pas fait hier soir. Mais que tu défendes la Blackbird par intérêt personnel, je le refuse. Tu n'as pas le droit de me faire de remontrances alors que tu n'obéis pas non plus aux ordres. Si la Blackbird nous a rejoint pour cette mission, c'est pour voir si elle est encore digne du titre d'oiseau de la Reine. Si elle ne l'est pas, elle en sera destituée.
- Ce n'est pas ce que la Reine avait l'air de dire tout à l'heure, contre-attaqua Grey.
- Ce n'est qu'une question de temps, assura Kiku en tournant le dos à son collègue.
- Tu es une vraie vipère. Tu craches ton venin à tout le monde, mais tu es faible. Tu n'as pas ta place ici.

Grey vit Kiku se tendre, mais c'est avec une voix calme qu'elle soupira :

- Je le sais Grey. Crois-moi.

Elle se retourna et lui sourit, avant de se diriger vers la sortie.

- Tu devrais aller te reposer. Les prochains jours risquent d'être longs.

En voyant le voile de tristesse dans les yeux gris de sa compagne, Grey regretta aussitôt ses mots. Mais il était trop tard pour s'excuser. Il passa une main sur son visage, las. Lui qui avait promis à Chrys de mieux se comporter avec la japonaise, c'était raté.

Il retourna à sa chambre, où l'attendait son frère. Celui-ci était allongé dans son lit, vêtu d'une simple chemise noire et d'un pantalon en lin de la même couleur.

- Laisse-moi deviner, fit Chrys en se redressant. Tu t'es encore disputée avec Kiku ?
- Cette fille est épuisante, se défendit Grey en refermant la porte. Elle a critiqué Irène.
- Tu es trop obnubilé par Irène, remarqua son frère. Je comprends que ça énerve Kiku. Tu ne parles que d'elle en bien, et tu agis comme si elle n'avait pas de défauts. Elle a raison, tu es encore amoureux d'elle.
- Je ne peux vraiment pas défendre une amie sans qu'on me force à avoir de sentiments pour elle ?

Chrys détourna le regard, passablement ennuyé.

- Soit. Tu n'es pas amoureux d'elle. Mais ne laisse pas votre amitié t'aveugler, tu dois rester objectif. C'est ton devoir, tu t'en souviens ?

Grey hocha la tête, les yeux rivés sur le sol. Son frère ébouriffa ses cheveux et reprit un ton plus joyeux.

- Ne laissons pas cette histoire nous fâcher, nous avons encore beaucoup de choses à voir ensemble.
- Cette affaire de morts ? demanda Grey en voyant Chrys récupérer une liasse de feuilles sur la table de chevet.
- Oui ! Toi qui a horreur du surnaturel, tu vas être ravi.
- Pourquoi ? demanda Grey, soudain méfiant.
- Tu te souviens de tes morts-vivants pendant ta croisière sur le Campania ?
- Nom de dieu...
- Ne t'inquiète pas, le rassura Chrys, ce n'est pas d'eux dont il s'agit. Mais cette histoire est très troublante, et je ne serai pas étonné qu'elles aient un lien.

La Marque du Diable [Black Butler]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant