Chapitre 38

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Gauthier.

Je suis assis à mon bureau, un sourire au coin des lèvres, et je caresse du bout du doigt le cadre qui est posé devant moi. Le ventre de Mathilde a bien poussé depuis cette photo d'elle prise à ma sortie de réanimation et elle est maintenant prête à accoucher. Cette photo a été faite par ma mère à son insu quand le médecin lui a annoncé que l'extubation s'était bien passée, que je me réveillais en douceur du coma artificiel dans lequel ils m'avaient plongé et que je quittais le service le lendemain matin. Son visage était tellement lumineux que cet instant a été immortalisé. Ce portrait est magnifique, merci maman. Bien entendu, Mathilde déteste ce cliché!

Cette dernière a passé dix longs jours à mes côtés en réanimation sans me quitter, les médecins l'ayant autorisé à le faire en tant que membres du personnel soignant tous les deux. Elle sortait juste pour aller se doucher le temps de mes soins et se restaurer, dormant sur un fauteuil à mes côtés. Dix jours sans relâche à me tenir la main, m'embrasser et me parler, de rien, de nous, de notre histoire, de notre futur, de notre bébé, à m'encourager dans mes progrès au niveau médical. Je ne me souviens pas de tout ça avec la sédation mais juste de cette sensation de ne pas être seul, de sentir une présence bénéfique à mes côtés. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans elle. M'en serais-je sorti? Aussi rapidement? Mathilde, c'est l'amour de ma vie, je n'ai pas honte de le dire, c'est tellement plus fort qu'avec Anna, tellement différent. Notre amour est passionnel, fusionnel. Elle est mon âme soeur, ma bonne étoile. Je ne suis rien sans elle. Je lui en serais reconnaissant jusqu'à la fin de mes jours.

Le terme est prévu dans quinze jours et j'ai hâte que la petite frimousse de notre enfant se montre enfin. Nous n'en connaissons pas le sexe, je ne voulais pas savoir et Mathilde a respecté mon choix. J'avais bien trop peur de transposer mon histoire avec Alex sur ce petit être à venir. J'ai déjà tellement tremblé depuis que j'ai appris que j'allais être papa, à chaque instant, pour la santé de Mathilde sans qu'elle le sache. Bien qu'elle s'en doute fortement, je pense, puisqu'elle passe son temps à me rappeler qu'elle n'est pas en sucre! Je suis complètement flippé mais j'essaie de relativiser et de prendre sur moi, Mathilde est en pleine forme.

Bien entendu, je rêve secrètement d'une petite fille qui ressemblerait à sa maman qui est tellement magnifique. Quand je l'écoute, elle me dit qu'elle se sent grosse et moche, qu'elle ressemble à une baleine, mais moi, je la trouve juste superbe et sexy à souhait. Elle est splendide enceinte quoiqu'elle en dise et elle me fait toujours autant d'effet, si ce n'est pas plus! Je ne me lasse pas de l'embrasser, de la caresser à chaque fois qu'elle s'approche de moi et de lui faire l'amour dès que possible comme à nos débuts. Enfin, presque, je manque un peu de mobilité et de souplesse ces derniers temps! Mais mon dieu, qu'est-ce que je l'aime.

Jean Pierre est passé me voir, ça fait un peu plus de deux semaines que j'ai repris le travail et j'ai encore un petit peu de mal à retrouver mes marques. Heureusement, suite à mon accident, qu'il a différé son départ à la retraite et qu'il m'aide à m'y remettre car je ne me sens pas vraiment à ma place comme chef du service des urgences pédiatriques dans mon fauteuil roulant ou avec mes béquilles. Je trouve cela déplacé, même si cela va être temporaire. Probablement un peu long, mais temporaire. Je commence seulement à me déplacer correctement avec ces satanées cannes mais je ne suis pas encore bien stable. Mon collègue et ami traumatologue a enlevé l'ensemble du matériel de mes jambes il y a tout juste un mois.
Un urgentiste incapable de courir et d'être opérationnel rapidement en cas de besoin, pour moi c'est inconcevable.
Ceci dit, tout le monde est sympa et prévenant avec moi mais c'est dur. Ils passent leur temps à me rappeler que je courrai probablement bientôt plus vite qu'eux avec ma rééducation et mon acharnement. On verra...

Il fallait pourtant, pour le bien-être de ma santé mentale, que je reprenne le travail. Mais vais-je y arriver?
Derrière mon bureau, je les observe aller et venir dans les couloirs, je les regarde courir vers les garages du SMUR non sans une réelle pointe d'envie, malgré ce terrible accident. J'ai seulement véritablement commencé ma rééducation et je ne sais même pas si je vais pouvoir abandonner un jour ces maudites cannes. J'ai juste envie de les envoyer bouler et de reprendre une vie normale. Mon chirurgien et ami qui m'a opéré me dit que ça devrait le faire, que je ne vivrai pas avec, je dois être patient... C'est bien là le problème!

Je t'aime mais... [en Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant