Le message tout juste envoyé, j'entendis deux coups distincts contre ma porte. Cela ne pouvait être que mon père qui m'invitait à manger.
- Je n'ai pas faim ! m'écriai-je à travers le battant.
La poignée tourna et il pénétra dans la pièce sans attendre une quelconque permission de ma part.
- Ce n'est pas pour ça que je viens, admit-il.
Mon téléphone vibra une nouvelle fois. Je l'ignorai soutenant le regard froid de mon père. Après un silence qui me semblait lourd de conséquence, il s'installa sur mon lit et brisa la glace.
- Lucie, si tu ne voulais pas que l'on déménage, pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ? Je pensais que cela te plairait.
Au moins, il n'y allait pas de main morte. Je songeai avec application aux mots que j'emploierai :
- Si je t'avais dit combien ça me blessait de partir, tu te serais privé uniquement pour moi. Je ne suis pas égoïste, j'avais envie que tu te sentes bien, que tu puisses avoir une vie normale, loin de tes phases noires. Mais je n'ai jamais voulu partir, quitter mes amis, la maison... Ici, je ne me sens pas moi-même, j'étouffe.
- Je ne sais pas quoi faire...
Je culpabilisais tant de le heurter ainsi. En cet instant, j'aurais donné n'importe quoi pour effacer mes propos de la veille.
- Il n'y a rien à faire malheureusement. J'ai fait une erreur en te cachant ce que je ressentais à l'idée de venir ici, mais c'est trop tard. Il n'y a plus moyen de faire marche arrière. Je chercherai des écoles dans le sud pour l'année prochaine.
- Retourner là-bas et me laisser seul ? C'est ça ta solution ?
Il fronça les sourcils, songeur.
- Je serai majeure et capable de m'assumer, et je reviendrai te voir. Souvent. Je ne t'abandonnerai pas...
Cette conversation me mettait terriblement mal à l'aise. Je sentais le mur de nos secrets respectifs se dresser entre nous et entacher nos paroles.
- Par rapport à hier soir, sache que je t'en veux toujours. Je refuse que tu sortes sans m'en avertir. Je veux savoir où tu vas et avec qui ! T'imaginer seule le soir dans les rues ne me plait pas. Imagine qu'il t'arrive quoi que ce soit... Si tu as le moindre problème, tu m'appelles et je viens te chercher, c'est entendu ?
- Oui.
J'avais répondu cela pour le rassurer, mais en aucun cas je ne comptais lui exposer chaque sortie que je ferai. Tout d'abord parce qu'il ne pourrait pas s'empêcher de jouer les pères surprotecteurs et enfin parce que cela ne le regardait pas.
- Si les choses sont claires, je t'invite à passer à table.
- Vraiment pas faim. Et il faut que je révise.
- Comme tu préfères.
Il marqua une pause avant de reprendre :
- Tu sais que je t'aime chérie ?
- Bien sûr, répondis-je avec un hochement de tête.
- Tu ressembles de plus en plus à ta mère...
Sur ces paroles, il quitta la pièce, tête baissée.
Je soupirai de soulagement en entendant la porte se refermer. Je m'étais attendue à de nouvelles représailles, mais il s'était contenté des essentielles recommandations parentales.
En revanche, j'étais bien moins adepte de son dernier commentaire. Il osait me comparer à cette femme que je haïssais prodigieusement. Cela me blessait d'entendre ce type de propos, car je ne doutais pas une seule seconde que sa comparaison n'avait rien à voir avec l'aspect physique.
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Revirement
Teen FictionSuite à la mutation de son père en région parisienne, Lucie est contrainte de quitter tout ce qu'elle a toujours connu dans le sud de la France notamment Camille sa meilleure amie et Thomas qu'elle aime pourtant éperdument. Déprimée, elle tente de...