Chapitre 39

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Je reste planté là, dans mon fauteuil, comme un imbécile, bouche bée, le téléphone à la main. Ce moment tant attendu mais aussi tellement redouté arrive enfin, je tremble de tous mes membres et respire difficilement. Je sens la sueur commencer à perler le long de mes tempes. Je pensais avoir encore quelques jours devant moi, Mathilde n'avait encore eu aucune alerte, aucun signe. Je n'arrive pas à réfléchir correctement et à me concentrer, mes idées partent dans tous les sens. Est-ce que ça va aller ? Est-ce que tout va bien se passer? Va-t-elle y arriver ? Vais-je y arriver ? Je suis pétrifié.

Je pose le téléphone sur le chariot à mes côtés et le fixe sans bouger. Qu'est-ce qui m'arrive? En fait, je crève de trouille, je m'en rends compte. En plus, l'histoire se répète, Mathilde va accoucher, elle a besoin de moi et je suis injoignable... Comme Anna... Et si ça finissait de la même façon? Et si Mathilde et le bébé y laissaient leur vie? J'angoisse à fond! Ma vie est une suite de belles aventures qui ne terminent pas toujours bien. D'abord Anna, Alex puis moi et mes satanées jambes.... Je ne veux pas et je ne supporterai pas qu'il arrive quoi que ce soit à Mathilde et notre enfant.

Léa, toujours postée derrière moi et qui m'observe depuis que j'ai raccroché, met sa main sur mon épaule et me secoue doucement, ayant compris le foutu merdier qui se trame dans ma tête.

- Ça va aller Gauthier et tu le sais très bien! Rien à voir avec Anna. Mathilde a juste besoin de toi, de ta présence et de ton soutien. Elle est en pleine forme, sa grossesse se passe pour le mieux, il n'y a aucune raison que ça dérape. Regarde, on était encore attablé au bar tous les quatre hier soir, Mathilde rigolant à nos blagues  et maudissant ses Virgin mojitos... Tout va bien! Tu veux que je t'y emmène? demande Léa d'un ton doux.

- Merci Léa! lui dis-je d'un ton pas vraiment rassuré. Tu as raison, tout est ok, tout va bien se passer.

Je lui lance un sourire qui se veut éclatant mais en fait, je n'en mène pas large. Son regard en ma direction en dit long et elle arrive quand même à me convaincre que tout va bien.

Devant mon hésitation grandissante, elle attrape les poignées de mon fauteuil et me pousse.

- Je veux être sûre que tu vois arriver ton enfant! dit-elle en rigolant. Où sont tes béquilles? Je vais t'y emmener parce qu'à ce rythme là, tu seras déjà grand-père que tu n'auras pas encore quitté les urgences pédiatriques!

Je pars dans un grand fou rire. Léa est exceptionnelle quand il s'agit de dédramatiser une situation et mettre tout le monde à l'aise. Je m'enfonce dans mon fauteuil, respire un grand coup et lui demande d'y aller.

- Passe juste au bureau chercher mes cannes s'il te plaît et par celui de Marielle.

Nous prévenons cette dernière de notre départ afin qu'elle appelle un autre médecin en renfort. Celle-ci m'encourage aussi, ça me fait chaud au cœur.

Nous sortons du service des urgences pédiatriques et prenons la direction de la maternité par l'extérieur,  c'est plus court. Nous longeons le petit parc rempli de monde et nous arrivons quelques instants plus tard devant le bâtiment. D'un pas déterminé, Léa me dirige vers la salle d'accouchement. J'aperçois Jean Pierre qui attend devant l'entrée me faisant de grands signes. Il me fixe en rigolant et me dit :

- Ah ben Gauthier, mon fiston, il est temps! Je n'y croyais plus! J'ai bien cru devoir rester pour couper le cordon! Tu vas encore te faire disputer, pour rester poli! Dépêche toi un peu, tu connais ta Mathilde, elle a décidé qu'elle ferait tout son possible pour t'attendre pour voir cet enfant arriver! Et Dieu sait qu'elle est têtue! La sage-femme n'a pas pu l'installer! Fonce!!!!

Il me fait un clin d'œil et me met une tape sur l'épaule pour m'encourager. Cela me réchauffe le coeur, c'est quand même sa fille qu'il a perdu dans des conditions similaires. Je lui souris en retour et demande à Léa d'ouvrir la porte.

Je t'aime mais... [en Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant