Je t'aime mais... [en Correction]

Chapitre 13

Peu de temps après, Gauthier, toujours confus, quitte la petite réserve et se rend au service des urgences pédiatriques cherchant absolument un dérivatif à ses pensées moroses. Il se prend un café en salle de repos et se jette dans un fauteuil.

- Mais putain qu'est-ce que je peux être con, c'est pas possible! Je ne peux, ne veux rien lui offrir et je me jette sur elle. Elle m'obsède, c'est terrible, elle occupe constamment toutes mes pensées, même les plus osées! Ça ne m'était jamais arrivé! Perdre le contrôle de la sorte, une première! Imbécile va! Et sur ton lieu de travail en plus! Qu'est-ce que je vais faire pour m'en sortir? Après ça, jamais elle ne me pardonnera et elle aura bien raison! dit-il fortement en abattant son poing sur la table devant lui, renversant son café.

Il soupire et ferme les yeux, l'imaginant nue, offerte à lui, revivant la scène dans ses moindres détails. Mon dieu, que c'était bon...

- Bonjour Gauthier! dit une voix familière derrière lui, interrompant le cours de ses pensées.

Ce dernier sursaute.

- Ah! Bonjour Jean Pierre, ça va?

- Plutôt bien, mais on dirait que ce n'est pas ton cas, vu ta tête et la flaque de café étalée sur la table. Dure journée? Ça avait l'air pourtant plutôt calme aujourd'hui? Une seule intervention SMUR... Tu semblais être en pleine forme quand je t'ai aperçu ce matin et là, on dirait que tu portes à toi tout seul le poids du monde sur tes épaules! Sacrée charge... Je te cherchais, il faut que je te parle. Viens dans mon bureau, s'il te plaît.

Gauthier se lève, va chercher de quoi essuyer le café sur la table et suit Jean Pierre dans les couloirs, les épaules basses.

- Entre Gauthier, assied toi, s'il te plaît.

Ce dernier prend place dans un large fauteuil bleu face au bureau de Jean Pierre.

- Bon, commence le chef des urgences, alors, comment te sens tu dans ton nouveau job?

- En fait, ça va plutôt bien, je prends mes marques avec le service et le personnel. Ils sont vraiment sympa et leur accueil est chaleureux. J'avais un peu peur mais c'est plutôt cool. Tu me connais, je suis quelqu'un qui n'aime pas vraiment le changement et sortir de ma zone de confort me rend plutôt nerveux.

Jean Pierre l'observe, les yeux plissés.

- Je suis effectivement assez bien placé pour le savoir mais dis moi maintenant, que je sais que tout va bien ici, qu'est-ce qui se passe au juste avec Mathilde? dit-il sans transition.

Gauthier le regarde, surpris.

- Pardon?

- Ecoute, Gauthier, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je suis un peu âgé mais je ne suis pas encore fou, je vois bien que quelque chose ne tourne pas rond entre vous. Le matin, vous arrivez chacun de votre côté avec le sourire et le même soir vous faites la gueule. Ce matin Mathilde chantait et plaisantait dans les couloirs, là, je viens de la croiser, elle m'adresse à peine la parole alors que rien de spécial est arrivé aujourd'hui et je te trouve à ruminer en salle de pause avec ton café renversé. Vous êtes de garde SMUR tous les deux aujourd'hui et c'est pareil à chaque fois que vous êtes présents tous les deux au service. Alors?

- Oh non, Jean Pierre, qu'est-ce que tu vas chercher? Tu fais erreur! se défend lamentablement le jeune médecin.

- Arrête Gauthier, ce n'est ni ton ancien maître de conférence ou ton chef de service qui te parle mais c'est ton beau père! OK? lui dit Jean Pierre sans attendre. En plus, je te rappelle que je suis un homme et j'ai bien vu comme tu la regardes. Ceci dit, tu as raison, elle est magnifique mais je suis un peu vieux pour elle! Et je l'ai vue, elle te dévore littéralement des yeux.

Le jeune docteur sourit à cette évocation.

- Alors, mon garçon, où est le problème?

Le regard perdu au loin, la voix de Gauthier se brise quand il s'adresse à son interlocuteur.

- Jean Pierre, je peux pas, je peux pas faire ça à Anna, ta fille. Et pas devant ton nez! Je ne peux pas la trahir, je n'ai pas le droit.

Jean Pierre semble étonné de la réponse de Gauthier.

- Comment ça, trahir ma fille? Cela fait trois ans qu'elle est morte, comment pourrais tu lui faire du tort et la blesser?

Une larme coule sur la joue du jeune médecin.

- Je lui ai promis, quand elle est décédée, que je lui resterai toujours fidèle. Je ne peux pas briser mon serment, c'est tout ce qu'il me reste d'elle...

La stupeur se lit sur le visage du chef de service.

- Avec tout le respect que je te dois, tu ne serais pas un peu cinglé Gauthier? T'as trente six ans, tu comptes te faire moine? Tu crois qu'Anna est heureuse là haut à te voir te morfondre comme ça? Elle était tellement pleine de vie, de joie de vivre, rends lui hommage, retrouve ton entrain! Et si c'était tout simplement elle qui te donnait un coup de pouce et qui te mettait Mathilde sur ton chemin pour te refaire enfin reprendre goût à la vie et au bonheur? Tu as songé à cette hypothèse? Elle aimait tellement te voir heureux et plein de vie, souviens toi...

Gauthier prend sa tête dans ses mains.

- Je ne sais plus quoi penser Jean Pierre. Tu as peut-être raison. Je ne l'avais pas imaginé comme ça. Mais si Mathilde ne voulait pas de moi? Et si oui, qu'est-ce que je pourrais lui apporter? Je suis tellement abîmé... Et si elle disait oui et que quelque chose lui arrivait? Je crois que je serais incapable de supporter cela une deuxième fois, et....

Son beau père lui coupe la parole.

- Je t'arrête tout de suite Gauthier, tu sais, l'histoire se répète rarement deux fois de la même façon. Cela a été terrible pour nous tous et encore plus pour toi qui a assisté à toute cette tragédie. Mais il nous faut aller de l'avant! Tu ne peux pas passer ta vie à te morfondre, ce n'est pas possible. Je pense sincèrement que tu réfléchis beaucoup trop.

- Et si tout allait bien entre nous, qu'on construisait quelque chose et qu'elle voulait un enfant? J'en ai déjà perdu un à la naissance...

-Arrête Gauthier, tu ne peux pas maîtriser tout les éléments. Mathilde est une jeune femme douce, attentionnée, chaleureuse et si souriante. Et son p'tit cul dans son pantalon de SMUR, avoue quand même que ça vaut le détour!

Gauthier éclate de rire.

- Je pensais qu'elle était trop jeune pour toi?

- Bah, j'suis pas aveugle, ça ne m'empêche pas d'y jeter un œil! Trêve de plaisanterie, réfléchis un peu, Anna n'a rien à te reprocher, tu es exemplaire. Elle sera heureuse là haut de te voir sourire à nouveau, j'en suis sûr. Je te donne ma bénédiction, si c'est ça que tu attends, mais s'il te plaît, reviens enfin parmi nous!

Jean Pierre se lève et se dirige vers Gauthier. Les deux hommes tombent dans les bras l'un de l'autre. Gauthier ne peut retenir ses larmes.

- Tu sais, Anna et Alex me manquent terriblement!

- Je sais très bien, à moi aussi fiston.

- Merci de m'avoir ouvert ton cœur Jean Pierre et de m'avoir secoué. Je n'aurais jamais pensé que tu puisses m'imaginer avec quelqu'un d'autre qu'Anna. Je vais essayer de parler à Mathilde, mais ça ne va pas être facile. Elle ne veut plus me voir, je me suis comporté comme un con avec elle, j'ai vraiment déconné. Je ne peux pas lui en vouloir.

Les yeux de Jean Pierre sont brillants. Quand il relâche Gauthier, il lui dit:

- Promets moi une chose. Si un jour tu l'épouses, j'aimerais être ton témoin, j'en serai vraiment honoré.

- Avec plaisir Jean Pierre , mais je crois qu'on en est loin!