Chapitre 27

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Gauthier est toujours debout dans la salle de repos du SMUR, se tenant la joue. Mathilde n'y a pas été de main morte, il a la joue en feu. Il réfléchit à toute vitesse à ce qu'il va faire et décide de sortir prendre l'air afin de rassembler toutes ses idées et élaborer une stratégie.
L'air est chaud par ce début d'après-midi de fin de printemps. Le soleil est à son zénith et aucun nuage ne vient obscurcir le ciel, en parfait contraste avec ses pensées.
Le médecin s'adosse au mur qui jouxte les garages des ambulances, un pied contre le crépi gris et sa main passant et repassant nerveusement dans ses cheveux en bataille. Ses traits sont tirés et l'anxiété mêlée à la colère se lisent sur son visage.

- Bon, mon petit Gauthier, se dit-il en se parlant doucement, va falloir être bon sur ce coup là pour deux raisons. Tout d'abord, au niveau du boulot, dans moins de deux mois, c'est toi le nouveau chef du service et si tu ne veux pas passer pour un branleur dégonflé et dragueur de filles de surcroît, va falloir asseoir ton autorité avec tes subalternes. C'est quand même pas une étudiante de vingt deux ans qui va ruiner ta carrière et en plus, elle n'en vaut pas la peine! Et de deux, si tu veux pas laisser filer Mathilde et l'incroyable chance qu'elle te laisse d'accéder enfin au bonheur dans ta vie, va falloir assurer mon gars! Des femmes comme elle, y'en a pas cent! Putain, elle ne m'a pas loupé quand même, qu'est-ce que j'ai mal!

La main toujours sur sa joue, il ferme les yeux, laissant la chaleur du soleil réchauffer son visage et son coeur qui est en train de se vider lentement de toute substance.

- Si je n'arrive pas à la convaincre de ma sincérité, c'est mort pour moi. Mais comment a-t-elle pu douter à ce point? Je sais que je suis loin d'être clean, mais je pensais qu'avec ce que je lui avais dit et prouvé ces derniers jours elle allait me faire un peu plus confiance. Il semblerait que je me sois trompé, comme quoi, en amour, rien n'ai jamais acquis!

Un groupe de trois personnes passe à côté de lui en le dévisageant bizarrement, l'observant dans son long monologue. Il n'y prête pas attention et jette un coup d'oeil à son portable pour regarder l'heure. Treize heures cinq et il n'est toujours pas calmé. Il rentre dans le service d'un pas déterminé et décide de clarifier la situation de suite, de toute façon, il est nul pour les stratégies fignolées et planifiées et déteste attendre. Il cherche alors Amandine dans les couloirs et croise Marielle la cadre, qui, étonnée par la colère qu'elle lit sur son visage, n'ose même pas lui demander ce qui se passe et lui indique rapidement qu'elle est avec l'équipe paramédicale à l'infirmerie pour les transmissions. Il s'y dirige rapidement et, sans frapper, ouvre la porte avec fracas, laissant tout le monde abasourdi. Un silence de mort règne dans la pièce, le regard de chacun passe de l'un à l'autre, cherchant à savoir si quelqu'un est au courant de ce qui a bien pu mettre Gauthier dans cet état. Bien que tout le monde soit rompu aux humeurs changeantes des médecins, une fureur aussi marquée est plus que rare et jamais annonciatrice de bonnes choses.

- Amandine, t'as trente secondes pour atteindre mon bureau avant que ce soit moi qui t'y envoie d'un coup de pied au cul! hurle-t-il.
Les gens le regardent, surpris.

Se radoucissant un peu, il s'adresse à Mathilde qui le dévisage d'un air indéchiffrable, ce qui le déstabilise un peu.

- Mathilde, s'il te plaît, tu me suis aussi, j'ai des choses à mettre au point avec vous deux et ça ne peut pas attendre.

Ne voulant pas laisser à l'équipe le temps de polémiquer et lui poser des questions sur la situation, la jeune femme se lève lentement, la tête rentrée dans les épaules, le visage fermé, absent de toute émotion et les poings serrés dans ses poches pour suivre Gauthier d'un pas trainant.

La jeune interne les attend à côté de la porte du bureau, son visage est blême et elle tremble de tous ses membres. Elle n'arrive pas à s'arrêter, elle se demande bien ce qui a pu provoquer une telle fureur chez son supérieur. Elle ne se souvient pas avoir fait d'erreur dans son travail et la présence de Mathilde l'intrigue aussi. Ça fait plusieurs jours qu'elle n'a pas travaillé avec la puéricultrice et cette dernière est tellement pointilleuse qu'elle lui aurait parlé d'une probable faute.

Je t'aime mais... [en Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant