Chapitre 27

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"Tu es sûr qu'elle va bien Aghni ? Elle n'a pas bougé de son lit depuis hier.
_ Ciel a dit qu'elle était malade et qu'elle préférait rester seule.
_ Mais quand même. Elle ne parle même pas lorsqu'on lui apporte à manger, et c'est à peine si elle grignote son repas."

Les voix des deux Indiens portaient jusqu'à la fenêtre de la chambre d'Irène, où celle-ci était accoudée. Elle soupira en retournant dans son lit, lasse. En vérité, elle n'avait ni le moral, ni la force pour répondre à Sôma, et le simple fait de voir de la nourriture la dégoutait. Elle avait passé le plus clair de son temps sous ses couvertures, à retourner la situation dans sa tête, honteuse. Elle ne pouvait pas regretter son choix, mais d'un autre côté, elle se sentait coupable. Son devoir était de sauver ses enfants, pas de les conduire de « l'autre côté ». Elle n'avait pas réussi à les protéger. Elle continua de démoraliser jusqu'à ce que sa porte s'ouvrit à la volée.

"J'ai une grande nouvelle pour toi Irène ! s'écria Sôma.
_ Mmmppphhh, grogna Irène.
_ Nous avons de la visite pour toi !
_ Qu'est-ce que... marmonna Irène avant qu'une masse rose ne se jette sur son lit.
_ Bonjour !"

Irène détailla la nouvelle venue avant de s'écrier :

"Elizabeth de Midford !"

La fiancée de Ciel se tenait face à elle, amusée. Elle est vraiment mignonne, remarqua Irène. Ses grands yeux verts brillaient d'enthousiasme, et un grand sourire amical marquait ses lèvres. Elle jeta un regard à son accoutrement et la brune se rappela qu'elle ne s'était pas changée depuis qu'elle était arrivée au manoir, après avoir tué le docteur. La chance était avec elle, car grâce au noir de ses vêtements, les taches de sang étaient quasiment imperceptibles. Elle croisa cependant les bras, gênée.

"Tu es Irène, c'est ça ? demanda Elizabeth en souriant. On s'est vu au bal d'Aloïs Trancy, tu t'en souviens ?
_ Bien sûr, répondit Irène. Ciel m'a beaucoup parlé de toi.
_ Vraiment ? rougit la jeune fille. Je ne savais pas.
_ Il a l'air de tenir beaucoup à toi."

Irène se souvenait du visage épouvanté de Ciel lorsqu'il avait appris que sa fiancée était au manoir lorsque les membres du cirque les avaient attaqué. D'ailleurs, qu'en était-il d'eux ? La vicomtesse préféra s'abstenir de lui poser la question, et garda le silence. Les deux jeunes filles restèrent un moment immobiles, ne sachant que dire, et Irène finit par lâcher :

"Ciel n'est pas ici.
_ Je sais, ce n'est pas pour lui que je suis venue aujourd'hui, mais pour toi.
_ Comment ?
_ Ciel m'a appelée en disant que tu avais besoin de te remonter le moral ! Et Sôma était d'accord, alors je suis venue. Ça va être une journée amusante en perspective. D'abord, change-toi !"

Irène haussa les épaules et revêtit une robe sombre. Elle fit un chignon flou, et lorsqu'elle se retrouva face Elizabeth, la blonde frappa dans ses mains :

"Et si nous allions jouer dans le jardin ?
_ Il pleut, remarqua Irène en montrant les gouttes de pluie sur la fenêtre. Et j'ai bien l'impression que ça ne va pas s'arrêter de sitôt.
_ Alors prenons le thé ! continua la blonde.
_ Je n'ai pas faim.
_ Arrête un peu Irène ! Ciel m'a dit que je devais m'occuper de toi, alors je vais le faire.
_ Dis à Ciel que s'est vraiment gentil de sa part, mais que ça ne m'intéresse pas. Je n'ai pas la tête à ça, maugréa Irène en se glissant de nouveau sous ses couvertures. Laisse-moi déprimer en paix."

Elizabeth arracha les couvertures et attrapa les poignets de la brune, en la forçant à la regarder, des éclairs dans les yeux.

"Ecoute-moi bien, petite ! J'ai promis à Ciel qu'à son retour, tu seras parfaitement en forme, alors tu vas te lever et m'écouter un peu.
_ Laisse-moi Elizabeth ! Tu ne peux pas comprendre.
_ Ah oui ? Je ne peux pas comprendre ? Dire que l'on m'avait dit que la Dame Noire ne se laissait jamais marcher sur les pieds. Qu'elle avait le caractère bien trempé qu'avait ta mère avant toi.
_ Ne parle pas d'elle comme ça.
_ Que dirait-elle d'ailleurs, si elle te voyait ainsi ?
_ Elizabeth, la prévint la brune, menaçante.
_ La pauvre ! Elle se retournerait dans sa tombe !
_ Tais-toi !" hurla Irène en se jetant sur Elizabeth.

La marquise esquiva et lança un sourire rusé.

"Que dis-tu de te battre dans les règles ? Un duel à l'épée, ça te convient ?
_ Avec grand plaisir", ricana Irène, les yeux rouges.

Les deux filles se rendirent au salon, et devant les yeux médusées de Sôma et Aghni, elles empoignèrent chacune un fleuret. Je vais la battre avec une facilité déconcertante, s'amusa le jeune fille. Elle ne comprendra pas sa défaite. Cette fille est beaucoup trop faible pour me battre. Elle attaqua la première, et assena des coups violents, qui furent tous arrêtés par la lame de son adversaire. Elle continua son offensive, frappant à toute vitesse et avec une violence inouïe. Pourtant, elle n'avait toujours pas réussi à toucher Elizabeth. Et sans qu'elle ne sache comment, Irène se retrouva par terre, désarmée et la pointe du fleuret sur son cou.

"Alors ? sourit Elizabeth.
_ J'ai perdu", souffla Irène.

Elle s'attendait à ce que la blonde se moque d'elle, la nargue, mais Elizabeth l'aida à se relever.

"Désolée de t'avoir provoqué comme ça, mais il le fallait bien. Tu vas m'écouter maintenant ?"

Irène hocha piteusement la tête et la blonde s'assit en tailleur devant elle.

"Je sais que tu es comme Ciel, une noble qui protège la Reine et exauce ses souhaits. Je sais aussi que certaines fois, vous vivez des choses dures, et que la mort vous frôle souvent. Je sais que tu dois être forte pour aider ceux que tu aimes, alors sois forte. Ne te laisse pas abattre, quoi qu'il arrive. Même si ce que tu vis est horrible, bats-toi pour que ça s'arrête, et si tu ne le fais pas pour toi, ou pour Ciel, fais le pour Aloïs."

Tu es une meurtrière.

Oui père, pensa Irène en serrant des poings, je suis une meurtrière. Mais si ces meurtres ont réussi à arrêter la souffrance qu'éprouvaient ces enfants, je ne regrette rien. Si je tue, c'est parce qu'il n'y a rien d'autre à faire dans ces moments là. Je ne peux pas m'apitoyer sur mon sort en me focalisant sur le passé. C'est fini, les choix que j'ai fait ne pourront jamais être changés. J'ai la chance d'être en vie, alors je vais protéger tous ceux que j'aime, même Elizabeth. Et puis, elle a raison, je dois protéger Aloïs.

Irène se leva, comme libérée d'un lourd fardeau, et pour la première fois depuis longtemps, elle sourit à Elizabeth en s'écriant :

"Merci Elizabeth de m'avoir fait comprendre tout ça. Je t'en serai reconnaissante à jamais.
_ Ce n'est... Ce n'est rien, objecta Elizabeth en voyant son sourire. Et puis, appelle-moi Lizzy."

~.~.~.~.~.~.~.~.~.~

"Faites qu'elle soit encore en vie, faites qu'elle soit encore en vie...
_ Aloïs, si tu ne la fermes pas, je vais te coller une balle dans la tête.
_ Tu penses qu'Elizabeth s'est bien occupée d'elle ? demanda le blond en croisant les bras. Elle est très différente d'Irène.
_ Soma ne m'a pas appelé, je pense que ça ira", rétorqua Ciel en entrant dans le manoir.

Ils se mirent à la recherche des deux filles et finirent par les retrouver dans le salon. Ils faillirent s'étrangler en voyant Irène parler calmement avec la marquise en lui servant une tasse de thé, un léger sourire aux lèvres. Elle leva les yeux sur eux, et leur adressa un petit signe de tête.

"Vous allez bien ?
_ Euh, oui, hésita Ciel. Tout c'est bien passé pour vous ?
_ Lizzy est un ange, tu as la chance de l'avoir pour fiancée, fit doucement la brune, sincère.
_ Qui es-tu, et qu'as-tu fait de la véritable Irène Blackbird ?" s'écria Aloïs en secouant sa fiancée comme un prunier.

Irène le repoussa, les sourcils froncés et les bras croisés.

"Qu'est-ce que tu racontes encore ? soupira la jeune fille, agacée.
_ C'est bon, je te retrouve !"

Aloïs serra Irène contre lui et lui chuchota :

"Pourquoi es-tu aussi calme ?
_ Parce que je vis. Et que je t'ai promis de te protéger. Quoi qu'il arrive, je me battrai pour rester à tes côtés."

La Marque du Diable [Black Butler]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant