Chapitre 6

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Le lundi matin suivant, six heures trente, la sonnerie du réveil de Mathilde la tire d'une nuit de sommeil agitée et peuplée de nombreux cauchemars. En soupirant, elle s'extirpe de son lit avec beaucoup de difficultés, les yeux lourds et les membres engourdis et rejoint la salle de bain en traînant des pieds. Elle prend sa douche mécaniquement, s'enroule dans une épaisse serviette, se sèche longuement les cheveux et essaie au mieux de camoufler, à grand renfort de maquillage, les grandes cernes bleues qui mangent son visage. Le reflet renvoyé dans le miroir est cadaverique malgré tout le mal qu'elle s'est donné. Elle soupire bruyamment en rangeant ses pinceaux dans le tiroir et sens les larmes remonter. Elle se ressaisit rapidement, ça va être compliqué mais il va falloir donner le change toute la journée au travail et bien plus encore, très certainement...

Après avoir rapidement bu une tasse de café adossée simplement au bar de sa cuisine, elle attrape ses clés, son sac à main, enfile une paire de baskets, part déposer comme prévu sa voiture au garage et ensuite se rend au travail à pied.
Elle espère vraiment qu'une bonne marche matinale va l'aider à se détendre et à voir un peu plus clair dans ses pensées.
Sortie de l'atelier de réparation, elle prend la direction de l'hôpital. Une légère brise lui caresse le visage et fait voler ses cheveux. C'est plus fort qu'elle, elle n'arrive pas à penser à autre chose, elle ne cesse de se fixer sur Gauthier, à ce qui s'est passé entre eux l'autre jour, à retourner la situation dans tous les sens espérant trouver enfin une once d'explication. Mathilde, n'ayant pas fait attention au planning de la semaine, sens l'anxiété monter en elle, se demandant aussi s'il travaille aujourd'hui et ce qu'il va bien pouvoir lui dire, s'il daigne lui adresser la parole bien entendu et lui donner peut-être la clé de l'énigme tant attendue? Ou doit-elle lui demander franchement?

Une petite heure plus tard, arrivée à l'infirmerie, elle prend connaissance de son emploi du temps et se rend compte qu'elle n'est pas de garde SMUR. Voyant le nom de Gauthier sur ce planning, elle se laisse tomber sur une chaise et elle laisse échapper un soupir de soulagement. A priori, pas de tête à tête obligatoire prévu avec lui pour la journée. Elle appréhende cependant le moment où elle va le croiser dans les couloirs, elle sait qu'elle ne pourra pas l'éviter éternellement. Quelle attitude adopter à ce moment?

Toujours perdue dans ses pensées, faisant fi de ce qui l'entoure, elle aperçoit Léa qui arrive droit vers elle à ce moment là. Cette dernière regarde Mathilde d'un air étonné.

- Et ben ma belle, t'as l'air crevé, ça ne va pas, t'es malade? demande-t-elle, inquiète, en l'observant du coin de l'œil.

- Oh tu sais, j'ai passé un dimanche affreux, couchée dans le noir toute la journée, avec une migraine atroce. J'ai encore un peu mal à la tête mais j'imagine que ça va passer, j'ai pris un médicament, lui répond rapidement Mathilde d'un ton pas vraiment convaincant.

Léa fixe longuement son amie essayant de sonder ses pensées et lui répond en la prenant par le bras:

- Ok, si tu as besoin de moi, n'hésite pas, fais moi signe. Je suis de garde SMUR aujourd'hui, je devrais avoir un peu de temps et donc pouvoir te donner un coup de main facilement.

Se mettant à sourire, elle continue :

- Et tu as vu le planning en arrivant? Merci Marielle! Je suis enfin en binôme avec Gauthier. Je vais quand même pouvoir faire plus ample connaissance avec ce charmant spécimen. Il était temps dis voir! Je n'y croyais plus!

A ce même moment, le médecin arrive dans la pièce, les épaules baissées, les cheveux en bataille, une tête abominable, les yeux creusés et vides. L'air devient subitement lourd et irrespirable. Il lance à toute volée deux dossiers sur le bureau de l'infirmerie. D'une voix blanche, il salue les deux filles:

- Léa, Mathilde....

- Bonjour Gauthier, lui sourit Léa en retour. Ouh la! Quelle tête vous avez ce matin! Ça ne va pas? Pas assez dormi? Vous aussi, comme Mathilde, vous avez mal à la tête?

Gauthier se retourne vers elle prestement et d'un regard noir, lui assène d'un ton cinglant:

- Qu'est ce que ça peut bien vous faire? En quoi mon état de santé vous regarde? Vous êtes mon médecin? Vous allez me prescrire des vitamines et du paracétamol peut- être? Un arrêt maladie?

Léa tombe à la renverse sur une chaise, non loin de Mathilde, estomaquée par le ton de Gauthier. Sans se justifier ni même s'excuser, ce dernier prend un dossier posé sur le bureau derrière la jeune femme et, sans un mot, quitte la pièce.

Toujours surprise, Léa prend la parole et s'adresse à son amie:

- Mais alors ça! Je n'y crois pas! Mais c'est du jamais vu dans ce service! J'en ai croisé beaucoup des antipathiques ici, mais je n'ai jamais vu de médecin aussi détestable! Je nage en plein délire. Je m'étais complètement voilé la face l'autre nuit, tu avais raison Mathilde, tout compte fait, il ne vaut vraiment mieux pas s'y frotter. J'aurai du t'écouter! J'en ai froid dans le dos. Et bien, j'espère ne pas beaucoup sortir en sa compagnie aujourd'hui et même pas du tout! Mais, dit-elle d'un air songeur, ça me paraît quand même compliqué voire impossible, mais, tout bien réfléchi, en vous regardant bien, n'y aurait -t-il pas de lien entre vos deux mines renfrognées ce matin?

- Franchement, laisse tomber tes suppositions Léa, répond Mathilde d'un ton sec, ça n'a rien à voir, je t'ai dit que j'ai une affreuse migraine un point c'est tout. Ne cherche pas autre chose, où veux-tu que j'ai croisé Gauthier à ton avis? Je t'ai dit qu'il ne m'intéressait pas, je t'en aurais peut-être parlé quand même!

Léa la regarde, perplexe, mais n'insiste pas. L'attitude de son amie n'est pas normale et tout à fait inhabituelle. Sans insister, elle ramasse le planning de travail, son téléphone et se dirige vers les garages du SMUR et lâche à qui veut bien l'entendre:

- Et bien, ça va être gai aujourd'hui ! On risque de plutôt bien s'amuser !

Je t'aime mais... [en Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant