Chapitre 9

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Fatiguée d'avoir tant pleuré, Mathilde se relève difficilement du sol où elle s'était laissé tomber. Elle se sent lasse, perdue, quelque peu désabusée et après plus d'une heure passée assise, prostrée derrière sa porte d'entrée, à laisser aller sa tristesse, le frais de cette soirée de printemps a doucement commencé à engourdir ses membres. D'un geste rapide, elle attrape ses affaires disséminées dans son entrée et se met à monter les escaliers qui la mènent à son salon. Elle dépose ses sacs, laisse tomber lourdement sa veste à même le sol, monte la température du chauffage, attrape la télécommande sur la table basse du salon et allume machinalement sa télévision.

D'un pas lent, se forçant à ne pas réfléchir, elle se rend dans la cuisine, ouvre le frigo et se prend une bière. Elle se dirige directement vers sa chambre, sort sa valise de son dressing et la jette sur son lit. Tout en buvant au goulot, elle entasse pèle mêle quelques affaires pour se rendre chez ses parents le lendemain.
Sa valise bouclée, lasse de la situation et de ses réflexions, elle se prend une deuxième bière dans son frigidaire et elle se jette lourdement sur son canapé. Elle fait défiler les chaînes sans même s'en rendre compte, n'ayant aucunement conscience de ce qu'elle est en train de faire. Une trentaine de minutes plus tard, elle se laisse enfin aller à la fatigue et s'endort, en chien de fusil, sur son canapé, la télévision encore allumée.

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De son côté, Gauthier, sur sa moto, roule depuis presque une heure sans réfléchir et sans savoir où il va. Les kilomètres qui défilent rapidement l'aident à ne pas penser. Il croise sur sa route de nombreuses voitures, qu'il ne voit pas vraiment.
Sortant de la ville, il accélère sur les petites routes de campagne et roule à une vitesse vertigineuse. Des routes, puis des bois et enfin des champs se succèdent et il arrive dans un petit village qui, malheureusement, lui est extrêmement familier.

- Mais comment ai-je fait pour arriver là? Se demande-t-il.

Il s'arrête sur une petite place déserte, coupe le contact, enlève son casque, ébouriffe ses cheveux d'un geste mécanique et descend de la moto. L'air est frais et la nuit tombe doucement. Sa gorge se sert comme un étau au fur et à mesure qu'il avance.
Lentement, le médecin pousse un vieux portail et se dirige vers une large allée de petits cailloux blancs qui crissent sous ses pas. Une dizaine de mètres plus loin, il tourne à droite et là, il s'arrête enfin devant une petite tombe de marbre noir où sont inscrits en majuscules dorées deux prénoms: ANNA et ALEX. Il pose son casque au sol et contemple longuement la tombe, ses yeux s'emplissant de larmes qui se mettent à couler le long de ses joues. Tombant à genoux, il se met à caresser d'un geste qui semble désespéré le marbre froid de la tombe, il ne peut s'en empêcher.

Sa voix tremble quand il se met à murmurer:

- Qu'est-ce que je vous aime mes amours, qu'est-ce que vous me manquez. Vous savez, c'est bien plus dur que ce que j'avais osé imaginer, ça fait déjà plus de trois ans que vous m'avez quitté et j'ai l'impression que c'était hier. Anna, je n'arrive plus à avancer dans la vie, vous êtes derrière chacun de mes pas. Vous êtes encore et toujours partout, où que j'aille! Je crève de vous survivre, je suis en train de me perdre et j'emmène Mathilde, malgré elle, dans cette spirale infernale alors qu'elle ne mérite pas ça et qu'elle n'a rien demandé. Je t'en supplie, pitié mon Anna, mon amour, viens me chercher, je veux être à vos côtés, pas ailleurs, c'est trop dur, facilite moi la tâche, s'il te plaît!

Le temps passe et la nuit est maintenant complètement tombée sur le petit cimetière de campagne. N'ayant pas quitté sa place, Gauthier laisse échapper un immense cri de rage. Il pleure à chaudes larmes en fixant les deux inscriptions en lettres dorées et en caressant toujours machinalement le marbre froid. Il se recroqueville alors comme un  pauvre enfant fragile et reste comme ça, se laissant entrainer par son désespoir,  implorant toujours Anna de lui venir en aide.

Je t'aime mais... [en Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant